Depuis que la pub est pub, l'industrie carbure à cette sacro-sainte mesure Web qu'est le CPM (coût par mille). Ce faisant, corolaire fallacieux, elle accorde la même valeur à toutes les impressions. Ce qui fait peu de sens. Particulièrement du côté du numérique.

Dans cet environnement où près d’une impression sur deux ne serait pas visible, et où la fraude publicitaire amène son lot de fausses impressions, comment un planificateur média peut-il transformer de vagues impressions en certitude ? En adoptant le CPH (coût par heure), bien sûr!

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Jean-Sébastien Prénovost
Jean-Sébastien Prénovost, Consultant média numérique

Qu’est-ce que le CPH ?

Le CPH débute là où s’arrête l’impression. Car cette mesure Web attribue une valeur au temps d’exposition à une publicité plutôt qu’à sa seule visibilité. On ne paie donc pas pour les impressions, mais pour la durée — combinée — du temps d’exposition aux publicités en ligne, avec une durée minimale d’exposition avérée de cinq secondes.

« Je n’ai entendu parler de cette mesure Web qu’à la fin de l’été, lors d'une matinée de l’ACA (Association canadienne des annonceurs) », mentionne Jean-Sébastien Prénovost, consultant en média numérique et spécialiste de la programmatique. « La présentation d'IAS (Integral Ad Science) m’avait immédiatement interpellé puisque la notion du CPH nous permet de déborder enfin de la désuète notion d’impression visible, telle qu’établie par le Media Rating Council(MRC)».

La norme du MRC stipule en effet que pour être considérée comme une impression, au moins 50% des pixels d’une publicité doit être visible, pendant au moins une seconde (deux secondes pour une vidéo). « Comme la majorité des bannières sont animées, on peut présumer que l’on paie pour énormément d'impressions où les gens n’auront même pas vu l’ensemble du message », explique Jean-Sébastien. Voire le nom de l’annonceur lui-même.

C’est d’ailleurs pour cela qu’à l’époque où j’étais directeur de création en agence, je disais à mes équipes de penser la bannière comme un panneau routier — et non pas comme un court métrage ! Un peu d’animation, oui. Mais avec le message principal et l’identification de l’annonceur présents du début à la fin.

« Si j’avais le choix entre acheter vingt impressions d’une seconde chacune ou trois impressions, dont une de dix secondes et deux de cinq secondes, j’opterais probablement pour le deuxième scénario » résume simplement et justement Jean-Sébastien.

La qualité plutôt que la quantité

Même si on en entend encore peu parler, le principe de l’achat de publicités numériques par heure n’est pas nouveau. Le Financial Times en fut le précurseur. En 2014, l’éditeur cherchait un moyen pour endiguer la fuite des revenus publicitaires, créée par l’accès à l’incommensurable inventaire au CPM très bas, rendu possible par la programmatique.

La méthode du « spray and pray », comme l'appelle Jean-Sébastien. On sait qu’il y a des pertes en matière d’efficacité, mais le grand nombre vient supposément compenser la qualité. Ma mère ne serait pas d'accord avec cette vision de la vie, aussi publicitaire soit-elle, croyez-moi!

Dans ce contexte, comment le FT pouvait-il se distinguer ? En mettant justement de l’avant sa différence : un contenu de qualité. Car dit contenu de qualité, dit lectorat de qualité. Un lectorat qui passe donc plus de temps à lire les articles. Et qui du même coup est exposé plus longtemps à des publicités judicieusement disposées.

C’est payant la qualité ?

L’expérience du Financial Times tend à le confirmer, tant pour l’éditeur que pour l’annonceur.

La première année a permis à l’éditeur de générer plus d’un million de dollars en revenus supplémentaires, et ce, auprès de marques prestigieuses telles que IBM, BP et iShares.

Et, comparativement à une publicité vue pendant moins de cinq secondes, une publicité vue pendant plus de cinq secondes génère des augmentations de 79% en rappel publicitaire, de 71% en familiarité avec la marque, de 51% en association avec la marque et de 58% en considération d’achat. Pas mal, non?

Alors pourquoi cette nouvelle mesure du bonheur tarde-t-elle à être adoptée ? « Le défi est technologique. Tant que je n’ai pas les leviers en tant qu’acheteur, le CPH demeure une notion théorique sur laquelle je n’ai aucun contrôle », explique Jean-Sébastien. La généralisation de cette mesure, et surtout la possibilité d'en faire l'achat, passe nécessairement par son adoption par les leaders de plateformes d'achats tels que Google, Adobe et Appnexus. C’est une question de demande. À force d’avoir des annonceurs et des acheteurs qui l'exigent, et plus il y aura de joueurs comme IAS qui l’offrent, plus les majors devront éventuellement réagir. »

Impact positif à l’avènement du CPH? L’ergonomie des sites et l’emplacement des publicités devront être repensés afin de maximiser cette qualité. Peu, mais mieux ? On le souhaite.

Chose certaine, « le CPH viendrait aider nos sites locaux — ceux de qualité — à récupérer une partie des dollars envolés », conclut Jean-Sébastien.

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