Ça y est, la saison du cocooning est entamée ; le temps se fait plus froid et vous avez annulé tous vos plans de sorties pour vous emmitoufler face à votre téléviseur histoire d’écouter vos séries favorites. Une pub vient interrompre votre série, puis une autre, et une autre… Alors que les spots défilent les uns après les autres, vous vous questionnez peut-être sur le choix des visages en vedette dans les messages publicitaires. Comment ça fonctionne au juste ? Brin de jasette avec les acteurs (ha !) du milieu.
 

Casting 101

Une myriade d’intervenants entre en ligne de compte lorsque vient le temps de faire le choix des talents qui camperont un rôle dans une pub. Isabelle Thez-Axelrad, directrice de casting qui représente les membres de l’Association des directeurs de casting du Québec (ADCQ), nous explique qu’en général, les agences de publicité font affaire avec une maison de production, qui représente plusieurs réalisateurs.

À la question si les directeurs de casting collaborent régulièrement avec les mêmes agences, Claudia Lemire, directrice de la production chez lg2, répond : « Souvent, c’est la maison de production qui choisit le directeur de casting – il peut y avoir des affinités, mais on travaille avec pas mal tout le monde ».

La maison de production va ensuite mettre un directeur de casting on hold, et, lorsqu’un projet est confirmé, le directeur de casting va recevoir un brief dans lequel sera détaillé les rôles : âge, ethnie, sexe, rôle parlant ou muet, etc.

« Nous, on raconte des histoires. Lorsqu’on fait parvenir un brief casting, c’est toujours lié à la cible. Par exemple, l’âge qu’on détermine est toujours le cœur de la cible qu’on veut rejoindre. On va tout prendre en compte pour être capable d’avoir une distribution qui parle le plus possible aux gens qu’on veut atteindre », précise Frédéric Tremblay, directeur de création chez lg2.   

À partir du brief reçu, le directeur de casting fera un breakdown, c’est-à-dire qu’un appel sera envoyé aux agences d’artistes ainsi qu’aux acteurs dans des regroupements (N.D.L.R : les regroupements d’acteurs sont des groupes d’acteurs qui choisissent de ne pas se faire représenter par une agence, mais qui s’assemblent avec d’autres artistes sur une plateforme pour que ce soit plus pratique). « Par la suite, on examine les suggestions des agents et des acteurs », résume Isabelle. « Ce n’est pas toujours ce qu’on recherche. À ce moment-là, on va utiliser le bottin de l’Union des artistes (UDA), qui est notre outil principal. On va ensuite aller chercher les critères qui nous intéressent. Par exemple, si on veut quelqu’un qui joue de la batterie, ou quelqu’un de plus de 6’3, on va pouvoir le trouver grâce aux critères du bottin. » Isabelle dépeint que les gens sont ensuite approchés pour leur proposer de passer une audition en personne.

Dans le cas de la sélection d’un porte-parole pour une marque, on passe rarement par la voie du casting. « C’est l’agence même qui va aller vers la vedette et lui faire une proposition », explique Isabelle.

« En création, on peut avoir des bulles au cerveau. (Rires) Parce qu’après, on doit aller voir notre productrice, Claudia, et lui dire ce qu’on veut et elle va tout faire pour essayer d’y arriver. On approche une seule personne : on ne va pas proposer 4 choix de porte-paroles pour ensuite faire sa sélection avec celle qui accepte. Il faut être précis et poli ! À partir de là, un choix est fait et on négocie », dit Frédéric.  

Claudia poursuit : « Il faut voir si l’intérêt est au rendez-vous et ensuite, on parle de contrat. »

Il peut aussi arriver que les créatifs aient une idée d’acteurs en tête, et vont le proposer. « Quand les créatifs donnent des noms précis pour les voir en audition, ce n’est pas juste pour voir ces personnes-là, mais c’est pour les voir parmi tout le bassin de talents qui répondent à l’appel », révèle-t-elle.

Frédéric, lui, tente de garder l’esprit ouvert pour avoir des surprises. « Une belle surprise qui peut t’emmener plus loin en création c’est toujours payant ».

Sandra Huynh, qui a longtemps travaillé en agence, œuvre maintenant du côté client, chez TELUS, où elle agit à titre de conseillère, commandites et partenariats. Comment s’est-elle retrouvée dans une campagne bilingue pancanadienne, elle qui n’a jamais eu de cours de théâtre ni d’expérience pour le jeu ? « Comme j’étais dans l’équipe de marketing communications, ce sont mes collègues, qui géraient la campagne francophone, qui m’ont fortement poussé à faire les auditions, puisque le concept était de trouver un porte-parole qui travaillait réellement chez TELUS », mentionne-t-elle. Elle a donc relevé le défi, et a soumis une vidéo pour pouvoir participer aux auditions qui se déroulaient dans la Ville Reine. Sur place, elle s’est fait coacher. « Lorsque c’était mon tour, je suis entrée dans la salle d’audition où 6 à 8 personnes assises derrière un bureau me regardaient. J’avais l’impression d’être à American Idol ! (Rires) »

En effet, il peut y avoir du monde à messe lors des castings. « Il y a un directeur d’acteurs, qui aura reçu au préalable les instructions du réalisateur — qui, bien souvent, ne peut pas être présent lors de la première audition — il y a un opérateur vidéo qui filme la session, et parfois les créatifs de l’agence seront présents pour s’assurer que ça s’en va dans la bonne direction », dit Isabelle.

« Je te dirais que le duo créatif sera là la majorité du temps — peut-être pas tout le long — par exemple, quand j’en fais, j’y suis le matin pour donner des indications et parler avec le directeur de casting », note Frédéric.

Souvent, la productrice sera aussi présente nous confirme Claudia

casting

Course contre la montre

Le running gag dans l’univers de la pub, c’est que tout était dû pour la veille. C’est un milieu qui va « très très très » vite, relate Isabelle. « En publicité, on ne parle jamais en mois, mais plutôt en nombre de jours », informe-t-elle. La directrice de casting avoue qu’idéalement, 3 à 4 jours seraient idéaux pour travailler et trouver une distribution. La réalité, c’est qu’il faut souvent un minimum de 48 heures pour la trouver. « On essaie de regrouper plusieurs personnes qui ont elles-mêmes plusieurs castings le même jour. Ça peut devenir un casse-tête inextricable, car les gens sont appelés à 3, voire 4 endroits différents de la ville parce qu’il y a des moments forts en pub durant l’année. Les artistes courent à droite et à gauche », confie Isabelle

Plutôt rare, mais il arrive que les directeurs de casting aient un délai encore plus limité, soit trouver quelqu’un pour le lendemain-même. « Dans ce cas-là, on prend les bonnes vieilles méthodes du téléphone et on appelle directement les personnes concernées, mais ce n’est pas habituel », exprime Isabelle.

« Ça dépend du nombre de rôles qu’on fait auditionner, mais si c’est 1 ou 2 rôles, ça peut prendre 1 journée. Si on en a plus, on peut passer à une seconde journée de casting. Pour les gens qu’on veut revoir, on fera une présélection pour faire un callback et toute l’équipe sera présente : du réal à la création jusqu’à la production », dit Claudia.   
 

L’élu

La sélection reviendra au client, qui va s’appuyer sur les recommandations de l’agence et du directeur de casting, mais le choix final lui appartient. « La marque va choisir l’élu selon les recommandations. Parfois, les choix A et B se valent complètement », dit Isabelle.

Pour en revenir au casting de Sandra, qui avait initialement participé à l’audition en français, a également été choisie pour le volet anglophone de la campagne. À l’époque, on lui avait annoncé la nouvelle 1 à 2 semaines suite à son audition, dans une salle de conférence à Montréal. « J’étais bouche bée. C’était une superbe expérience ! », lance-t-elle. L’actrice d’un jour a pu participer à des réunions de hauts dirigeants chez TELUS, filmer des vidéos destinées tant à l’interne qu’à l’externe, dont un jeu qui était diffusé dans les salles de cinéma.

« Parfois, le directeur de casting va mettre des gens en stand-by, pour leur dire qu’ils ont été pressentis, mais qu’ils ne sont pas les seuls. On leur indique qu’il faut mettre des dates à l’agenda, au cas où ils seraient sélectionnés. Tout peut changer très rapidement », dit Isabelle. « Une fois qu’on a la confirmation du choix final, on avise tous les participants que le casting est terminé et on les remercie de leur participation. »

« Nécessairement, les clients vont avoir une perception de ce que devrait avoir l’air leur message. Pour moi, le casting est toujours au service de l’idée. Une personne n’a pas besoin d’être “parfaite” pour vendre quelque chose. Quand on fait nos recommandations, on essaie d’avoir ça en tête pour le proposer au client », conclut Frédéric.

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Claudia Lemire

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Isabelle Thez-Axelrad

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Frédéric Tremblay

Sandra Huynh
Sandra Huynh