Le plus vieux des médias publicitaires change de peau. À l’ère où le web accapare de plus en plus l’espace publicitaire, l’affichage réussit-elle à se réinventer de manière innovante ? Discussion sur le sujet en compagnie d’André Paradis, associé et codirecteur de création chez Compagnie et cie, et de Marie-Claude Bourdeau, directrice marketing, communications et contenu chez Newad.

andré paradis

Marie-Claude Bourdeau

L’AFFICHAGE : LE BEL EXPOSÉ      

Quelques nouveautés à l’affiche dans le joli monde des communications. Dans une ère où le dollar publicitaire trouve de plus en plus refuge sous la bannière du web, l’affichage continue de se réinventer au rythme de la technologie et des idées novatrices : une combinaison indivisible sur laquelle repose l’art de l’affichage. « Les publicitaires possèdent plus de data et de renseignements que jamais sur les consommateurs, affirme André Paradis. On peut les traquer dans leurs plus profonds retranchements. Mais n’en reste pas moins que les règles de l’affichage n’ont pas changé au cours des derniers siècles : il faut invariablement réussir à capter et garder l’attention du citoyen lambda. C’est la seule véritable règle qui existe, même si les leviers créatifs pour l’appliquer sont plus nombreux. »

CAPTER L’ATTENTION

Si facile à acquérir que ça, le data d’informations sur les utilisateurs ? « Les banques de données n’ont jamais été aussi riches, confirme Marie-Claude Bourdeau. Il est aujourd’hui possible grâce aux appareils intelligents, aux applications ainsi qu’à la géolocalisation, de savoir qu’un nombre X de personnes ayant posé le pied dans un établissement Y ont tel type d’intérêt. Évidemment, la cueillette des données se fait toujours de manière anonyme et consentante (lisez les petites autorisations sur lesquelles vous cliquez lorsque vous téléchargez une application). C’est donc autrement plus facile aujourd’hui d’afficher des publicités ciblées à des endroits stratégiques. » Encore faut-il que la publicité, tel qu’énoncé plus tôt, puisse réussir à capter et garder l’attention. « Un art qui n’a jamais été aussi complexe, poursuit André Paradis. Dans un passé pas si lointain, l’affiche était une sorte de rendez-vous : dans le métro, au resto, au coin de l’abribus, etc. Aujourd’hui, pour le même spot, le numérique peut te passer un paquet de publicités différentes. Ça rend le défi encore plus complexe, mais ça confirme aussi que la seule façon de réellement interpeller les gens, c’est d’être en relation avec eux.

RÉINVENTER LE MÉDIUM

C’est-à-dire ? « Je n’aime pas citer nos propres créations en exemple, mais je vais le faire quand même, dit-il, amusé. Nous avons fait récemment une campagne qui marche fort bien pour Kamik. Ça attire l’œil, car ça parle directement au client. D’autres types de campagnes sont encore plus fascinantes. Je prends en exemple celle affichée devant le Miroir d’eau, Place de la Bourse, à Bordeaux. Elle illustre parfaitement comment le rôle d’une affiche, même sans utiliser la moindre technologie, demeure ultimement (et ironiquement !) de créer une véritable connexion avec le spectateur. Elle réinvente le plus vieux médium publicitaire en tirant sur les mêmes vieux leviers, mais de manière complètement différente. » N’en demeure pas moins que les nouveaux leviers technologiques sont plus présents que jamais. « Nous ne sommes pas encore dans le film Minority Report, mais pas trop loin, s’amuse Marie-Claude Bourdeau. Les affiches interactives ont la cote aujourd’hui. Il y en a même certaines avec lesquelles tu peux interagir sans contact tactile, comme avec une XboxOne Kinect ; d’autres qui vous permettent même d’avoir une influence directe sur le produit. »

JOUER AVEC L’AFFICHAGE                                     

Par exemple ? « Admettons que je fais de la publicité pour un grand festival à venir, poursuit-elle. Sur mes affiches, je crée un sondage demandant au public de voter pour tel ou tel artiste qu’ils souhaiteraient voir sur la scène. Les statistiques s’accumulent, les gens interagissent avec l’affiche. Ou encore je mets le décompte à rebours des jours et des heures avant qu’il ne débute. Le but du positionnement d’une publicité à un endroit précis est qu’elle soit pertinente pour ta clientèle. Et qu’elle sache aussi piquer sa curiosité. Certaines, très créatives, y sont parvenues admirablement bien. Je pense à cette pub de peinture dans laquelle la couleur du panneau s’adaptait en fonction de la couleur du ciel. C’était brillant. » La deuxième vie numérique de l’affichage semble aussi lui avoir donné un regain de présence. « Tu peux avoir attendu le métro trois minutes et avoir été exposé à huit pubs différents en plus d’un fil de nouvelles en continu, ajoute André Paradis. L’omniprésence de l’offre publicitaire force tout le monde à rivaliser d’originalité et à se battre contre les grosses marques qui font de la domination média en achetant tout l’espace médiatique. Dans ce cosmos d’images, de petites perles de publicités passent souvent inaperçues. L’argent dont on dispose une campagne publicitaire n’achètera jamais pour la créativité d’un bon concept. »

affichage