À mon grand étonnement, et malgré la pression constante — et croissante — des Amazons de ce monde, il va bien, merci.

De fait, affichant une croissance successive de 9 %, 6,1 % et 3,3 % pour 2016, 2017 et 2018, on pourrait même croire qu’il est au-dessus de la mêlée. Ce n’est toutefois pas le cas.

Ça joue dur sur les patinoires du « retail » ! Et contrairement à ce que l’on pourrait supposer, l’équipe à battre n’est pas qu’en ligne et à l’étranger.

Les défis dans la ligue locale ne manquent pas, les embûches sont bien réelles. On ne joue pas à armes égales.

Pourtant, pas comme si nous n’avions pas besoin de tout le support local pour affronter ces équipes de goons multimilliardaires qui viennent nous baver impunément sur nos propres patinoires...

On fait quoi, alors ? On lance la serviette ou on jette les gants ?

« Nos gouvernements tiennent le commerce de détail pour acquis », constate Léopold Turgeon, président de Conseil québécois du commerce de détail (CQCD). « On nous a toujours regardés de haut », ajoute-t-il.

Pourtant, le commerce de détail québécois représente 6 % du PIB. C’est 480 000 emplois directs, sans oublier l’important apport économique à son écosystème d’affaires (agences de pub, firmes d’architectes et d’avocats, constructeurs, manufacturiers) et social (taxes, taxes foncières, commandites locales).

« Nous, ce que l’on veut, c’est l’équité », m’affirme de but en blanc M. Turgeon. « Ça me dépasse. Comment peut-on avantager des entreprises qui ne contribuent en rien à l’économie du Québec et du Canada au détriment d’entreprises d’ici qui sont tenues, elles, de prendre en charge les taxes et les frais de douane ? »

Léopold Turgeon
Léopold Turgeon

Une situation complexe, prétextent les politiciens.

« Lâchez-moi, c’est compliqué ! On vient de faire la preuve que c’est possible avec les taxes sur les intangibles. Or, c’est exactement la même chose avec les produits tangibles : dans les deux cas, il s’agit d’une transaction en ligne. Arrêtez de vous casser le pompon, vous l’avez la recette ! » s’exclame avec émotion monsieur Turgeon, tel un coach s’en prenant à l’arbitre qui vient de rendre une mauvaise décision.

Et pas qu’une seule d’ailleurs. Car ce « deux poids, deux mesures » en matière d’équité ne se limite pas qu’aux règles de taxation du commerce en ligne.

« Prends la taxe sur la masse salariale. Tu l’as dans le commerce de détail, mais pas dans le manufacturier, secteur où l’on pompe déjà des milliards de dollars. Je n’ai rien contre ça, mais si on le fait pour un secteur, pourquoi ne pas le faire pour les autres secteurs ? »

« Les emplois du secteur des jeux vidéos sont subventionnés à 37 %. Pourquoi nos emplois ne le sont-ils pas eux aussi ? » Après tout, l’emploi dans le commerce de détail est un enjeu majeur. « Alors, pourquoi ne pas offrir 8 % à tout le monde, par exemple ? » ajoute-t-il.

Dans l’attente d’une démonstration concrète de l’intérêt du politique pour la game en cours, quels sont les autres éléments qui pourraient aider le commerce de détail québécois à se doter d’équipes gagnantes, ou du moins à améliorer sa défensive ?

« Briser l’isolement, » me répond le président du CQCD. S’esquintant à tenter de tout faire par eux même, les détaillants se retrouvent isolés. Alors que selon monsieur Turgeon, ils gagneraient à sortir, à regarder ce qui se fait de mieux dans d’autres secteurs, à participer à des journées de formation.

« C’est bien beau de jouer constamment du coude sur la glace, mais des fois, ça peut être payant de regarder la partie du haut de la galerie de presse. Ça permet d’avoir de la perspective ».

S’inspirer en regardant ce qui se fait de mieux en matière de patins en polymère spatial, de zambonis à zéro gravité et de rondelles intelligentes, voilà certainement une bonne chose. Mais si les détaillants ne peuvent se les payer ?

« Au Québec, la solution passe par la mutualisation », croit monsieur Turgeon.

94 % des entreprises ayant moins de 50 employés, individuellement, elles ne peuvent jouer à armes égales contre les gros joueurs. « Les commerçants d’ici ont tout à gagner à se réunir pour obtenir de meilleurs prix sur l’ensemble de leurs besoins, qu’il s’agisse des frais d’expédition, de services publicitaires, légaux ou financiers, de solutions technologiques. »

Réunir ensemble des entreprises québécoises potentiellement compétitrices pour économiser, n’est-ce pas là un rêve fou et inaccessible ?

« Pas du tout », me répond confiant monsieur le président. « Les détaillants le font déjà chaque semaine. Depuis longtemps. Dans le Publisac ! »

Pas bête. Après tout, une victoire n’est-elle pas souvent qu’une question de travail d’équipe ?

Et entre l’équipe des Davids du Québec et celle du Goliath de Seattle, devinez pour qui prend Léopold Turgeon, même s’il y a loin de la Coupe aux lèvres ?

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