La création d’un podcast peut-elle rapporter de l’argent à ses créateurs ? Quels moyens s’offrent aux créatifs pour rentabiliser leurs tribunes et monétiser leur art ? Discussion sur le sujet en compagnie de l’animateur et réalisateur Julien Morissette.

Julien Morissette
Julien Morissette, Animateur et réalisateur

Parlons sous. Alors que l’offre de podcasts québécois se veut de plus en plus diversifiée, bon nombre de créateurs peinent toujours à rentabiliser l’investissement de temps et d’argent que nécessite une production de qualité. La question se pose donc : créer une baladodiffusion en 2018 au Québec pour l’art et la paye, c’est possible ? « J’ai beau être optimiste de nature, je sais, par mon expérience, qu’il est effectivement possible d’en tirer profit, nous affirme Julien Morissette d’entrée de jeu. Voire d’en vivre si l’on multiplie les projets et que l’on apprend à bien dénicher les financements alternatifs. Le message que l’on entend sur plusieurs tribunes quant à la difficulté de financer des séries audio n’est pas faux, au contraire, mais reste que les choses se transforment peu à peu. Jamais autant de contenu audio (et du bon !) n’aura été consommé et produit qu’en ce moment. Ça met la table à de nouveaux partenariats et autres modèles d’affaires qui pourraient continuer à se développer au cours des prochaines années. »

BOURSES ET PARTENARIATS

Reste que les ressources de monétisation actuelles, bien qu’existantes, ne sont pas légion. « Il nous faut encore être créatif, poursuit Julien Morissette, car, contrairement à la production audiovisuelle, web ou télévisuelle, la production de podcasts ne jouit pas encore de crédits d’impôt ou encore de fonds qui y sont entièrement consacrés – à moins qu’ils ne s’inscrivent dans la création d’une plateforme convergente, ce qui peut aussi être intéressant. Mais on doit s’attendre à ce que ça change, comme ce fut le cas il y a quelques années avec la production de séries web. Autrement, le Conseil des Arts et Lettres du Québec (le CALQ) offre aujourd’hui des bourses pouvant aller jusqu’à 50 000 dollars pour la création de projets audio. C’est intéressant. Aussi faut-il penser à d’autres types d’associations : des partenariats entre des créateurs de contenus et des évènements, par exemple, des entreprises culturelles ou encore des festivals qui souhaiteraient faire rayonner leur marque et s’adresser à leur public autrement. C’est tout à fait possible d’aller chercher du financement de ce côté, suffit d’être créatif dans l’approche.

DONS ET PATREON

D’autres moyens de financement gagnent aussi en popularité. « Le modèle Patreon est sans contredit le plus connu, poursuit Julien. C’est une plateforme de financement participatif relativement populaire auprès des artistes (créateurs de podcast, bédéistes, youtubeurs, etc.), laquelle leur permet de recevoir des dons de mécènes qui deviennent du coup leurs « patreons (patrons) ». Ça fonctionne bien et ça permet aux gens qui déboursent d’obtenir des primeurs ou des exclusivités. Autrement, il y a toujours aussi la possibilité de faire appel aux dons de vos auditeurs : une pratique tout à faire noble dans la lignée du financement participatif, qui permet souvent de rentrer dans les frais de la production, voire de faire un profit. De plus en plus de gens, moi le premier, sont prêts à payer pour participer à la monétisation de contenus divertissants, pertinents. Si on a un auditoire de 2000 personnes, par exemple, il ne faut pas s’attendre à ce que tout le monde verse un montant. Si deux, trois pour cent du public participent à ton montage financier, c’est déjà beau ; mais sachez que ces gens sont souvent généreux parce qu’impliqués. C’est beaucoup plus facile d’aller chercher 50 X 100 $ que 2000 X 2$. »

PARTENAIRES PRIVÉS

Et qu’en est-il du modèle américain et de ses annonceurs imbriqués dans le contenu des épisodes ? « Ça gagne en popularité au Québec, poursuit Julien Morissette. Même Radio-Canada intègre des publicités à ses balados. Pour le public, quand c’est bien amené, ce n’est pas un irritant. Aussi la forme du podcast est-elle extrêmement intéressante pour les annonceurs qui souhaitent faire découvrir ou encore rappeler l’existence de leur produit aux auditeurs. Pourquoi ? Parce que le niveau d’implication et d’engagement de ces derniers est plus important qu’à la radio commerciale, que l’on écoute souvent distraitement parce qu’inondés de publicités souvent agressives. La relation entre l’animateur d’une baladodiffusion et ses auditeurs est autrement plus intimiste. » Même si la montée en flèche de la popularité des podcasts au Québec met du temps à se monétiser, Julien Morissette prône une fois de plus la créativité… et la patience. « Je comparerais l’engouement pour les podcasts d’aujourd’hui à celui des blogues d’il y a une dizaine d’années. C’était l’époque où tout le monde (et leur grand-mère !) en avait un. Que ce soit par l’entremise de subventions gouvernementales ou par l’entremise du privé, le modèle de monétisation est en pleine évolution. Le contenu audio de qualité l’est lui aussi. Il est en train de trouver sa valeur. »

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