Hier soir, les Chiefs de Kansas City ont été couronnés grands champions de la NFL. Cette 54e édition du Super Bowl les opposait aux 49ers de San Francisco. Qu’on soit fan de football ou pas, l’évènement a attiré l’attention avec la victoire des Chiefs — et la présence de Laurent Duvernay-Tardif — ainsi qu’un spectacle de la mi-temps — mettant en vedette J.Lo et Shakira — qui a enflammé les réseaux sociaux. Les pubs ne sont pas passées sous silence non plus. Devenus des incontournables chaque premier dimanche de février, les messages publicitaires du Super Bowl coûtent jusqu’à 5,6 millions de dollars pour un spot de 30 secondes !

Voyons ce que nos publicitaires et réalisateurs ont pensé de ces pubs.

« Dans une cohorte où tout le monde a visiblement cherché à capitaliser sur les célébrités, je donne mon vote à Jeep et Bill Murray. Clairement le concept le plus payant pour l’annonceur. Solide mention à Hyundai également pour les mêmes raisons. Des pubs de voitures intéressantes, pour faire changement. »

– Sacha Lauzier-Bonnette, Directeur de création, Orkestra 

« Le moment le plus intrigant c’était une coupure du son pendant la première pub Tide. J’étais convaincu que la sourdine était intentionnelle et je trouvais ça brillant parce que c’était le seul moment où les 30 personnes présentes dans la salle ont simultanément abandonné leur cellulaire. Hélas, ce n’était qu’un problème technique, mais je ne serais pas surpris qu’on l’essaie avec un bon concept, comme Michelob Ultra en mode ASMR. »

Arnaud Bourassa-Francoeur, Stratège numérique, Orkestra 

« Peu ont pris des risques au niveau du contenant (Ketchup, Avocados of Mexico, Rick and Morty x Pringles), mais dans le contenu j’ai senti une certaine ouverture des annonceurs à ne pas parler uniquement de leur produit bien que la recette était très souvent l’humour additionnée à l’utilisation de vedettes et de chansons connues afin d’atteindre le plus grand public possible évidemment. (Rocket Mortgage, Planters, Doritos, Walmart, Mountain Dew, etc). Il semble aussi être dans l’air du temps de décliner visuellement une expression populaire ou donner un nouveau sens à une chanson (Cheetos, P&G, Facebook). C’est le langage du meme, mais à plusieurs millions.

J’ai vraiment aimé les publicités qui osaient mélanger plusieurs annonceurs (Tide/Bud Light, Sabra/Cheetos et P&G qui mélangeait plusieurs de ses bannières). Je crois qu’on pourrait y voir ici une opportunité d’avoir les moyens de nos ambitions.

Coups de cœur : Microsoft : Be the one, Facebook Groups : ready to rockDoritos Cool Ranch, Reeses take 5, P&G : when we come together.

– Didier Charette, Réalisateur, Cinélande

« Le teaser de Doritos Cool Ranch : Sam Elliott est toujours magique. Et s’il fait dans l’autodérision avec un monologue pseudo-poétique mystério-hypnotique, tout devient magique. »

François Jaros, Réalisateur, 4ZERO1

« Sous le charme de la publicité d’Amazon qui pose la question : qu’est-ce qu’on faisait avant l’avènement d’Alexa ? Une série de vignettes, toutes très cinématographiques, nous présente avec humour des échanges d’humain à humain qui font écho aux demandes qu’on fait à notre système d’assistant vocal. D’une part, les différents tableaux sont très bien réalisés ; on plonge en quelques secondes d’un univers à l’autre à travers une direction artistique très soignée, un casting on point et une direction photo qui harmonise le tout et facilite les transitions d’un tableau à l’autre. D’autre part, l’humour est à la fois intelligent et actuel (je pense entre autres à la référence aux fake news faite par le petit camelot), tout en étant juste assez décalé et absurde (quand la domestique jette une bûche par la fenêtre pour baisser la température, par exemple). Le choix d’Ellen De Generes et de Portia De Rossi comme têtes d’affiche du spot ajoute au cool factor du message et nous laisse avec un sourire étampé dans le visage. Bien joué, Alexa. »

Juliette Gosselin, Réalisatrice, ALT

« Les pubs du Super Bowl exaltent le réalisateur en moi, car c’est une des seules instances où on oublie toute restriction budgétaire et où les équipes créatives ont le loisir d’en mettre plein la vue. Je vais largement préférer les annonceurs qui osent éviter l’idée facile de garnir leur message de célébrités. Cette année j’ai particulièrement aimé la publicité de Porsche qui exprime son histoire dans une belle course effrénée en Allemagne. Aucune “star” dans ce court film, mis à part les voitures, et pour moi c’est plus efficace. »

Jean-François Sauvé, Réalisateur, ALT

« New York Life : à la base c’est déjà difficile de faire le lien entre une émotion et son brand. Par contre, New York Life semblait avoir installé le bon ton avec les bons mots et les bonnes images. Reste que le lien doit se faire de la manière la plus organique possible sans avoir l’impression que c’est tiré par les cheveux. Jusqu’à la fin de l’avant-dernier bloc de la publicité, j’étais conquis, j’avais hâte au reveal de la marque puis j’ai décroché à cette ligne : “We’ve been helping people act on their love”. Non parce que ce n’était pas bien amené ou simplement pas à la bonne place, mais bien parce que c’est la seule fois qu’on introduit un couple dans leur salon avec un conseiller de New York Life. Le seul show and tell du spot qui est loin d’être nécessaire et qui brise le ton si poétique qu’ils avaient installé. 

Doritos : je suis fan des codes du Far West, je suis fan de Sam Elliott et comme tout le monde, j’ai eu la toune de Lil Nas X dans la tête sur repeat malgré moi. Toutefois, une fois les quelques clichés du Far West cochés et Sam Elliott qui s’installe au bar pour interpréter les premières lignes du succès Country/Hip Hop, j’ai perdu l’intérêt. Je pense que mon intérêt s’est dissipé en grande partie parce que le découpage se voulait un découpage de dialogues alors que c’était un monologue. Les regards et les reaction shots se sont fait rapidement répétitifs et il restait encore 20 secondes à combler. 

Google : lorsqu’on établit le ton d’une publicité comme celle-là, on ne peut pas oublier qu’elle sera vue par une centaine de millions d’Américains pendant une pause d’un sport violent remplie de testostérone. Difficile de basculer de ce contexte pour un message doux, en motion, avec un rythme lent. Je pense que la clé résidait dans la courbe narrative lente et progressive. Le luxe de la minute et demie aide assurément et la décision d’assumer l’interface Google était judicieuse parce qu’il nous permettait de nous concentrer sur le contenu plutôt que la forme et parce qu’il faisait le lien entre l’émotion et la marque tout le long de la publicité. Ceci étant dit, bien pensé de couper les réponses de l’assistant Google pour laisser seulement le super, c’est beaucoup plus personnel d’avoir la voix du veuf mixé comme s’il était à nos côtés. »

– Thomas Soto, Réalisateur, ALT

« Coup de cœur : Google Loretta. Tout en simplicité et chargé d’émotion, ce spot m’a frappé en plein cœur. Il me rappelle ma grand-mère atteinte d’Alzheimer à la fin de sa vie. Mais surtout, il me rappelle à quel point les souvenirs et ceux qu’on aime sont précieux. »

– Jean-Sébastien Marcoux, Concepteur-rédacteur, Tam-Tam\TBWA

« Une association réussie entre Pringles et l’univers décalé de la populaire émission Rick and Morty, dont le ton et l’humour s’en tirent complètement indemnes. Les fans de Rick and Morty ne pourront pas reprocher aux créateurs de l’émission d’avoir vendu leur âme.

Google : simple. Légèrement cliché, oui, mais touchant. Probablement la seule publicité ayant généré une émotion.

Jeep : excellent flash. Et Bill Murray qui est parfaitement lui-même. On en oublie le lien un peu forcé avec un Jeep Rubicon orange flash... 

Turbo Tax : beaucoup de points pour la simplicité ! Ça fait sourire, l’insight est facile, mais efficace, et on comprend tout ce qu’on a à comprendre. Une des rares pubs cette année qui ne s’est pas égarée dans un enchaînement incompréhensible d’événements saugrenus. »

 – Christian O’Brien, Concepteur-rédacteur Tam-Tam\TBWA

« Google : cette grande cynique a eu des larmes aux yeux à cause de la pub Loretta hier. La simplicité d’un énorme insight (qui vient d’un vrai employée Google) battra toujours le “star power” selon moi. »  

Gabrielle Turcotte, Directrice Artistique, Designer graphique, Tam-Tam\TBWA

« Pringles essaie de faire comme McDonald l’a fait il y a quelques années avec la Szechuan Sauce. Reste à voir si ça fonctionne, mais l’univers déjanté de Rick and Morty est un bon véhicule pour ce genre de produit. Les gens qui écoutent l’émission seront certainement touchés par la publicité.

Google — Loretta : la publicité m’a tiré une larme et c’était probablement l’effet escompté. On arrive à donner un côté positif au fait que Google garde toute l’information qu’on lui partage et même à quel point cette information peut être utile. On joue beaucoup sur les sentiments et les souvenirs des gens, c’est très bien exécuté.

Bud Light - #PostyBar : l’utilisation de Post Malone est une réussite pour Bud Light. On sait que le chanteur est associé à la marque depuis longtemps, c’est donc un coup sûr de l’utiliser pour introduire un nouveau produit. La publicité donne une impression du film Inside Out, mais encore plus humoristique. Les détails sont géniaux, on remarque que chaque personne a les tatouages de Post sur le visage, entre autres. On a droit à bonne dose d’humour et d’absurde.

– Maxime Gauthier, Gestionnaire de communauté, Rédacteur-Concepteur, Tam-Tam\TBWA

« Google — Loretta : super touchant. Un beau work around quelque chose qui est à la base est très invasif (l’internet en connait beaucoup trop sur nous).

Pringles : ils ont réussi à vendre leur idée de stackable Pringles (qui te fait acheter plusieurs saveurs/boîtes à la fois) et de la livrer dans une histoire qui se moque des publicités classiques, et ce, sans perdre l’humour de Rick & Morty. Bien joué !

Dashlane : j’ai bien aimé l’univers créé par cette pub et le fait que c’est extrêmement relatable, ou y’a juste moi qui oublie tout le temps ses passwords

Squarespace : j’aime le côté très “Fargo” de cette annonce. Elle détonne du restant dans sa simplicité et son humour un peu décalé. Elle m’a aussi appris que Winona Ryder venait de Winona, Minnesota. »

– Camille Forget, Directrice artistique, Tam-Tam\TBWA



« Je vais tricher un peu et dire que la meilleure pub n’est pas une pub. La meilleure pub était le 20 minutes de Shakira et J.Lo. En tant que vedettes-marques, c’est d’elles qu’on parle plus ce matin. Et on en parle de façon très élogieuse. »

Manuel Ferrarini, Vice-président, Directeur de création, Tam-Tam\TBWA

« Jeep : idée simple, mais efficace, plein de nostalgie. Le Super Bowl a lieu au jour de la marmotte, on refait le jour de la marmotte avec Bill Murray.

Cheetos : tant qu’à être dans la nostalgie, pourquoi pas partir de la genèse de la création de Can’t touch this avec MC Hammer et le faire apparaître pour nous montrer tout ce qu’on peut pas toucher après avoir mangé des Cheetos. Le teaser est mieux que la pub en soit, mais le petit côté WTF de la tête de MC Hammer partout m’a fait rigoler, et pendant un instant, j’ai cru que c’était les Niners de Joe Montana et Jerry Rice qui jouaient.

Rocket Mortgage :  Jason Momoa en gringalet chauve d’à peine 100 lbs qui peut juste être vraiment confortable et lui-même à la maison ? Pourquoi pas.

Squarespace : est-ce que c’est la meilleure, non. Mais comme ma partenaire, j’ai un faible pour le côté Fargo. Et le site que Winona a fait, ma fois, parfait pour planifier des vacances à Winona.

Google Loretta : j’ai pas de cœur, elle ne m’a pas ému. Elle m’a plutôt rappelé comment invasif le géant du web peut être.

Snickers : c’est pas vraiment bon, Snickers fait juste se moquer des spots anthem en créant une chanson, avec la prétention que la barre de chocolat règlera peut-être tout ce qui va mal dans le monde (la réinvention et multiplication quasi quotidienne des sortes de lait par exemple)… Mais… comment ne pas la nommer, ils ont quand même inclus un faux homme politique qui s’appelle Dick Weaver à une heure de grande écoute, juste pour ça.

Tide : difficile de toper It’s a “Tide ad”. Pas mauvais, le retour en arrière avec le chevalier Bud était un beau clin d’œil.

Pringles Rick and Morty, rien à dire de plus.

Weathertech : c’est pas que c’est si bon, c’est juste un spot sur le chien du propriétaire de la compagnie et la faculté de médecine vétérinaire qui l’a sauvé du cancer. 6 millions pour jamais parler de Weathertech, mais possiblement le spot qui aura le mieux rentabilisé son 6 millions.

Est-ce qu’on peut arrêter les spot anthem patriotiques ? Bud a bien essayé une VO un peu moins pompeuse, mais pareille… »

– Maxime Richer, concepteur-rédacteur, Tam-Tam\TBWA

« Une cuvée publicitaire juste correcte et attendue pour ce 54e Superbowl : des vedettes, des succès musicaux et des messages anthem, dont un Show them what typical can do (Bud), beaucoup trop près de Show them what crazy can do (Nike). Sans oublier une suite pour What’s up moins bonne que celle des Producteurs de lait du Québec (oups…). Malgré tout le message Best thing since sliced bread de Little Ceasar a su, selon moi, se démarquer. » 

– Geneviève Langlois, Directrice de création, lg2

« Les bons coups : Google — Man remembers with Google. Le géant technologique, qui aurait pu se permettre une grosse prod typique des pubs du Super Bowl, a plutôt décidé de miser sur le storytelling et la simplicité. À la fois simple et touchante, l’histoire était parfaitement centrée sur le bénéfice produit de Google Assistant. La ligne de fin, a little help with the little things », conclut parfaitement.

Pringles — Rick & Morty X Pringles : dans la catégorie « pub absurde » qui a longtemps été le royaume de Skittles et Bud Light pendant le Super Bowl, j’ai beaucoup apprécié la collaboration entre Pringles et la série animée Rick & Morty. Le danger dans ce genre de collabo est de dénaturer un des deux partis, mais on retrouve bien la tonalité dystopique et absurde de la série dans la pub. Du côté de Pringles, on trouve le moyen de passer son message à un auditoire plus large que juste celui du Super Bowl (Rick & Morty ayant un immense following qui regardera et partagera sûrement la pub en ligne). En revanche, Rick & Morty profite de cette vitrine pour faire connaître leur série auprès du grand public. Bref, un win-win.

New-York Life —Love takes action : un insight profond, une réal de feu et une plume d’or. Une des meilleures pubs du Super Bowl à mon avis. En tant que rédac, la ligne be good at life me rend jaloux.

Tide qui reprend sa mécanique de takeover de l’an passé. Perso, je trouve les spots moins drôles que l’année dernière, mais le lien entre la mécanique (Charlie Day qui revient toujours avec sa chemise tachée) et le bénéfice produit (avec Tide, pas besoin de combattre les taches tout de suite) est plus fort que l’an passé. 

Mauvais coup Walmart — United Towns. Dans les coups manqués, j’ai du mal à digérer la pub de Walmart qui faisait l’éloge du small town America, avec un poème plutôt fade posé sur des scènes de tranches de vie. Quand on connait le dommage que Walmart fait réellement dans les petites villes en détruisant les petits commerces, je trouve ça mal placé. En plus, l’exécution était démunie d’insight ou d’artisanat. »

—Dominique Bulmer, Directeur de Création, Bleublancrouge

« C’est une grosse année suite à une édition 2019 décevante. Comment la résumer ? Name dropping. Je n’ai jamais vu autant d’ambassadeurs et de porte-paroles. Autre fait à noter, les “non-acteurs” sont de plus en plus efficaces dans leur jeu. Et les effets spéciaux sont de plus en plus à couper le souffle. Mention spéciale à la publicité de la 100e saison de la NFL intégrée à la cérémonie d’avant-match. Ils ont su optimiser le meilleur moment pour un spot publicitaire juste avant le botté d’envoi. Bref des gros dollars, mais du gros fun à regarder. 

Mon top 5 :

1) Amazon : Before Alexa
2) NFL 100 
3) Jeep, Groundhog Day
4) Cheetos, Can't touch this
5) Soda Stream »

— Guillaume Simard, Réalisateur, Morrison

« Ce fut pour moi une cuvée très décevante. Trop de moyens pour trop peu d’idées. Trop de messages misaient tout sur l’apparition de célébrités ou des films et séries populaires, mais la plupart du temps de façon maladroite ou forcée. Sortir le gros cash pour signer des vedettes ou se payer les droits sur un film, je ne crois pas que ce soit suffisant. Je préfère quand l’effort est mis sur l’idée et le script et sur la pertinence de ces clins d’œil et associations. »

– Francis Lévesque, Directeur artistique, Sid Lee

« J’ai souvent eu la chance de travailler avec des célébrités de moyen calibre : l’étoile de la LNH Steven Stamkos, la légende du kung-fu Gerald Okamura, et l’idole des ados des années 80, feu Corey Haim. Malgré tout, mon meilleur travail a toujours reposé sur la pertinence et la force du concept. Les publicités du Super Bowl font de plus en plus le contraire en mettant en scène des vedettes pour susciter l’intérêt envers des concepts pour le moins banals. Si elles peuvent être divertissantes, elles peuvent aussi nous laisser sur notre faim.

La palme de la meilleure pub revient quant à moi à Maybe the World Just Needs a Snickers. Je ne suis pas un grand fan de comédies musicales (OK, c’est faux), mais j’ai vraiment eu un faible pour la façon dont la marque réussit à traiter de façon humoristique un sujet aussi anxiogène que la société se dirigeant vers le précipice. C’est rafraîchissant de voir une marque ne pas se prendre au sérieux ; après tout, on parle de barres de chocolat. Eh oui, pour ceux qui ont écouté attentivement, c’est bien Luis Guzmán qui fait une apparition — superflue — à la fin du spot. »

– Michael Aronson, Directeur de création associé, DentsuBos