Près de six mois après le début de mesures sanitaires exceptionnelles visant à contrer la COVID-19, une question se pose : quelles traces la distanciation sociale, le télétravail et autres effets collatéraux de la pandémie laisseront-elles sur la santé mentale des travailleurs en communication ? Discussion sur le sujet en compagnie de Valérie Charest.

Chronique de la rentrée, alors que les matinées fraîches rappellent à quel point l’été fut salvateur pour le moral. Mais est-ce à dire que le proverbial (et désormais imbuvable) « Ça va bien aller » des derniers mois se serait métamorphosé en un simple « Ça va bien » ? Si les mois estivaux ont eu l’effet d’un baume sur l’isolement provoqué par un printemps houleux, la reprise automnale et la lueur d’une possible (possible seulement, répétons-le) deuxième vague sonnent l’alarme chez bien des travailleurs – dont la santé mentale fut mise à rude épreuve en ce début d’année 2020. COVID ou non, les employeurs et employés du milieu des communications sont-ils outillés pour faire face à des crises pouvant mettre la santé mentale en jeu ? « Je confirme qu’il n’existe pas encore de petit guide pratique sur l’art de prévenir ou d’intervenir en situation de crise reliée au bien-être psychique et émotionnel, dit Valérie Charest, gestionnaire au bec (bénévolat d’entraide aux communicateurs). Des mesures, toutefois, seront bientôt prises pour donner des formations en entreprise à ce sujet. Si chaque bureau possède une trousse de premiers soins ou encore un employé désigné pour donner des manœuvres respiratoires et cardiaques, pourquoi ne jouirait-on pas des mêmes types de ressources en ce qui a trait à la santé mentale ? »

CHERCHER DE L’AIDE (AVANT DE CREUSER SA TOMBE)

Des alternatives, donc ? « En mai dernier, le bec devait tenir une formation du genre, laquelle a ironiquement été reportée en raison de la situation en cours. L’organisme croit toutefois qu’il est temps de le remettre à l’agenda, car plus que jamais, nous avons besoin d’approfondir nos connaissances sur la santé mentale afin d’apporter de l’aide aux équipes et collègues qui peuvent être affectés par la situation.* » Est-ce que l’anxiété reliée aux effets de la pandémie s’est fait ressentir sur la ligne téléphonique d’aide du bec ? « À la mi-mars, quand tout s’est mis à dérailler, je me suis dit que notre ligne de soutien allait certainement exploser, poursuit Valérie Charest. Mais, non ! Pas du tout. Le premier réflexe des gens en a été un de survie : il fallait d’abord gérer la situation, gérer la famille et tout le reste avant d’aller chercher de l’aide. C’est un réflexe qui peut sembler normal, mais attention : c’est plus tard que l’épuisement se pointe. Après les rushs d’adrénaline, si je puis dire. À tous ceux qui attendent une deuxième vague de pied ferme, je dis : n’attendez pas d’être en train de creuser votre propre tombe pour aller chercher de l’aide. C’est primordial ! »

CONTRER L’ISOLEMENT DU TÉLÉTRAVAIL

Parallèlement, les travailleurs en agence semblent avoir plutôt bien géré l’arrivée en masse du télétravail : une bonne nouvelle pour la santé mentale ? « Ça dépend : j’en connais quelques-uns là-dedans pour qui le retour des enfants à l’école aidera à préserver l’équilibre émotif ! s’amuse Valérie. Nombreux sont celles et ceux qui ont reconnu de grands mérites au travail à la maison ; pour d’autres, le télétravail doit cependant porter une partie du blâme quant à l’effritement de leur bien-être. La solitude et l’isolement pèsent très lourd chez certaines personnes. Il n’y a rien comme de côtoyer physiquement ses collègues dans un même lieu pour sentir leur état émotif – et intervenir au besoin. Les rencontres Zoom ont beau être pratiques, elles brisent en quelque sorte le contact humain. Les discussions que nous avions l’habitude d’avoir dans le couloir ou autour de la machine à café sont suspendues, et il ne faut pas sous-estimer leur importance. Je pense au nombre de fois où j’ai pu être à l’écoute d’une collègue en agence qui traversait un moment difficile, à qui j’ai flatté le dos pendant qu’elle sanglotait dans la salle de bain. Les gens continuent de souffrir, sauf qu’ils sont moins entourés. »

AU-DELÀ DU MASQUE

Distanciation sociale ou non, la meilleure aide qu’un employeur ou un collègue puisse apporter à son entourage reste d’être attentif aux symptômes d’une santé mentale fragilisée. « Une personne dont le comportement change, dont la joie de vivre s’étiole où qui s’isole (virtuellement ou non) de plus en plus sont des signes avant-coureurs que quelque chose ne va pas, poursuit Valérie. Les causes peuvent être multiples : une peine d’amour, une situation financière difficile, un vague à l’âme soudain… Tant de scénarios possibles, d’où l’importance de consulter ou d’inviter à consulter un psychologue pour obtenir un suivi spécialisé. C’est comme de voir un docteur quand tu as mal au genou. Autrement, comme collègue ou employeur, tu n’as rien à perdre à tenter le classique : je suis là si tu veux me parler. L’autre en vient généralement à se confier dans un tiers des cas. La santé physique aussi peut avoir un lien avec la santé mentale : une mauvaise chaise de bureau ainsi qu’un écran mal adapté peuvent être des sources d’inconfort qui vous sapent le moral à la longue. Si vous travaillez du bureau, c’est à votre employeur d’y voir. Il est important aussi de jouer franc-jeu avec ce qui vous tracasse, ce qui vous pèse. On parle beaucoup du port du masque depuis un moment : il est temps de laisser tomber celui du paraître (les experts en communication le connaissent bien celui-là) et d’aller chercher de l’aide si vous en ressentez le besoin. C’est votre droit. » 

Pour consulter les formations des prochains mois du calendrier pancanadien de la santé mentale, visitez le : https://www.mhfa.ca/fr/course-types.

*Si cette formation vous intéresse, il est possible de mettre votre nom sur la liste d’attente en écrivant à [email protected] .