Une légende urbaine récemment venue à mes oreilles voudrait que les réalisateurs ne tournent de la pub que pour régler les factures de fin de mois, mais qu’au fond, ils la détestent profondément. Vrai ? On a mis un gars là-dessus. Moi.

En trente ans de carrière Miron, je ne l’avais jamais entendue celle-là ! Afin d’aller au fond de l’histoire, j’ai donc réuni autour de ma table virtuelle trois réalisateurs ayant chacun au moins un film d’auteur à leur actif, mais qui sont toujours actifs en pub. Il s’agit de Yan Giroux (À tous ceux qui ne me lisent pas), de Tara Johns (The year Dolly Parton was my mom) et de Mélanie Charbonneau (Fabuleuses).

Groupe. Attaquons la question par la base. Au début de votre carrière, rêviez-vous déjà à ce grand moment où vous pourriez enfin montrer à la planète entière vos grandes qualités de réalisateurs ? (RIRES)

Tara : Pas vraiment ! De fait, j’étais prédestinée à une carrière de journaliste. Mais un concours de circonstances m’a amené à faire du montage de vidéoclips, puis de fil en aiguille à réaliser des vidéo-clips, de la pub, du corpo, de la télé, du documentaire, et éventuellement mes propres films de fiction.

Yan : Je corresponds totalement à ce cliché du jeune qui rêvait déjà à son premier film ! (RIRES) C’était d’ailleurs mon but avoué lorsque Jérôme (Couture de Cinélande) et moi avons laissé le cégep pour fonder Alt productions.

Mélanie : Moi, je viens du numérique. Un an après la fondation de YouTube, j’ai réalisé ma première comédie, L’Anti Kamasutra, une œuvre qui a atteint les deux millions de vues en ligne. C’est par la suite que la pub est entrée dans ma vie. Grâce à elle, j’ai pu financer quelques-uns de mes films.
 

Est-ce à dire que la pub ne se limite à n’être qu’une source de revenus pour pouvoir « réellement » créer ?

Mélanie : Pas pour moi. J’adore faire de la pub ! Et j’adore réaliser des œuvres plus personnelles. Ce sont deux approches différentes. Mais ensemble, elles me complètent.

Tara : Il faut comprendre que le processus de création d’un film est très long. Surtout lorsque l’on en signe le scénario. Ça peut s’étirer sur plusieurs années. Tourner des pubs, ça tient alerte mon muscle de réalisatrice.

Yan : La pub est également un bel endroit pour se ressourcer, rencontrer des gens talentueux, apprendre de nouveaux trucs. Alors que réaliser son film est un acte relativement solitaire.

Tara : C’est vrai. Lorsqu’on réalise un film, tout le monde attend après toi. Il faut penser à tout. Vite. Alors que sur une pub, tu n’es pas seule. L’équipe de création de l’agence est là. Le client aussi. C’est quasiment relaxant ! (RIRES)
 

Donc toi, plutôt que d’aller au spa après avoir sorti un film, tu te tapes quelques pubs ? (RIRES)

Tara : Et une bonne bière ! (RIRES)

Mélanie : Moi, c’est tout le contraire. Tout se passe tellement vite sur un plateau de pub. Alors que la gestation d’un film d’auteur, par définition, ça prend du temps. On a le temps de penser.
 

Considérez-vous que la pub vous a aidés à devenir de meilleurs réalisateurs ?

Yan : Du côté de la réalisation proprement dite, bien sûr. Mais aussi à d’autres niveaux. Comme on doit collaborer avec les agences et les clients, ça développe d’autres muscles qui s’avèrent utiles lorsque vient le moment de diriger toute une équipe.

Tara : La pub, oui. Mais aussi le vidéoclip et le montage. De fait, il m’a fallu apprendre à lâcher prise de ce côté lorsque j’ai commencé à réaliser mes propres films. Pas évident de laisser quelqu’un d’autre monter ce que tu traines dans ta tête depuis des mois. Mais j’ai compris que de pouvoir intégrer le point de vue d’autres personnes était très utile à l’œuvre.
 

Inversement, le fait d’avoir tourné vos films fait-il de vous de meilleurs réals publicitaires ?

Mélanie : Certainement. En film, tu développes des relations très proches avec tes comédiens. Tu as le temps de leur expliquer ta vision. D’échanger. Maintenant, il n’est pas rare que sur un projet publicitaire je téléphone aux comédiens avant le tournage afin de jaser ensemble du personnage.

Yan : Pour moi, ce sont deux univers complémentaires. En film, j’ai une esthétique beaucoup plus lente. Je peux me permettre de longs plans-séquences. En pub, pas trop. (RIRES)
 

La question qui tue. Si demain vous deviez choisir entre le film ou la pub, que choisiriez-vous ?

Mélanie, Tara et Yan : … les deux !

Tiens rumeur, dans les dents. Next.

melanie
Mélanie Charbonneau

Tara Johns
Tara Johns

Yan Giroux
Yan Giroux