Pendant que les grands médias se plaignent à qui mieux mieux, un petit joueur a su se réinventer constamment, au point de se hisser au 4e rang des médias francophone pour la portée mensuelle de ses plateformes numériques. Une leçon pour les grands ?

Fondé en 2003, URBANIA est passé en l’espace de 16 ans du petit magazine trimestriel alternatif au 4e rang des médias québécois selon Vividata, tout juste derrière L’Actualité, Ricardo et Les Affaires. L’entreprise affiche une croissance de 30 % et dénombre un bassin de 765 000 lecteurs mensuels, dispersés à travers ses nombreuses plateformes. Dans un contexte où « tout va mal », pas mal non ?

Est-ce que cette joyeuse croissance était dans le plan de match lors du lancement du magazine ? « Pas vraiment », raconte Philippe Lamarre. En fait, j’ai lancé URBANIA afin de me créer un espace créatif qui me permettrait de me ressourcer de nombreuses contraintes des clients ;) Dans ma tête, une fois le premier numéro publié, j’aurais réalisé mon rêve (à l’école, Philippe hésitait entre le journalisme et le design) et je pourrais passer à autre chose. Mais comme plusieurs lecteurs se sont abonnés au magazine, il a fallu continuer (RIRES). »

Et plutôt que de s’asseoir sur leurs lauriers, Philippe et son équipe utilisent URBANIA comme un laboratoire créatif. Ce qui permettra chemin faisant à l’entreprise de passer de studio de design à éditeur de magazine, puis successivement à studio interactif, à producteur de séries télé et à créateur de contenu. Et en fait, d’être tout ça.

PHILIPPE
Philippe Lamarre

 

S’imposer un territoire créatif

« Dans le fond, on s’est inventé une raison pour expérimenter. Comme on n’avait pas de barrières, on ne savait pas où notre métier commençait et se terminait », explique-t-il.

« Ce territoire créatif, on se l’est aménagé de force. Sortir un magazine aux trois mois implique une discipline. Et la créativité inhérente au produit nous a forcé à nous réinventer constamment. » Ainsi, de simple magazine, URBANIA est devenu site ouèbe interactif et série télé, ce qui a eu comme effet de permettre au groupe d’œuvrer dans ces autres secteurs pour d’autres clients. Ou vice-versa.

Ce cheminement iconoclaste explique-t-il son succès ? « Je crois qu’il faut que tu aies un endroit dans ton entreprise qui n’est pas que de l’ordre de livrer un service aux autres. Si tu ne fais que ça, les impératifs et les échéanciers des clients deviennent les tiens. Résultat, tu repousses tes projets personnels. »

Et il ajoute : « Être au service des autres, ça use à la longue. Tu arrives à un certain âge où tu te demandes pourquoi tu fais ce travail. »

 

Partenariat avec La Presse et plongée dans le data

Qu’est-ce qui explique la forte croissance du lectorat ? Le partenariat avec La Presse ? « Oui, mais pas que. Voilà cinq ans, on s’est doté d’un comité de conseillers, des gens de l’extérieur qui nous amenaient à voir les choses sous d’autres angles. »

« Un des conseillers nous avait fait remarquer que nous possédions un atout totalement sous-exploité : nos données. Sur le coup, on ne comprenait pas trop. Mais on s’est penché sur la chose. On a engagé des data scientists et on s’est mis à injecter un peu de science dans notre créativité. »

« Regarde ce que l’on a fait avec les abonnements du magazine. Comme la distribution physique devenait un sérieux défi, on a décidé de réinvestir les sous que l’on mettait en distribution en offrant aux lecteurs un abonnement gratuit, moyennant l’accès aux données. » Comme Zuckerberg, mais fait de façon transparente. « Aujourd’hui, on est rendu à 18 000 abonnés. »

« Au fond, notre grande force est notre capacité à rejoindre les jeunes adultes, les millénariaux si chers aux annonceurs. On s’est donc mis à créer de nouvelles verticales, notamment dans le domaine de la musique, du sport et des finances. » De nouveaux terrains de jeux, mais toujours signés par l’attitude rebelle d’URBANIA.
 

URBANIA France, c’est vrai ?

« Oui. Pour 2020. La France démontre un très grand appétit pour le Québec. Nos chanteurs, nos humoristes et nos conteurs y tirent bien leur épingle du jeu. Pourquoi pas un média ? »

Ne risquez-vous pas de vous DianeTelliser (RIRES) ? « Non, pas de danger. On ne veut pas faire un magazine à saveur de sirop d’érable et de chemises carreautées. On va garder notre ADN — et notre tête de cochon. Ça nous a toujours bien servi à ce jour ! »

Le moment tournant ? « Le jour où j’ai réalisé qu’au lieu de me splitter en deux, en gagnant ma vie d’un côté avec le service et en me faisant du fun de l’autre avec de la création originale, je pouvais combiner ces deux mondes. Aujourd’hui, je m’assume. »

Ça parait !

CHIEN

Réagissez à nos pointes de conversation sur Twitter via le #GrenierMag et @normandmiron