Les résultats préliminaires de la commission sur l’avenir des médias québécois ont beau avoir été longuement discutés, une question pour le moins ludique mérite toujours d’être adressée : et si la crise des médias était la faute… aux agences ? Discussion (sérieuse !) sur le sujet en compagnie de Valérie Beauchesne, Dominique Villeneuve et Danick Archambault.

Crise des médias : le rôle des agences        

L’Assemblée nationale était l’hôte d’une commission fort attendue cet été : celle sur l’avenir des médias d’information. Du 26 au 30 août dernier, celle-ci aura vu défiler plus d’une trentaine de syndicats, institutions d’enseignement et autres diffuseurs invités à partager solutions, témoignages et point de vue quant à la crise des médias en cours. Parmi le lot, toutefois, plusieurs se seront étonnés de la non-représentation des agences. Une situation pour le moins particulière lorsque l’on reconnait tout le poids que ces dernières possèdent dans le déploiement du dollar médiatique des marques. « Ç’aurait été effectivement très conséquent d’y être ! affirme d’entrée de jeu Danick Archambault, VP directeur média chez Jungle Media et président sortant du CDMQ. La crise nous touche de plein fouet nous aussi, il va sans dire, et l’implication que les agences ont à l’intérieur de celle-ci est non négligeable. Nous étions d’ailleurs très heureux de pouvoir parler du sujet [dans cet article] parce que nous discutons ensemble de la question depuis des mois. Et, chose sûre, les solutions pour nous relever de cette crise passeront inévitablement par la sensibilisation et le regroupement des joueurs en place. »

Danick Archambault
Danick Archambault, VP directeur média chez Jungle Media

MÉDIAS RESPONSABLES

Alors, pourquoi ne pas avoir pris la parole à la commission ? « Pour des raisons de calendrier, principalement, explique Dominique Villeneuve, présidente et directrice-générale de l’A2C. Il faut se rappeler d’emblée qu’au tout début (dans la foulée de l’annonce de Capitales Médias), la commission portait davantage sur les médias journalistiques et non sur les modèles d’affaires. Mais ç’a évolué depuis. Aussi pour avoir un droit de parole à la commission fallait-il déposer notre mémoire au comité interministériel. Le nôtre aurait été remis trop tardivement au moment où nous aurions été prêts à participer. Ce qui n’empêche pas que nous proposerons néanmoins le fruit de notre travail et de nos réflexions à ce même comité, mais sans sortie publique. » Et que contient-il, ce mémoire ? « Un manifeste, en quelque sorte, sur l’importance d’acheter des médias locaux, poursuit-elle. Beaucoup d’agences le font déjà et continuent de le faire, heureusement, mais il faut continuer d’ouvrir la conversation sur l’achat de médias responsables. Il faut parler des avantages, il faut le voir comme un investissement nécessaire. »

Dominique Villeneuve
Dominique Villeneuve, présidente et directrice-générale de l’A2C

FAIRE PLUS AVEC MOINS

Mais la question demeure : pourrions-nous imputer une partie de la responsabilité de cette crise aux agences ? « Tout à fait, nous répond du tac au tac Valérie Beauchesne, VP média chez Havas. Nous sommes tous responsables. Nous travaillons dans une industrie basée sur les objectifs et les résultats. Les moyens de production se font de plus en plus rares, mais on nous demande des résultats tout aussi probants. Le marché québécois sait depuis longtemps comment faire plus avec moins. Mais cette réalité (cette pression, si je puis dire) s’applique tout autant aux équipes de production qu’aux agences et aux clients. Le mieux que nous puissions faire (dans ce marché où tout bouge hyper vite !) est d’accompagner nos clients pour les inciter à prendre des décisions qui ne sont pas qu’axées sur la rapidité. » Danick Archambault abonde dans le même sens. « C’est notre rôle à nous, agences, que de valoriser l’efficacité de nos plateformes locales, dit-il. Certes, un journal régional n’aura jamais le poids des GAFAM, mais il nous faut enseigner l’impact des médias locaux sur l’écosystème et encourager la diversité de l’offre. C’est là notre plus grand champ d’action. »

Valérie Beauchesne
Valérie Beauchesne, VP média chez Havas

LA COLLABORATION, SEUL SALUT

C’est-à-dire ? « Si on croit au développement durable, il faut aussi croire aux achats médias responsables, ajoute Dominique Villeneuve. Voilà une conversation que nous devons avoir avec les annonceurs et les clients, car il s’agit sensiblement de la même chose. Il faut non seulement le valoriser, il faut l’enseigner. Le cri du cœur a été lancé il y a de cela plusieurs années, mais c’est maintenant qu’il nous faut poser des actions concrètes. » Et veiller à ce que ce soit fait avec agilité. « Surtout dans un marché comme le Québec, ajoute Valérie Beauchesne, où la collaboration est en quelque sorte notre seul salut. Les agences ont leur part du blâme, et c’est correct, mais c’est en collectivité que nous trouverons les solutions. Il faut que l’industrie des médias québécois continue de se regrouper pour que nous puissions affronter les géants : ceux que nous connaissons, ceux qui se créeront au cours des prochaines années. » Et parlerons-nous toujours de crise dans 10 ans ? « En années média, 10 ans, c’est une éternité ! s’esclaffe Danick Archambault. Mon souhait le plus cher est que nous puissions encore et toujours parler de médias locaux dans 10 ans. Et que notre écosystème soit encore plus fort, que ses membres soient encore plus regroupés. Les agences auront participé à cela aussi. »