Est-il possible pour une campagne publicitaire d’être à la fois créative et (véritablement) efficace ? Les prix sont-ils incompatibles avec l’atteinte d’un bon rendement ? Discussion sur le sujet en compagnie d’une source du milieu publicitaire.

Une vieille dichotomie publicitaire nous dit qu’il existerait deux types de campagnes : les créatives, qui permettraient aux agences de mettre la main sur des Lions d’or, ainsi que les efficaces, qui permettraient aux clients de mettre la main sur de nouveaux consommateurs. Un sujet dont s’est d’ailleurs inspiré l’auteur James Hurman pour l’écriture de l’excellent The case for creativity, l’ouvrage qui tend à démontrer hors de tout doute que la créativité en publicité serait plus payante que le conservatisme. Une opinion que vient nuancer une source du domaine publicitaire avec qui nous avons discuté. « Ce n’est pas nécessairement aussi tranché que ça, nous dit-elle. Ça prend davantage un mélange équilibré entre création et stratégie pour qu’une campagne fonctionne bien. Aussi faut-il avouer qu’il est révolu ce temps où les publicités éclatées et ultras audacieuses (donc candidates à des prix) étaient confinées à des espaces dans de petites publications de quartier ou diffusées après minuit le soir. On voit depuis un bon moment déjà la créativité s’inviter dans des campagnes diffusées à grande échelle. »

AU SERVICE DU CLIENT

Avant de poursuivre sur le sujet, posons tout d’abord LA question à notre source : pourquoi souhaiter rester anonyme ? « Tout simplement parce que je fais partie de l’une de ces grosses agences de Montréal qui ne sont pas reconnues pour rafler des prix, nous dit-elle. Nous avons énormément de beaux comptes, mais notre marque de commerce n’est pas de collectionner les prix dans les festivals. Mon discours pourrait sembler biaisé si l’on identifiait la boîte pour laquelle je travaille. » Est-ce donc aussi stratégique que de jouer de manière plus sage en termes de création ? « Je dirais que les agences sont d’abord tributaires du type de clients et de comptes qu’elles ont, résume notre source. On travaille d’abord et avant tout pour les satisfaire. Parfois, tu as un bon feeling et tu te dis que tel flash pourrait faire parler de son produit, que telle idée pourrait faire rire et donner un capital de sympathie à une marque. Mais reste que les clients, eux, ont des chiffres et des données à l’appui capables de mettre K.O. ton feeling. »

LE PRIX DE LA PINTE

C’est donc dire que certains produits se prêtent davantage à des campagnes plus éclatées ? « Absolument, dit notre source. Des produits ou des causes. Quand tu fais une campagne sociétale, tu as tout à gagner (et surtout rien à perdre) à ce qu’elle soit créative, qu’elle soit accompagnée d’un effet “wow”. Quand tu n’as rien à vendre, arrange-toi pour qu’on parle de ta cause. Autrement, je peux comprendre qu’un client préfère la clarté à la créativité dans message. Que tu sois dans le domaine de l’alimentation, du meuble, de l’automobile ou de l’électronique, les clients se battent contre des concurrents féroces. Et ce n’est pas nécessairement un concept hyper flyé qui va faire comprendre à leur public cible que leur pinte de lait est en spécial cette semaine. Les clients ont une pression de plus en plus grande sur leurs épaules avec la globalisation des marchés. Et prendre des risques n’est pas nécessairement une tendance à la mode. Personne ne voudrait recréer une autre histoire d’horreur publicitaire à la Pepsi. »

UN (AUTRE) EXEMPLE DE RÉUSSITE

Et un cas d’étude dans lequel la créativité et l’efficacité travaillent main dans la main ? « Je ne pourrais pas passer à côté de la publicité des Producteurs de lait du Québec, poursuit notre source. À l’heure où tout le monde essaie de faire des contenus publicitaires plus courts, eux nous arrivent avec un format de 90 secondes ! Ça, déjà, c’est audacieux. De plus, ils abordent de front un grand nombre de problématiques reliées à leur produit, et ils en rient. C’est brillant. Et le résultat est que cette publicité, aussi audacieuse dans son contenant que dans son contenu (NDLR : voir le texte sur l’humour en publicité) est sur toutes les lèvres en ce moment. Est-ce que les Québécois ont bu davantage de lait ce matin ? Je ne sais pas. Mais dans un moment où les producteurs laitiers ont besoin de soutien, ça tombe à point. Est-ce que tout le monde capote sur le concept ? Impossible. Ce qui prouve que le consensus est un tueur d’audaces. Si tu attends que tout le monde soit confortable avec ton concept, les chances de verser dans l’innovation deviennent plus minces. »

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