Et si tous ces messages ne sont pas visuels, le nombre de logos présents sur ces publicités reste considérable. Ce symbole qui a pour but de représenter une marque et une entreprise tout en véhiculant ses valeurs est victime d’une nouvelle mode: le minimalisme. Olivier Bruel, directeur artistique indépendant, nous en dit plus sur ce phénomène.

Au delà du choix du nom lorsque l’on lance une entreprise ou un service, il faut penser à la création   de son logo. Quel est le rôle premier de ce symbole?

O.B. On dit souvent que le logo est le visage de la marque, mais c’est aussi sa poignée de main et le moment où les regards se croisent. Un logo est un signe visuel qui encapsule une identité en l’affirmant et en la distinguant des autres. C’est un peu la particule élémentaire du branding: il contient toute la marque mais ne s’encombre pas des détails.

La vie d’une entreprise est constituée de cycles qui impactent son activité, son état de santé, sa stratégie. Dans cet environnement en mouvement, pourquoi une entreprise décide-t-elle de changer ou de faire évoluer son logo?

O.B. Il y a autant de réponses que d’entreprises. Parce que la vocation de la compagnie change ou évolue, parce qu’elle mûrit, parce qu’elle fusionne et doit homogénéiser son identité... Mais les tendances graphiques peuvent aussi donner l’impression que le logo n’est plus « à jour ».

Justement, est-ce que cette mode dans le design des logos d’entreprises est liée aux tendances en publicité et communications?

O.B. Sans aucun doute. On parle beaucoup de tendance minimaliste en ce moment, mais les logos, qui sont de plus en plus nombreux, connaissent des modes dont les cycles sont de plus en plus rapides. Cela se ressent beaucoup dans le domaine des technologies, où les générations sont courtes. En revanche, toutes les marques n’ont pas la même perméabilité aux tendances.

Comme vous le citiez précédemment, la tendance est au minimalisme. En quoi les logos le sont-ils davantage minimalistes en 2019 qu’en 2009?

O.B. La réponse est sous nos yeux. En 2019, le minimalisme a le vent en poupe et s’incarne de plusieurs façons. On constate un phénomène typique, puisque entre 2004 et 2009 environ, nous assistions à un déferlement de logos très complexes, mariant le chrome à des effets de verre dépoli, plein de reflets et d’ombres portées. Le contraste avec le «flat-design» actuellement en vogue parle de lui-même!

Le montage avec les logos avant/après des maisons de haute couture a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. Est-ce que ce design est réellement une nouvelle tendance dans le luxe?

O.B. On entre dans le détail typographique, puisque ce n’est que cela. L’adoption par le milieu de la mode des typographies linéales (sans serif) et géométriques (aux lignes d’épaisseur généralement constante) ne date pas d’hier, puisque le logo de Chanel, l’un des plus beaux exemples, fêtera bientôt ses 100 ans!

Graduellement, ce code visuel épuré a été adopté par beaucoup d’autres marques, notamment en cosmétique comme Vichy, Biotherm, L’Oréal ou Nivea. Ils sont littéralement construits sur la même police de caractères, avec de subtiles nuances d’épaisseur et d’interlettrage. Plus récemment, depuis cinq ans environ, des marques de luxe comme Balenciaga, Burberry, Calvin Klein, Berluti et Balmain semblent vouloir embrasser cette tendance, au risque de perdre un inestimable capital de marque.

Si on prend le sujet d’un point de vue stratégique, à combien de temps peut-on estimer la durée de vie d’une identité visuelle pour une entreprise?

O.B. On devrait viser la postérité, mais on se prend trop souvent les pieds dans les tendances! Nous sommes en plein paradoxe culturel, puisque nous adulons les logos centenaires de Coca-Cola et de Chanel tout en adoptant des micro-tendances qui rendent les logos rapidement périssables. Un logo peut donc durer un siècle ou un an, mais la moyenne réelle est probablement autour d’une quinzaine d’années.

Finalement, après avoir cité plusieurs références internationales, pourriez-vous nous donner des exemples significatifs de cette tendance du minimalisme dans les logos d’entreprises au Québec et au Canada?

O.B. L’exemple qui a fait le plus jaser au Québec est certainement celui de Desjardins : cette réaction émotive met en lumière notre peur collective de perdre des repères visuels patrimoniaux. Le Cirque du Soleil est passé de très compliqué à moins compliqué. Le Grand Montréal Comédie Fest s’est positionné à l’opposé du concurrent Juste Pour Rire. Enfin, la SQDC a opté pour une image volontairement « drabe ».

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