L’arrivée des beaux jours miroite un semblant de vie qui flirte moins avec la dystopie. Et pourtant, les bourgeons qui se ragaillardissent et les oiseaux qui gazouillent cui-cui jurent avec la réalité pandémique. En avril dernier, le Grenier a sondé plusieurs figures du milieu de la communication pour connaître ce qu’elles avaient vraiment sur
le « chest » depuis le début du confinement. Les échos de l’industrie oscillaient entre espoir, fatigue et incertitude. Gratitude aussi, de savoir que quelqu’un, quelque part, lui demande « comment ça va pour vrai ». L’univers de la comm est peut-être petit, mais on n’a pas pu échanger avec tout le monde ! On a donc répété l’exercice. Une fois de plus, revue en toute transparence sur ce que vit l’industrie : petites boîtes, plus grandes boîtes et freelancers.

Chaque semaine, le mardi et le jeudi, prenez des nouvelles de vos collègues à travers notre série « Comment ça va pour vrai chez... ». La version longue sera publiée dans le magazine le 25 mai prochain.

Continuer de travailler malgré tout

« À l’agence, ça va bien à plusieurs niveaux, nous dit d’entrée de jeu Pascal Meunier, associé et directeur général de CRI Agence. Dès le vendredi 13 mars, on a installé une chaîne de commandements, de communications. Deux communications par jour sont transmises à toute l’équipe. On a aussi un comité qui effectue des sondages auprès des employés pour connaître leurs états d’âmes ».

Pascal Meunier
Pascal Meunier, associé et directeur général, CRI agence

« Pour vrai, ça va quand même bien, mentionne Julien Roudaut, directeur artistique et illustrateur pigiste. Même si ce n’est pas rose tous les jours, je pense que, comme la plupart des gens depuis le début du confinement, j’oscille entre des journées où je feel bien et d’autres plus down et difficiles. Je pense être passé par tous les sentiments que tu cites dans ta question ». (N.D.L.R. : Qu’as-tu ressenti depuis le début de la crise : déni, choc, colère, tristesse, apitoiement, prise de conscience, espoir pour le futur, etc. ?)

Julien Roudaut
Julien Roudaut, directeur artistique et illustrateur pigiste

Le plus dur pour ce créatif est de ne plus avoir de contacts humains. « Je vis seul, sans même un chat ou un chien à qui parler. Moi qui avais l’habitude de sortir très souvent et de passer peu de temps chez moi ! ». Il estime tout de même être privilégié de pouvoir continuer à travailler de son studio au quotidien. Même s’il a « clairement moins de job qu’auparavant », il tente de garder une routine d’avant crise, comme mettre un cadran les jours de semaine, aller à son studio entre 9 et 5, peu importe s’il a du taf ou pas. Ainsi, même s’il n’a pas de travail, il essaie, par n’importe quel moyen, de stimuler son cerveau et sa créativité. « Sans me forcer à quoique ce soit, précise-t-il. Si ça vient, tant mieux, si ça ne vient pas, c’est chill aussi. C’est aussi une bonne période pour relaxer et prendre du recul ».

Pascal indique que pour l’agence, la communication a été essentielle pour garder l’équipe au parfum de ce qui se passait. Les décisions, les programmes, etc. Le tout s’est effectué dans la transparence, et l’équipe en était reconnaissante.

Certaines activités d’équipe chez CRI se sont poursuivies à distance. Ainsi, chaque mercredi, l’agence a instauré Les rendez-vous du bonheur, où un des associés, Julien Brunet, un passionné de neuroscience, livre ses découvertes lectures. Les jeudis, place à la méditation en vingt minutes, animée par une employée de l’agence. Le vendredi, c’est le Vindredi, pour préserver l’habituel 5 à 7 de la boîte, qui avait l’habitude de faire des annonces autour d’un verre. « On a aussi un des employés qui fait des quizz sur les actualités de l’agence. On est très compétitif, on essaie de performer ! (RIRES) ».

Un stress légèrement allégé  

Pascal révèle que son agence s’est prévalue du programme de subvention des salaires. « Ça a considérablement réduit notre stress de pouvoir préserver les emplois. De plus, le fait qu’on ait plusieurs clients dans le secteur alimentaire qui continuent à plein régime, ça fait en sorte que nos contrats poursuivent. On a même des opportunités de développement ».

Comme il a terminé la totalité de ses contrats, Julien n’a aucune idée de ce que lui réserve le futur, du moins, sur le moyen terme. « On a quand même la chance de pouvoir recevoir la Prestation canadienne d’urgence, souligne-t-il. Ce n’est pas le cas de tous les pays. C’est un stress de moins à la fin du mois ».

Prise de conscience

Julien estime qu’il y a des aspects positifs à retenir malgré la gravité de la crise. « Le fait de vivre une expérience exceptionnelle, tous ensemble, on retrouve une solidarité qu’on avait tendance à perdre de plus en plus. Ça nous a permis de se mettre OFF ou en tout cas de bien ralentir, sans se sentir coupable de le faire. Ça nous permet de prendre du recul et de comprendre que nous avons vraiment besoin de changer nos modes de vie ».

CRI agence était tellement occupée à être en mode gestion de crise, que l’émotion et la prise de conscience n’est apparue que tardivement. « Ça nous a permis de considérer le télétravail. On n’était moins organisé, mais présentement, on roule sur les plateformes comme Zoom, Team, etc. Parfois, en tant qu’employeur, on peut avoir des craintes, mais on réalise à quel point il y a des bénéfices. Je pense qu’il y a du bon qui va rester de tout ça et nos pratiques de télétravail vont rester. On travaille même sur nos politiques de télétravail pour la relance », dit Pascal.

Comme il participe à plusieurs meetings entre agences à l’échelle provinciale et nationale, le DG fait remarquer que cette crise fait ressortir l’aspect humain. « Les agences se serrent les coudes et sont super enclines à s’entraider et à partager les best practices ».   

Tout au long du confinement, Julien a créé une série d’illustrations humoristiques liées à la COVID sur son compte Instagram. Il a même lancé, avec son collectif Sale Caractère, un appel d’offres auprès des créatifs locaux et ensuite internationaux, afin de soutenir à la fois la communauté artistique et celle des personnes sans-abris. « Le projet a pris des proportions assez folles, s’étonne-t-il. Ça fait vraiment plaisir de voir l’engouement suscité par un tel projet et par la cause, et ça nous a tenu vraiment busy pendant le dernier mois. Donc, j’essaie de rester quand même bien actif malgré les circonstances, et si l’activité est utile, c’est encore mieux ».

Au commencement de la crise, le directeur artistique passait son temps à regarder les nouvelles, à se documenter. Puis, il a décidé de complètement arrêter de suivre l’actualité. « Je trouvais ça nocif, explique-t-il. En ce moment je suis un peu dans l’incertitude et dubitatif quant aux mesures prises pour le déconfinement dans chaque pays. Mais je suis curieux de voir l’évolution dans les prochaines semaines, voire mois, en espérant que la vie reprenne petit à petit et que les évènements culturels puissent reprendre. On en a bien besoin », conclut-il.