L’année dernière au Canada, plus de 400 000 mille foyers.ont pris la décision d’annuler leur abonnement au câble, soit près de 50 000 de plus que l’année précédente, mais deux fois plus qu’en 2012. Au États-Unis, l’an dernier toujours, plus de 33 millions de familles auraient eux aussi coupé les ponts avec les postes câblés. Une tendance lourde, il va sans dire, et en pleine accélération, laquelle se veut portée par des consommateurs de contenus télévisuels insatisfaits de l’offre câblée - ou encore simplement séduits par les multiples alternatives. Si les options visant à faire épargner de l’argent aux consommateurs pullulent au gré des mois, voire des semaines, ceux qui sont communément appelés les « cord-cutters » (les coupeurs de cordon pour la traduction libre) gagnent en nombre, amputant ainsi les diffuseurs privés de revenus substantiels aux profits, bien souvent, de géants américains. Le débranchement, donc : un choix pratique, mais non éthique pour la culture télévisuelle québécoise ? Voici quelques témoignages de « cord-cutters » ayant décidé de passer à l’acte.

L’HABITUDE PARENTALE
Étudiante sherbrookoise en communication marketing, Mathilde Dufort, 22 ans, a vu diminuer sa facture d’une centaine de dollars en passant d’un fournisseur télé/web bien connu à une alternative dont elle a aperçu l’offre sur un site web. « Mes deux colocs et moi partagions une facture de 160$ par mois pour l’internet ainsi qu’une vingtaine de chaînes d’informations et de divertissement, dit-elle. On a tout lâché ça. Qui a le temps de regarder vingt chaînes de toute façon ? » Des regrets depuis ? « Ha ! Vous ennuyez-vous du temps où l’on devait payer pour faire des interurbains au Québec ?, questionne-t-elle. Bien, je me sens pareil. J’ai déjà oublié cette époque. » Même son de cloche du côté d’Étienne Gadois, jeune papa de l’Est de Montréal. « Il y a deux ans, la venue de notre premier enfant nous a amenés à changer notre mode de vie, confie-t-il. La première chose que nous avons jugé non indispensable, c’était le câble. Nous avons plein de jeunes couples dans notre entourage, et tout le monde fait pareil, on se débranche. Avoir le câble était un peu une habitude que nous avions prise de nos parents. Je l’ai depuis que je suis tout petit. C’est quelque chose que je n’avais jamais réellement requestionné jusqu’ici. »

LE FACTEUR SPORT
Et ça lui manque ? « Les chaînes sportives me manquent, dit-il. Je sais qu’il existe toutes sortes de liens de streaming pour visionner des games de hockey, mais je n’ai pas le temps de me faire suer avec ça. La gratuité existe, mais c’est du travail en maudit pour y arriver. Éventuellement, je songerai à m’abonner au NHL Network sur mon Apple TV. Mais je ne retournerai pas au câble que pour ça. » Le rédacteur en chef du Grenier magazine, Éric Chandonnet, ajoute lui aussi son point de vue quant à l’offre sportive câblée. « En 2019, on a accès aux journaux et aux stations de radio du monde entier, dit-il, mais pour ce qui est de la télé, c'est autrement différent. Je suis un fervent amateur de sports et je ne comprends pas pourquoi nous ne pouvons pas avoir accès à des chaînes comme ESPN au Canada. J'adore RDS, TVA Sports, TSN et Sportsnet, mais si on s'intéresse à d'autres sports que le hockey, ESPN comble notre besoin. Cela étant dit, je n'ai pas l’intention de couper le câble bientôt. »

LE CÂBLE : 55 ET PLUS  ?
Si le tendances semblent démontrer que le phénomène des « cord-cutters » frappe davantage les 45 ans et moins (les données Numéris montrent que les chaînes généralistes québécoises sont majoritairement consommées par les 55 ans et plus), certaines exceptions viennent confirmer la règle. À Saint-Hyacinthe, Josée Benoit et son époux, jeunes soixantenaires, s’apprêtent à résilier leur abonnement au câble après plus de 30 années passées avec le même fournisseur. « Je sais qu’à notre âge, on devrait normalement faire partie de cette tranche d’irréductibles consommateurs de télé conventionnelle, affirme-t-elle, mais l’offre du câble ne nous rejoint plus, sauf pour quelques trop rares exceptions. On paie pour quelque chose qu’on ne regarde plus et on s’apprête à le couper. » La cause de cette décision ? « Vous allez rire, mais on a découvert Netflix l’année dernière, rigole Josée. Notre fille nous a montré ce que c’était et on a été séduit. L’offre est hallucinante. Notre fils, lui, qui travaille en télévision, nous taquinait en disant que c’est à cause des gens comme nous que le milieu de la télévisuelle québécoise en arrachait. Je lui ai répondu à la blague que j’avais hâte de le voir produire des émissions pour Netflix ! »

ET LE CONTENU QUÉBÉCOIS ?
Mais doit-on effectivement faire un lien entre les « cord-cutters » et la santé de notre télévision québécoise ? Pas exactement, nous affirme une source qui requiert l’anonymat. « Je travaille moi-même dans le milieu de la télé du côté client et du côté production depuis plus d’une vingtaine d’années, raconte-t-elle, et ça ne m’a pas empêchée de me débrancher. À un moment au cours de la dernière décennie, j’avais plus d’une centaine de canaux. Je voulais TOUT voir. Puis sont arrivés les Netflix et autres Cravetv. J’en suis arrivé à réduire mon abonnement à un bouquet d’une quinzaine de chaînes spécialisées, toutes québécoises ou presque. Et l’année dernière, mon chum et moi avons finalement décidé de nous débrancher. Nos enfants sont sur YouTube, principalement, alors que lui et moi partageons notre temps entre des télés généralistes, qu’on capte par antenne, et nos applications. Avec nos abonnements mensuels à Netflix, Tout.Tv Extra et autres, on dépense assez. » Des remords ? « Oui… et non, hésite-t-elle. J’ai eu ce questionnement pendant un bout de temps. Aujourd’hui, je me dis que c’est la triste loi de l’évolution. Je suis déçue de voir que l’offre télévisuelle québécoise souffre des désabonnements, mais il faut impérativement repenser les modèles d’affaires pour continuer à produire du bon contenu d’ici. »

cord cutter

 

Source : Statista