Une plateforme d’innovation spécialisée dans la création de prototypes d’idéation nous invite à repenser les façons de satisfaire le client. Portrait d’Agorize (et petit diagnostic de l’innovation au Québec) en compagnie d’Aurélie Wen.

Aurélie Wen
Aurélie Wen

Comité d’innovation. Sommet d’innovation. Quartier de l’innovation. Elle est certes sur toutes les lèvres, cette innovation, et elle a la cote ! Mais rares sont ceux et celles qui réussissent à définir avec exactitudes le processus (voire l’implication) permettant d’en faire une véritable valeur d’entreprise. Se définissant comme un levier de challenges d’open innovation, la plateforme Agorize (dont la directrice générale, Aurélie Wen, s’est mérité le prix de l’entrepreneure émergente lors du dernier C2 Montréal) entend, quant à elle, démocratiser l’innovation pour la rendre accessible à tous. « Il est vrai que tout le monde parle d’innovation, mais que peu osent poser des actions concrètes lorsque l’occasion s’y prête, affirme d’une voix posée l’entrepreneure. Et c’est normal, car qui parle d’innovation parle aussi de changement de paradigmes. Et le changement est un processus qui effraie. Mais il faut voir la chose autrement. J’aime dire que le l’innovation n’est pas un processus, mais bien une culture. »

FAISEURS D’INNOVATION

Et en gros, c’est quoi l’innovation ? « Je dirais que c’est notre capacité à détruire quelque chose du passé pour construire quelque chose de nouveau, affirme Aurélie Wen. C’est d’accepter d’arrêter de faire les choses comme nous les faisons pour tenter de poser des actions encore plus pertinentes. Et ça prend du courage ! Je dis souvent que le deuil et le laisse-aller sont des parties intégrantes de l’innovation. Une fois qu’on l’accepte, l’innovation peut aller de l’avant. C’est un muscle qui ne demande qu’à être entraîné. » En ce sens, l’équipe d’Agorize joue le rôle d’accompagnateur dans cette démarche. « Nous ne sommes ni des consultants ni des conseillers, précise-t-elle. Nous sommes des faiseurs d’innovation. Les entreprises nous contactent avec un problème concret, par exemple : je souhaite avoir une campagne plus novatrice. Excellent ! Pour trouver une solution, nous sommes d’avis qu’il faut faire appel à l’intelligence collective ainsi qu’au pouvoir de la foule. On décide ensuite si on va de l’avant avec une innovation collaborative ou encore ouverte. »

Agorize

PROTOTYPE D’IDÉATION

C’est-à-dire ? « Thomas Edison disait que pour avoir une bonne idée, il fallait en générer 1000, poursuit Aurélie Wen. Et pour faire appel à un large bassin d’idéateurs, nous avons le choix de nous tourner vers l’ensemble des employés d’une entreprise (ce qu’on appelle l’innovation collaborative) ou encore vers le grand public qui se trouve à l’extérieur de l’entreprise (l’innovation ouverte). Dans les deux cas, on demande aux gens de s’imaginer ce que pourrait être l’entreprise dans six, douze, vingt-quatre mois, et de nous dire comment elle pourrait s’améliorer. C’est ce que nous avons fait, jadis, avec les 8000 employés internes de la Banque Nationale. Cet intense hackathon génère une déferlante d’idées aussi folles que sensées, lesquelles nous permettent d’en arriver à la création de ce qu’on appelle une preuve de concept. On crée ensuite un prototype de création pour valider si le concept mis en branle possède réellement du potentiel. S’il existe plusieurs étapes à l’innovation, celle-ci est notre spécialité. » Et c’est quand le meilleur moment pour innover ? Et combien ça coûte ? « À partir du moment ou l’on constate que nos clients changent, c’est le temps d’innover, tranche-t-elle. Et l’innovation est à la portée de tous. C’est en pourcentage du chiffre d’affaires qu’on la calcule. Certaines entreprises y consacrent 10%, d’autres 0,5%. Ça dépend toujours de ce que l’entreprise est prête à déployer comme ressources financières et humaines. Mais l’innovation est ouverte à tous les portefeuilles. »

QUÉBEC INNOVATEUR ?

Et qu’en est-il de l’innovation québécoise ? Où se situe-t-elle sur le grand échiquier mondial ? « Je vous répondrais qu’elle connaît une évolution timide d’un point de vue technologique, constate Aurélie Wen. Je l’affirme sans vouloir généraliser, bien sûr, mais il n’est pas rare que je sente une certaine aversion au risque chez les grandes entreprises québécoises. Ou que je rencontre des dirigeants craintifs aux changements. Beaucoup plus qu’en Europe, à tout le moins. On préconise ici encore cette culture du secret, celle qui nous empêche de dévoiler aux compétiteurs ce que nous faisons, par peur de se faire damer le pion. Ce qui est souvent anti-productif. La bonne nouvelle est que c’est en train de changer. Et ça pourrait aller rapidement parce que du côté de l’innovation sociale, le Québec est est très, très en avance. Cette fois, c’est un cinq à six ans d’avance que vous avez sur l’Europe. En terme d’ouverture, d’intégration, de parité, d’intelligence émotionnelle et sociale, vous êtes d’impressionnants leaders. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai quitté la France pour venir m’installer ici. Je suis tombée en amour avec le Québec au point de demander ma citoyenneté. Je vois de belles choses se profiler, le meilleur est à venir en ce qui a trait à l’innovation québécoise. »