À travers le monde, les leaders doivent gérer la crise sans précédent pour contenir la propagation du virus de la COVID-19, informer et rassurer la population. Parmi les pays qui ont le mieux piloté la crise sanitaire, soulignons l’Allemagne (Angela Merkel), Taiwan (Tsai Ing-wen), la Nouvelle-Zélande (Jacinda Ardern), l’Islande (Katrín Jakobsdóttir), la Finlande (Sanna Marin) et la Norvège (Erna Solberg). Tous sous un leadership féminin, ces pays ont mieux piloté la crise sanitaire en raison d’une gestion plus empathique. Aux États-Unis, Donald Trump a fortement été critiqué par les médias américains puisqu’il s’est avéré contreproductif. Plus près de nous, observons les chefs François Legault au provincial et Justin Trudeau au fédéral. On a questionné des experts pour nous fournir leur point de vue quant aux
« performances » de nos leaders. Qui gère de main de maître la
crise actuelle ?

Vertus à louanger

« Même si l’ampleur d’une crise varie d’une fois à l’autre, les qualités que doit posséder un leader demeurent les mêmes », notifie le président de Flanagan Relations publiques, Steve Flanagan. Selon lui, confiance, écoute et leadership sont de mises chez un leader. « François Legault a manifesté un énorme leadership. Il a rapidement pris la situation en main et il a été à l’écoute, à la fois de son directeur de la santé publique, Dr. Horacio Arruda, mais aussi de la population. À travers ses communications, il a réussi à inspirer la confiance et c’est ce qui explique son succès ».

Steve Flanagan
Steve Flanagan 

Pour Manon Genest, associée fondatrice et directrice générale chez Tact, c’est l’authenticité, la constance et l’humilité qui sont les qualités primordiales. « Je pense que M. Legault a vraiment réussi à établir un lien presque personnel avec nous. De plus, c’est un premier ministre qui parle, pas un chef de la CAQ — il n’y a aucune partisanerie actuellement. Il a revêtu l’habit du premier ministre et travaille avec les chefs de l’opposition pour le bien des Québécois ».  

Manon Genest
Manon Genest

Legault, haut la main

Manon nous confirme que Legault gère mieux son image et la crise que son vis-à-vis fédéral, Trudeau, et ce, pour différentes raisons. « Il a été plus rapide à donner un rendez-vous quotidien auprès des Québécois ». Steve abonde dans le même sens.
« François Legault remporte la palme haut la main, puisqu’il s’est installé dès le départ avec le bon ton et les bons messages. On a senti qu’il y avait une prise en charge ».

On se souvient que le premier ministre du Canada a été absent au début de la crise — puisque son épouse était elle-même atteinte de la COVID-19 — mais les deux spécialistes s’accordent pour dire que Trudeau s’est néanmoins éternisé avant de se placer dans l’espace public sur une base régulière.

La force du premier ministre du Québec, selon Manon, s’appuie sur le fait qu’il s’adresse au peuple québécois. « Malgré ses notes devant lui, M. Legault nous parle et nous raconte quelque chose. Ses remerciements sont sentis alors que M. Trudeau a l’air désincarné quand il lit ses lignes ». Manon ajoute également que Legault est plus concret et structuré dans ses interventions, tandis que Trudeau est plus théorique lorsqu’il s’adresse à la population. « Comme ce sont ses ministres qui font les annonces des programmes, cela fait en sorte que M. Trudeau n’est pas présent, lui laissant ainsi une marge de manœuvre plus mince ».

Regain de popularité au provincial et au fédéral  

Les résultats d’un récent sondage mené par la firme Léger exposent une très forte confiance des Canadiens envers les deux paliers de gouvernement. Les Québécois sont satisfaits à 95 % des mesures entreprises par le gouvernement provincial, alors que le gouvernement fédéral récolte 76 % du taux de satisfaction chez les répondants.

« Même si on comprend tous qu’il avait des enjeux considérables à gérer, notamment la frontière avec les États-Unis, encore aujourd’hui, on voit que Trudeau a moins d’aisance que Legault. Ceci dit, ça n’enlève rien au fédéral de façon générale. Les nombreuses mesures mises en place ont vraiment permis à l’ensemble de la population canadienne et québécoise de respirer un peu mieux malgré le confinement et le ralentissement économique important », mentionne Steve.

« Pendant toute la crise, autant M. Trudeau que M. Legault ont eu l’équilibre extrêmement précaire de rassurer et de ne pas faire paniquer la population, mais en même temps, la faire assez craindre pour respecter les consignes », ajoute Manon

Tandem québécois de la crise

On ose s’avancer. Dr. Horacio Arruda aurait-il aidé à la popularité de François Legault ?

« Les Québécois ont adopté le Dr. Arruda. Il a été un gros coup de cœur. Son job premier est de demeurer crédible. Si en plus il est sympathique, qu’on l’aime et qu’on l’écoute, alors tant mieux — c’est un ajout supplémentaire. Au début de la crise, ça a aidé M. Legault, mais maintenant, c’est entre les mains du premier ministre », affirme Manon.

« M. Arruda a été excellent, et ça a contribué au succès de Legault. Le premier ministre s’est appuyé sur la santé publique, et la santé publique s’est appuyée sur la science. D’une part, la démarche a été plus crédible et d’autre part, les résultats sont au rendez-vous. On n’a pas atteint un pic qui a rendu le réseau de la santé dysfonctionnelle et on voit que la situation est maîtrisée, mentionne Steve. Maintenant, reste à continuer le travail pour limiter la propagation du virus et les dégâts dans les CHSLD et les résidences pour personnes âgées ».

« Performances » favorables aux prochaines élections ?

Si des élections devaient avoir lieu demain matin, les deux experts en relations publiques présument que François Legault remporterait les élections sans gêne. Malgré cela, elles sont encore loin et il est encore trop tôt pour se prononcer selon Manon et Steve.

« Pour l’instant, pendant la crise sanitaire, tout le monde s’est rallié derrière le premier ministre, mais à partir du moment où on sortira du gros de la crise, il va y avoir plusieurs voix qui s’exprimeront et ce sera à voir comment le gouvernement sera capable de gérer la situation », mentionne Steve.

« Entre la fin de la crise et les prochaines élections, les gens auront sans doute le temps d’oublier. Ils ont tous deux — c’est plus vrai pour M. Legault — une occasion qui ne se présente pas dans la vie d’un premier ministre habituellement. Tous les jours, M. Legault parle directement à la population pendant 1 heure, et ce, sans le prisme des journalistes, poursuit Manon. Il a créé un lien avec les Québécois, qui risque d’être durable, mais la crise n’est pas terminée ».

Legault vs Trudeau