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La pertinence : notre responsabilité

Comme l’écrivait mon collègue Pierre Léonard à propos de la marque citoyenne en ces temps particuliers ; « S’interroger, être connecté sur son temps, connaître l’histoire, faire preuve d’empathie, se mettre à la place des autres sont des conditions pour inventer le futur. Car, ne l’oublions pas, la condition existentielle des marques est la pertinence ».

Or cette pertinence est mise à mal aujourd’hui. La preuve en est ce montage qui a largement circulé rassemblant une impressionnante collection de moments tirés de nombreuses publicités dans lequel on dénote un manque flagrant de créativité et d’ingéniosité. Les annonceurs ont sans doute tous reçu le même mandat : combler le temps d’antenne déjà acheté dans les médias, mais surtout être présent dans la vie des citoyens coûte que coûte.

Pourquoi et pour qui vraiment ? Pour se montrer empathique à un moment où les gens ont besoin de réconfort et de points de repère dans un monde où tout semble basculer ? En quoi un fabricant d’automobiles est-il utile à mon réconfort en ce moment ? Le point vaut également pour cette multitude de marques qui ont cherché à attirer notre attention lors des dernières semaines en démontrant leur compassion, leur soutien et leur compréhension en ces moments difficiles. Que dire de ces annonceurs qui profitent de l’occasion et se transforment en amuseurs publics pour nous rappeler seulement qu’elles existent et qu’elles ont un produit à offrir.

Le faux pas est vite devenu un malaise, si ce n’est de la colère et de l’indignation. Pourquoi aurais-je besoin d’une piscine à rabais lorsqu’on enterre sa mère, son père et que l’on voit disparaître une génération de bâtisseurs sans pouvoir leur dire au revoir dans la dignité ? Comment peut-on oser me dire de « me payer la traite » lorsqu’une société entière se mobilise pour combattre un ennemi qui menace nos vies ? La maison brûle et certains veulent nous amuser pour se faire remarquer.

Les marques n’existent pas d’elle-même, elles sont l’œuvre de plusieurs intervenants et surtout elles sont complexes. Elles sont à la fois commerciale, citoyenne, employeur et institutionnelle ? Leur gouvernance demande une grande expertise et beaucoup de sensibilité en ce moment précis, pas de sensiblerie. Chacune de ces dimensions sont reliées entre elles et organisent le discours global des marques.

Plusieurs professionnels de la marque nous bombardent depuis le début de la crise d’une multitude de messages sur le « avant », le « après » et également
le « pendant ». Chacun cherchant à se démarquer et à mettre en lumière son expertise et sa créativité quand ce n’est pas pour faire la promotion de son entreprise. Notre rôle n’est-il pas plutôt de prendre du recul et de réfléchir, d’observer et de mieux comprendre la nature et la dynamique du monde qui nous attend ? La pertinence n’est-elle pas en ce moment de laisser toute la place médiatique et mentale aux décideurs, aux témoins et acteurs réels de cette tragédie ? La pertinence n’est-elle pas de bien conseiller ces marques qui veulent s’exprimer à choisir le bon moment et le bon message ?

Nous sommes tous sous le choc d’une crise inattendu et inimaginable par son ampleur et sa sévérité. Elle bouscule les fondements mêmes de nos valeurs collectives. Les marques n’y échappent pas ; elles font partie intégrante de notre société, mais soyons ceux et celles qui donnent du sens et de la noblesse à notre travail.

Si la condition existentielle des marques est la pertinence ; en ce moment cela n’a jamais été aussi vrai.