La publicité programmatique est la technologie qui a le plus révolutionné l’achat d’espace et les techniques de ciblage des campagnes en ligne. Comment ces sites profitent-ils de l’argent investi en publicité numérique? Et comment les régies font-elles pour éviter de diffuser sur ces plateformes?

«Aux É.-U., 80% de la publicité en ligne est réalisée par la programmatique. »

La publicité programmatique est une révolution. Depuis dix ans, cette nouvelle manière de diffuser la publicité sur Internet est devenue une norme. Pour reprendre la définition, la publicité programmatique désigne l’activité publicitaire pour laquelle l’achat d’espace publicitaire, la mise en place des campagnes et leur diffusion sont réalisés de manière automatisée. Sa commercialisation peut se faire par système d’enchères en temps réel. Toujours plus, toujours plus vite. Fortes des données récoltées et de l’analyse du parcours des internautes sur le web, les régies sont donc capables de pousser la bonne bannière, au bon moment, à la bonne personne.

Les mégas donnés ont manifestement contribué à l'essor de cette technique. On estime d’ailleurs que la proportion de publicité en ligne est à 80% réalisée par la programmatique et pourrait atteindre les 90% d’ici à 2020 aux É.-U.

Au même titre que les régies publicitaires de médias traditionnels, ces intermédiaires offrent des solutions clé en main aux annonceurs qui désirent être présents sur le web. Complémentaire au travail de référencement (SEO, SEM, SEA…) la publicité programmatique rencontre malheureusement des obstacles. Alors que de plus en plus d'investissements publicitaires sont numériques, les régies ne sont pas toujours capables de garantir le lieu d’affichage des bannières et display.

En effet, souvent aveuglés par des objectifs de performances, les marketeurs se concentrent sur la quantité ou un CPM le moins dispendieux possible. C’est ainsi que bien des annonceurs se retrouvent, malgré eux, sur des sites douteux, dont le contenu est principalement composé de fausses nouvelles. Les Fake News, expression sur toutes les lèvres depuis quelque temps, sont malheureusement l’élément qui lie journalisme et publicité.

Alors que le combat est mené pour lutter contre la désinformation, on constate que ces sites Internet ne disparaissent pas de la toile, et sont très convoités des dispositifs de diffusion de publicités en ligne. Même si les régies s’engagent à offrir le meilleur des ciblages, il n’est pas rare de trouver des bannières web de grandes marques sur des sites controversés. Mais alors, comment en est-on arrivé là?

Depuis 10 ans, la consommation de l’information a été bouleversée en profondeur, tant dans les modèles d’affaires des médias que les dans le lectorat. Aussi, les Facebook et autre réseaux sont désormais des agrégateurs, étapes intermédiaires entre le média et le lecteur. Les internautes ont désormais des articles de titres de renoms diffusés de la même manière dans leur fil d’actualité que ces pièges à clic. Ces sites de fausses informations ont explosé ces dernières années et n’ont jamais eu autant de succès. Dans tout cela, il est complexe pour les agences spécialisées de filtrer ces sites dans le grand répertoire d’Internet.

En plus d’associer l’image d’une marque ou d’un produit à un site ou un contenu inadapté, ce procédé contribue à financer le site en question. Car s’il diffuse de la pub, c’est qu’il en est rémunéré. Autrement dit, la publicité programmatique contribue à l’économie des sites de fausses nouvelles.

«Si la campagne est complètement paramétrée, il n’y a pas de risque.»

À Montréal, lorsqu’on demande comment la situation est gérée, Benoît Skinazi de District M explique: « Honnêtement, si la campagne est complètement paramétrée, il n’y a pas de risque ». Avec 3000 campagnes par année, l’entreprise met en place des whitelists, plutôt que de blacklister les sites web sur lesquels elle programme la publicité de ses clients. Ainsi, l'investissement publicitaire est garanti. Les pages sont préqualifiées et analysées par des études de sémantiques complémentaires et permettent d’éviter aux annonceurs d’être affichés sur des sites de fausses nouvelles ou au contenu inapproprié.

Toutefois, il est légitime de se questionner sur les pratiques des entreprises spécialisées en programmatique, notamment lorsque l’on voit l’expansion fulgurante de celles-ci comme Criteo. La firme française, fondée en 2005, est entrée au NASDAQ moins de 10 dix ans après sa création, en 2013. En d’autres termes, l’activité est profitable.  

Nous ne pouvons attribuer la responsabilité de l’expansion des sites de Fake News à la publicité programmatique, cela serait réducteur et caricatural. Cependant, l’expansion accélérée du marché a malgré tout contribué à ce modèle d’affaires peu glorieux. L’éveil des consciences et la sensibilisation des annonceurs pourront peut-être agir en faveur d’investissements responsables.

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