L’arrivée des beaux jours miroite un semblant de vie qui flirte moins avec la dystopie. Et pourtant, les bourgeons qui se ragaillardissent et les oiseaux qui gazouillent cui-cui jurent avec la réalité pandémique. En avril dernier, le Grenier a sondé plusieurs figures du milieu de la communication pour connaître ce qu’elles avaient vraiment sur
le « chest » depuis le début du confinement. Les échos de l’industrie oscillaient entre espoir, fatigue et incertitude. Gratitude aussi, de savoir que quelqu’un, quelque part, lui demande « comment ça va pour vrai ». L’univers de la comm est peut-être petit, mais on n’a pas pu échanger avec tout le monde ! On a donc répété l’exercice. Une fois de plus, revue en toute transparence sur ce que vit l’industrie : petites boîtes, plus grandes boîtes et freelancers.

Chaque semaine depuis mai, le mardi et le jeudi, le Grenier diffuse sa série « Comment ça va pour vrai chez... ».

Ça va mieux

Vice-présidente, directrice des opérations et leader clients chez Tam-Tam\TBWA, Audrey Lefebvre nous divulgue qu’au niveau personnel, ça va plutôt bien — voire mieux — depuis le déconfinement progressif et la réintégration des grands-parents dans le noyau familial. « Entre deux parents qui travaillent à temps plein et les enfants d’âge préscolaire qui doivent poursuivre leurs apprentissages à la maison, sans notre village, on peinait à y arriver ».

Audrey Lefebvre
Audrey Lefebvre, Vice-présidente, directrice des opérations et leader clients, Tam-Tam\TBWA

À l’agence, les gens comprennent que la situation à laquelle l’équipe fait face est exceptionnelle et qu’elle doit faire preuve d’une grande flexibilité. « C’est encore plus vrai pour les parents de jeunes enfants qui doivent jongler entre les appels en visioconférence, les pitchs, les présentations client, le tout entrecoupé de courriels de professeurs enseignants et spécialistes, en plus des trousses du Ministère de l’Éducation, des communications de la Commission scolaire, de l’école, alouette ! ».

Linda Desrochers, associée et directrice générale groupe chez Absolu, dit qu’elle va quand même bien. Du moins, maintenant ! « Pour être bien franche, on a été très réactif depuis le début de la crise. On a repris le contrôle, on a rétabli nos bases, on a réintégré nos équipes et ça va vraiment bien ». Somme toute, Linda assure que l’agence ne tient rien pour acquis et qu’au moment actuel, la priorité demeure l’équipe et les clients. « On a la chance d’avoir de super bons clients. Comme nous, ils ont été déstabilisés au début de la crise ».

Linda Deschenes
Linda Desrochers, associée et directrice générale groupe chez Absolu

Personnellement, Linda est passée à travers toute la gamme d’émotions. « Au début de la crise, j’étais carrément dans le déni. Je ne pensais pas que ça allait nous toucher à ce niveau-là. J’avais aussi peur pour mon équipe et mes clients. Après ça, ce fut un choc. J’ai eu des moments de tristesse aussi, car je devais prendre de grandes décisions ». Quelques personnes ont dû être mises à pied temporairement. « Comme on est tous très proches, ça m’a personnellement affecté. Je savais que c’était la bonne chose à faire pour que l’entreprise survive, mais ça brise le cœur. Malgré tout, les gens ont été super compréhensifs », nous dit-elle.

« En plus de vaquer à la santé de nos gens, on a tenu à communiquer rapidement notre plan de match en ce qui concerne les salaires et le temps de travail, question de gérer la charge mentale de nos équipes », poursuit la VP, directrice des opérations et leader clients. Tam-Tam\TBWA a donc pris la décision de ne faire aucune mise à pied. Elle a toutefois dû faire des réductions en salaire et en temps. Audrey nous révèle d’ailleurs que l’agence vient tout juste d’annoncer à ses employés que 100 % de ses effectifs allaient être maintenus et que le salaire à 100 % revient en juin, en plus de poursuivre ses activités en télétravail, et ce, jusqu’à la fin de l’été. « Nous avons pris cette décision dans le but de réduire le stress relié à l’utilisation des transports en commun, à la gestion des vacances et des camps de jour, mais surtout pour veiller à la santé de nos employés et leur éviter d’avoir à se déplacer au centre-ville comme les autorités de la santé publique nous le recommandent ».

Transparence et bienveillance

« Chez Tam-Tam, on croit aussi qu’il est possible d’allier bienveillance et bien vaillance, dans le sens où pour avoir des employés performants et capables de réaliser leur potentiel, il faut veiller sur eux en leur offrant un peu de confort et de répit, question d’être meilleurs dans leur travail », croit Audrey. Pour preuve, l’agence a instauré plusieurs mesures pour veiller au bien-être physique et mental de ses effectifs en mode télétravail. Ainsi, des chaises, des écrans et autres outils de travail ont été livrés à la résidence des employés et un statut d’agence a lieu deux fois par semaine avec l’ensemble de l’équipe afin de les tenir informés des développements. Chaque semaine, place à la méditation, deux fois plutôt qu’une, et aux vendredis 4 à 5 de Nicole, la réceptionniste de Tam-Tam, qui prépare une recette de cocktail. Enfin, le 3 juillet prochain, l’agence tiendra le Tam-Tamothon où tous les employés et leurs familles se retrouveront par l’entremise d’une application mobile pour une grande course/marche virtuelle. Des surprises gourmandes ont même été livrées aux employés, en personne, par Nicole.

Au début de la crise, Audrey avoue qu’elle a été empreinte d’anxiété. « Je me demandais comment j’allais faire pour être une bonne mère, une bonne leader, une bonne partenaire, sans oublier une bonne personne envers moi-même. On oublie souvent que le bien-être (mental et physique) débute avec soi, dit-elle. Et donc, la journée où j’ai décidé que je ne pourrais pas exceller dans toutes les sphères de ma vie dans le contexte exceptionnel que nous vivons, ça m’a enlevé un gros poids sur les épaules ». L’anxiété qui la tenaillait s’est donc peu à peu dissipée pour faire place à de questions existentielles. « Que devons-nous retirer comme leçons de cette situation, qu’est-ce que j’en retire de positif (ce n’est pas juste négatif !). Aujourd’hui, je peux passer plus de temps avec ma famille, moins de temps dans le trafic (c’est bon pour la planète !) et plus de temps à courir, pour vrai, pas juste entre deux meetings (c’est bon pour le corps, mais surtout pour l’esprit !) ».

« Qui plus est, il n’y a jamais eu de meilleur moment pour assumer pleinement son leadership. C’est dans les périodes les plus difficiles où nos gens sont les plus vulnérables qu’on est réellement confronté à aller puiser le meilleur en nous en tant que leader. Et donc, ça me remplit d’espoir pour la suite. C’est cliché, mais je pense, je souhaite en fait, qu’on ressorte de cette crise plus humbles, plus humains, plus généreux aussi. Je n’ai jamais eu autant le goût de m’investir dans une cause qu’en ce moment ».

Par ailleurs, l’agence a largement dépassé son objectif initial, qui était de 20 000 $, pour son Défi têtes rasées Leucan le 31 mai dernier, où 7 employés se sont rasés les cheveux. « J’espère que comme individu d’abord, mais aussi en tant qu’industrie, nous repenserons à cet épisode et ferons preuve d’une plus grande humilité collective. Tâchons de nous rappeler également d’être responsables dans les choix que nous faisons, surtout dans quelques mois lorsque tout ça sera (parce que je suis optimiste), loin derrière nous », conclut Audrey.

Bien que Linda travaille chez Absolu depuis des années, elle a célébré sa première année à titre de directrice générale et associée le dernier week-end de mai. « En 1 an, vivre son premier gros défi qui est une pandémie, c’est assez intense sur le plan personnel ! Tu as toujours le petit doute qui plane au-dessus de la tête. Une chance que j’ai une équipe solide : les gens ont été super à travers ça ».

Le télétravail n’était pas nouveau chez Absolu. « On était assez libre là-dessus, même si les gens venaient travailler sur place dans nos 4 bureaux à travers le Québec, confirme Linda. À partir du moment où on devait tous être en mode télétravail, ça a pris 24 heures pour tout mettre en place et tout le monde était en sécurité chez soi. On avait déjà tout le matériel nécessaire pour le faire, mais le faire de manière constante avec toutes nos équipes, c’était la première fois ! (RIRES) ».

« On a dû prendre des décisions, mais en équipe, confie Linda. On a été hyper transparents, on a communiqué chacune des étapes à toute l’équipe. Je pense que c’est ce qui a permis à l’équipe d’embarquer et de se mobiliser. Actuellement, tout reprend, on a de beaux mandats et nos clients sont plus fidèles que jamais, car on a passé à travers ça ensemble. Nous sommes plus motivés que jamais pour la suite des choses, Au travail, l’ardeur, l’espoir et l’inspiration sont au rendez-vous. En fin de compte, cette crise a tout de même amené du bon. C’était difficile et ça nous a énormément sortis de notre zone de confort, mais ça a du beau. Je suis plus inspirée à implanter les pratiques et méthodes que nous avons été obligés de prendre en raison de la période Covid ».

« Je pense qu’en cette période extraordinaire que nous vivons, on se doit de collectivement lâcher le riz à bien des égards et d’accepter que tout ne soit pas parfait non plus », conclut Audrey.