On se souviendra longtemps du mois de mars 2020 comme de ce moment historique ou plusieurs milliers de Québécois perdaient leur emploi du jour au lendemain, emportés dans la tourmente d’une crise toute aussi invraisemblable que soudaine. Devant l’ampleur de la situation, le gouvernement canadien a agi, proposant de subventionner à 75% le salaire de nombreux travailleurs désemparés. Les agences de création publicitaire, qui ont dû laisser partir à contrecœur plusieurs talents, ont saisi cette opportunité pour tenter de sauver leurs protégés, tout comme leur entreprise, de la dérive. 

Figure de cet arrêt forcé à la fois économique et physique, la pandémie a mis à mal la viabilité de nombreuses PME, en plus de menacer le gagne-pain d’une multitude de salariés à travers le pays. L’industrie de la publicité n’y a bien évidemment pas échappé, plusieurs agences québécoises se voyant forcées de revoir leur stratégie, mais aussi de dire (temporairement) au revoir à des employés aussi talentueux qu’engagés.

Pour Alex Van Dieren, associé et coprésident de l’agence Orkestra, il s’agissait assurément d’une décision déchirante, notamment parce que l’entreprise avait le vent dans les voiles tout juste avant l’arrivée subite de la crise. « Nous avions la chance d’avoir une équipe extraordinaire de près d’une trentaine de personnes, ce qui nous a permis de trouver des solutions rapides concernant nos différents projets. Mais ce qui est difficile pour nous, c’est que nous avons dû faire des mises à pied temporaires, il y a deux semaines, et ce qui brise le cœur, c’est qu’on était en pleine expansion. Nous avions vraiment une « A Team », il n’y avait pas de logique à laisser l’un ou l’autre partir. On veut rapatrier tout le monde dans le bateau le plus tôt possible, mais on ne peut pas savoir quand exactement. »

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Alex Van Dieren

Cette réalité est tristement la même pour l’agence montréalaise Dada, qui a dû se résigner à licencier temporairement quelques employés, mais qui a heureusement pu conserver la grande majorité de son équipe. « Nous avons laissé partir trois personnes, et par la suite, nous avons décidé de garder tous les autres. Nous ne voulions pas diminuer les standards de qualité parce que malgré que certains de nos clients avaient mis une pause sur les projets, pour d’autres, de nouveaux besoins émergeaient, particulièrement avec le virage numérique et l’importance de la communication interne », explique Manon Goudreault, présidente de Dada.

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Manon Goudreault
 

Toute aide est la bienvenue

Techniquement, Ottawa subventionnera 75 % des salaires d’entreprises de toutes tailles dont les revenus ont baissé de 15 % (en mars 2020) et de 30% (avril et mai 2020), comparativement aux mêmes mois de l’année 2019, et ce, sur une période allant jusqu’à 3 mois. L’idée est de permettre aux employeurs de réembaucher les travailleurs mis à pied, tout en prévenant la perte d’emplois dans le futur. Les entreprises éligibles peuvent s’inscrire sur le portail de l’Agence du revenu du Canada, et devraient ensuite recevoir la subvention dans un délai de 6 semaines.

Bien que ce coup de pouce fédéral semble idyllique sur papier, les règles qui le composent sont plus particulièrement pénalisantes pour les PME dont la croissance est rapide, croit Alex Van Dieren. « En septembre passé, nous avons fait l’acquisition d’une agence en Outaouais, ce qui impliquait une plus grande entrée d’argent, mais aussi plus de dépenses et de frais fixes, notamment au niveau des salaires. Il y avait donc une expansion, mais pas nécessairement une profitabilité. Donc en calculant seulement nos ventes totales pour obtenir la subvention, comme le gouvernement le fait présentement, pour mars, nous n’étions pas certains d’être qualifiés. »

Malgré ce flou relevé au niveau des paramètres de qualification, le coprésident d’Orkestra croit tout de même que l’aide financière proposée est suffisante pour sauver des emplois, une action qu’il juge absolument nécessaire pour préserver l’industrie.

Une opinion partagée par Manon Goudreault qui souligne qu’en ce moment, tout soutien est le bienvenu. « Je considère que c’est une aide qui était nécessaire, et le prêt fédéral de 40 000$ aussi. Ça nous permet de souffler, de continuer à livrer les services et de garder nos équipes, qui comprennent parfaitement notre culture d’entreprise. Nous voulons essayer de reprendre tout le monde, mais aussi s’assurer qu’ils restent actifs, notamment par l’entremise du programme de formations. »
 

Une crise en mode solidarité

Ce que ces deux dirigeants d’entreprises retiennent de cette période difficile, c’est que malgré le fait qu’ils aient dû se résoudre à se séparer de leurs créatifs, l’entraide et la compréhension ont continué de teinter leurs équipes. Alex Van Dieren a aussi été grandement touché par la solidarité de ses clients. « Beaucoup de nos clients s’inquiètent pour notre agence, il y a vraiment du support. Nous conservons toujours notre côté humain, nous sommes une famille. Les gens qu’on a dû laisser aller, ils sont encore à ce jour présents dans nos réunions et nos 5 à 7! », se réjouit l’entrepreneur.

« Quand on les a trouvés, on veut les garder, soutient également Manon Goudreault. Les employés que nous avons ont un sentiment d’appartenance fort. Une petite agence, d’une vingtaine de personnes, c’est une famille, on se tient. »

En réponse à la question qui tue « Est-ce que cette subvention contribuera à sauver l’industrie de la pub et de la création ? », Alex Van Dieren est sans équivoque. « La subvention va assurément sauver des agences, ou du moins sauver des emplois très importants, et préserver notre emblème. On a besoin d’être créatifs plus que jamais. Les clients ont peu ou moins de moyens qu’avant, et on ne peut pas les laisser tomber. »

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