Au fil des ans, un buzzword est venu s’incruster dans le jargon politico-québécois et des affaires publiques : l’acceptabilité sociale. Dany Renauld, co-fondateur de l’agence Brad dans une autre vie, et vice-président chez Pilote groupe-conseil voit dans ce nouveau concept un cheval de bataille prometteur pour l’agence de relations publiques et de gestion de réputation.

L’acceptabilité sociale fut tout d’abord associée aux projets de développement affectant directement les ressources énergétiques ou minérales du territoire québécois.

Paul Arcand, ex-ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et ministre responsable du fameux Plan Nord sous le gouvernement Charest publia même un livre vert sur la question en 2015.

Alors que les sceptiques n’y voient encore qu’un processus visant à « faire passer » un projet, Arcand soulignait plutôt l’importance de « déployer les efforts nécessaires pour favoriser le dialogue entre les parties et concilier la prospérité économique et le respect des milieux de vie. »

Dany Renauld pense plutôt qu’il s’agit d’un important outil de planification stratégique pour tout promoteur ayant un projet impliquant les citoyens ou d’autres parties prenantes. Dérisquer le projet, dit-il. « Ce n’est pas de la “forçabilité” sociale ni de la faisabilité sociale. Ça s’inscrit plutôt dans la vision du risk-management. » Et de la marque citoyenne donc, un autre buzzword très in !

« Voilà quinze ans, un promoteur débarquait avec son permis. Et il développait. En toute légalité. Prends par exemple le cas du gaz de schiste. Ils sont arrivés en cowboys, ils se sont mis à creuser. La population a dit wowowo ; le gouvernement a réagi. Si les promoteurs avaient mieux expliqué le projet en amont avec des faits précis, l’issue aurait peut-être été différente », croit Dany. Pendant ce temps, « des gens sont arrivés avec de la fausse information qui a été partagée partout avec pour résultat que peu importe ce que dirait le promoteur, la population ne le croirait plus. Le mal était fait. C’est devenu de la gestion de crise. » Avec l’issue que l’on connait.

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Dany Renauld
 

Prévenir plutôt que guérir, donc ?

L’acceptabilité sociale est devenue une nouvelle source importante de revenus chez Pilote. « C’est un produit unique au Québec et il est en pleine expansion. Tu sais, les promoteurs ne sont souvent pas équipés pour bien présenter leur projet. Ce n’est pas de leur faute : ils sont des développeurs, pas des marketeurs. Nous, on vient les appuyer là-dedans. On identifie les intervenants, on va les rencontrer, on les écoute, on commande des études au besoin. »

« Quand tu t’installes dans ta nouvelle maison, tu vas rencontrer tes nouveaux voisins. Tu leur dis : ma tondeuse, je vais essayer de ne plus la partir avant 10 h du matin. L’autre préférerait peut-être que tu n’aies pas de tondeuse du tout, mais à 10 h c’est mieux qu’à 7 h. » 

Car l’acceptabilité sociale ne veut pas dire que tout le monde tombe en extase devant un projet, précise Dany. Elle vise à ce que collectivement, les parties prenantes trouvent le projet correct.

« On dit souvent que les gens n’ont jamais eu autant accès à l’information, mais qu’ils n’ont jamais été aussi mal informés. Nous, on établit des balises pour permettre aux gens de partager de l’information réelle, valide, vérifiable, et d’en parler ensemble », raconte Dany.

Pilote appelle cette approche Le Vrai Dialogue. Pour chacun des projets, ils créent une Agora virtuelle où seront invités à échanger ensemble citoyens, promoteurs, journalistes, experts, fonctionnaires et toutes autres parties prenantes du projet. Cette Agora peut prendre la forme d’un microsite ou d’une page Facebook (comme la page YHU à l’écoute ! développée pour l’Aéroport Montréal-Saint Hubert.

« Ça force l’ensemble des intervenants à se discipliner et à arriver avec des faits vérifiables, constate Dany. Ce qui permet ainsi d’évacuer les émotions du débat et d’échanger uniquement sur des faits précis. De notre côté, ça nous permet d’identifier les éléments d’information manquants et d’aller chercher les réponses aux questions des individus. »


Et contrer des fake facts, le petit voisin des fake news.

« Je me souviens d’un projet dans le nord du Québec et de photos qui dénigraient ce projet circulant sur les médias sociaux. Or, il s’est avéré que ces photos n’avaient même pas été prises au Québec. On ne se cachera pas que certains individus ou groupes à l’agenda chargé viennent hikjacker le débat. Nous, en créant des Agoras, on peut rétablir les faits. »

Et pourrait-il arriver que certains faits ou informations recueillies amènent un projet à être modifié ? « Tout à fait ! Penses-y. On parle de projets de plusieurs millions de dollars qui vont durer longtemps. Les promoteurs ont tout à gagner à ajuster le tir en amont. C’est pour ça qu’on est là. »

Et bonne nouvelle pour ceux qui préfèrent continuer à foncer tête baissée dans le tas, Pilote excelle également en gestion de crise ;)

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