Pointe de conversation avec Cristiane Bourbonnais, présidente de Cohésion Stratégies. 

Cristiane Bourbonnais

Votre rapport avec les marques et les vecteurs de changement ne date pas d’hier, n’est-ce pas ?

Cristiane : En effet. Chez Cossette, j’avais la direction du groupe Bell au moment où elle passait d’un monopole à une entreprise qui allait devoir affronter la concurrence. Un immense changement de cap puisque l’ensemble des services étaient subventionnés par l’interurbain ! Il fallait se prémunir contre cette nouvelle compétition. Et vendre les services à valeur ajoutée.

Quels étaient ces services ?

Ces services que les clients appelaient les services impolis ! L’appel en attente (tu ne mets pas quelqu’un en attente quand tu es en conversation avec quelqu’un). L’afficheur (pourquoi tu veux savoir qui appelle, décroche, tu vas le savoir). La téléréponse (ils rappelleront). C’est à ce moment-là que nous avons lancé la fameuse campagne avec Benoit Brière qui visait à faire aimer ces services-là.

Et cela ne fut pas votre seule expérience dans le monde des télécommunications.

Cristiane : En effet, après avoir lancé cette campagne, je me suis fait approcher par un groupe. C’était un projet de Charles Sirois qui désirait se lancer dans ce qui allait devenir les nouveaux services de communications personnelles. Je suis donc partie de chez Cossette pour aller écrire la demande de licence, mettre sur pied les opérations puis lancer ce qui allait devenir Fido.

Un autre agent de changement !

Cristiane : Oui. À l’époque, les gens payaient en moyenne 1 dollar la minute. Si tu étais dans une entreprise, tu avais droit à un gros plan tarifaire : 50 cents la minute tes communications cellulaires. Nous, on a lancé avec un seul forfait, 40 $/400 minutes. Dix cents la minute ! L’industrie pensait qu’on était tombé sur la tête. Éventuellement, c’est ce qui a donné le ton à l’industrie. Et c’est comme ça que je suis devenue fascinée par les marques et qu’éventuellement, en 1998, j’ai lancé Cohésion Stratégie.

En vingt ans, vous avez pu voir beaucoup de marques apparaitre et disparaitre. Comment vont les marques aujourd’hui ?

Cristiane : Les marques ont plus de points de contact et de latitude que jamais pour se tailler une place dans le cœur, l’esprit et l’imaginaire des gens. Ce qui est très difficile, c’est la vitesse à laquelle où les choses vont. À cause de l’impératif d’avoir des résultats dans trois mois, les gens n’ont plus de patience pour attendre les résultats, plus de patience pour apprendre leur métier.

Alors que plus que jamais la solidité d’une marque est ce qui lui permet de passer à travers les épreuves.

Cristiane : On ne prend pas le temps de bien réfléchir à ce que l’on veut que notre marque soit. Qu’elle devienne. Par où on va passer. On ne se donne pas suffisamment de temps pour bien réfléchir à ce que ça prend en interne pour déployer ce repositionnement. Établir une marque aux bases solides, ou la repositionner, ça demande une réflexion en profondeur. Ça ne se fait pas en trois semaines.

Mis à part la vitesse, existe-t-il d’autres éléments disruptifs ?

Cristiane : Le deuxième grand vecteur de transformation : le monde n’a plus de frontières. Avec comme résultat que les marques locales n’ayant pas un vrai avantage concurrentiel sont immensément affectées. On n’a qu’à regarder Sears qui se retrouve aujourd’hui sous la protection du Chapter 11, la loi contre la faillite aux États-Unis. Les deux grands vecteurs pour créer de la valeur sont la différence et la pertinence.

Les marques sont également mises au défi par l’arrivée de nouveaux joueurs et de nouveaux services. Que faire quand des Über et des Airbnb viennent remettre en question notre pertinence et notre différence ?

Cristiane : Le troisième vecteur qui permet de maintenir l’avantage concurrentiel de la marque dans le temps, c’est l’innovation. Pensez à Apple. Dès ses débuts, la marque était différente et pertinente. Mais si elle n’avait pas innové, elle serait morte aujourd’hui. 

Que doivent faire les marques pour passer à travers ces vagues de changement ?

Cristiane : Se doter d’une culture d’innovation cohérente et systémique qui se superpose à la culture des résultats aux trois mois.

Des gagnants en vue ?

Cristiane : C’est du côté des entreprises à propriété familiale que je vois les plus belles motivations en ce sens. C’est là qu’on voit un véritable souci de créer de la valeur à long terme. C’est normal. Ces entrepreneurs sont là pour créer de la valeur pour leurs enfants et leurs petits enfants.