Pour plusieurs, la saison estivale est habituellement synonyme de voyages enivrants, ponctués de rencontres impromptues, de virées gourmandes au restaurant, de découvertes culturelles, bref, d’une pause bien méritée. Ça, c’était avant la planète Covid. Avant que notre univers ne soit chamboulé, et nos vacances autour du monde, annulés. Optimistes, jamais résignés, les professionnels de l’industrie ne comptent pourtant pas gaspiller leurs plaisirs d’été pour autant, et nous racontent comment ils prévoient se « virer sur un dix cents » pour profiter au maximum de la saison chaude.

Mondialisation oblige, la planification de vacances à l’étranger est presque devenue la norme. Pour plusieurs, elles représentent définitivement le highlight de l’année, une échappatoire à une routine répétitive, à un environnement qu’on a trop vu, ou à un manque d’évasion. Malheureusement, les derniers mois nous ont fait comprendre à la dure qu’il faudrait encore attendre un bon moment avant de goûter à cette très chère liberté, avant de retrouver cet univers d’avant, celui de tous les possibles. Vols à prix exubérants, frontières fermées, quarantaines imposées; voyager à l’étranger n’est plus du tout une partie de plaisir.

Retrouvailles remises à plus tard

« Nous n'avions prévu aucune vacance à l'étranger, car on accueille nos premiers enfants (des jumeaux franco-québécois !) au début de l'été. Par contre, toute ma famille qui réside à l'étranger avait prévu venir cet été et, à l'heure actuelle, c'est encore impossible de l'envisager ni de savoir quand ce sera d'actualité. C'est évidemment une immense déception, que de nombreuses personnes vivent en ce moment partout dans le monde », indique, non sans émotion, Aurélie Sauthier, présidente et cofondatrice de Maison Made in.

Aurélie Sauthier
Aurélie Sauthier, présidente et cofondatrice de Maison Made in

« Au début du mois de juin, nous devions partir presque trois semaines au Portugal. Nous avions planifié ce voyage depuis des mois, puisque j’allais présenter mon pays d’origine et ma famille à mon amoureux! Les billets d’avion et les logements étaient tous déjà réservés et payés… Heureusement, tout a été remboursé », se résigne Elsa Vilarinho, directrice groupe conseil chez Sid Lee

Elsa Vilarinho
Elsa Vilarinho, directrice groupe conseil, Sid Lee  

Consolés par les merveilles de notre fleur de lys

Alors, on fait quoi à la place ? Il reste toujours notre bonne vieille province ! Celle-là qui regorge d’endroits magnifiques, en ville ou à la campagne, trop longtemps ignorés par certains. Plusieurs en profiteront cet été, remisant leur passeport pour une période indéterminée.

« Pour moi, ça serait un mix de chalet au calme au bord d'un lac pour y faire des heures de nage et de terrasses ouvertes avec les amis en ville. On est de vrais citadins, alors on a nos adresses favorites qu'on a hâte de retrouver avec notre immense poussette double. Mais on aime aussi le silence et le repos que procure la nature. On est très gâtés pour ça au Québec ! », se réjouit Aurélie Sauthier.

Presque poétique dans son désir d’explorer le belle province, Mathieu Chabot, concepteur-rédacteur pour l’agence Camden, se sent quant à lui privilégié de pouvoir prendre des vacances en cette période de chamboulement, se qualifiant même de happy camper. « La beauté des vacances au Québec c’est lorsque le paysage urbain se dilue pour faire place aux magnifiques recoins d’ici. Et quoi de mieux que de se laisser guider par le fleuve. Côte-Nord, Bas-Saint-Laurent, peu importe. J’irai dans le sens qu’il coule. »

Mathieu Chabot
Mathieu Chabot, concepteur-rédacteur, Camden

Susannah Rubin, aussi conceptrice-rédactrice chez Camden, se décrit sans gêne comme une « pas voyageuse ». Elle profitera avec joie du temps de qualité enfin à sa disposition, qu’elle passera en ville, seule ou avec ses filles. « La pression est partie. On fait toutes sortes de choses – certaines constructives, d'autres un peu moins – parfois ensemble, parfois séparément. Mes enfants proposent des projets, je leur fournis le nécessaire pour les réaliser. Depuis de nombreuses années, je suis une adepte du balconville (en tant qu’anglo, j’adore ce terme). Donne-moi un parc, une couverture et une pile de magazines New Yorker à rattraper, et je suis satisfaite! »

Susannah Rubin
Susannah Rubin, conceptrice-rédactrice chez Camden

« Rouler jusqu’à Charlevoix, passer quelques jours dans cette région magnifique et partir à la découverte de bonnes tables. Profiter également des parcs et de leurs sentiers de vélo de montagne. Nous sommes gâtés au Québec par la diversité qui s’offre à nous pour les activités de plein air », s’enthousiasme Elsa Vilarinho.

Mauvaise nouvelle, bonne nouvelle?

La crise actuelle aura-t-elle tout de même du positif ? Encouragera-t-elle à l'avenir la population québécoise à privilégier les déplacements locaux pour leurs vacances afin de préserver l'environnement ?

« Je l'espère, mais j'en doute également. Une fois la crise derrière nous, il ne suffira que de quelques bonnes campagnes de l’industrie touristique, d’un contexte économique favorable, et voilà, à nous la Tanzanie, Tokyo, Beyrouth, Bali ! », s’amuse Mathieu Chabot.

« On constate déjà l'effet « panier bleu », croit Susannah Rubin. On pourrait penser qu'il s'agit d'une mode passagère, mais à mon avis, cette fois-ci, on dispose d'un puissant vecteur de changement : la pression sociale. Je le vois beaucoup avec le voyage. Depuis quelques années, on assiste à une remise en question grandissante face au transport aérien, qui ne posait aucun problème avant. Tout le monde était prêt à apporter ses sacs réutilisables et se promener avec une gourde, mais renoncer aux voyages internationaux ? Jamais. Avec tout ce qui arrive, ce n'est pas seulement le carburant qui pose problème, mais les zones d'ombre éthiques liées à ces rencontres interculturelles jusqu’ici considérées comme incontestablement bénéfiques. Tout à coup, on se rend compte que notre précieux parcours personnel a un prix. »

« Je crois que deux nouvelles réalités cohabitent désormais. D'une part la crise sanitaire et les craintes qui en découlent, qui amènent les individus à repenser leurs options de vacances. Et d'autre part, effectivement, la prise de conscience massive de l'impact écologique du tourisme de masse. Je crois donc que de nombreux voyages d'affaires qui étaient devenus une norme acceptée, presque un style de vie dans certains métiers, seront aussi questionnés. Est-ce que « sauter dans un avion » est vraiment toujours nécessaire ? », se questionne Aurélie Sauthier.

Bref, c’est l’été quand même

Conclusion ? Peut-être un peu déçus ou légèrement débalancés par ces fameux « temps incertains », les professionnels de l’industrie useront de leur imagination débordante et de leur soif de découvertes pour faire de cet été « pandémique » une période tout de même remplie de beaux souvenirs.

« Ce ne sera pas l’été de mes rêves, ni celui que j’aurais souhaité, mais il faut l’accepter. C’est notre réalité à tous », conclut avec sagesse Elsa Vilarinho.