Les critères d’acceptabilité établis pas le Code canadien des Normes de la publicité freine-t-il l’inspiration des créatifs ? Non, selon leur avis général, assure Danielle Lefrançois, directrice des communications de l’organisme à but non lucratif. De fait, il semblerait que l’opinion publique est devenue davantage contraignante pour la liberté de création que l’autoréglementation de la publicité en soi. Le portrait actuel porte à croire qu’on chercherait de plus en plus d’occasions d’être choqué. Comme si l’indignation avait bien meilleur goût. 

Danielle Lefrançois
Danielle Lefrançois, Directrice des communications

À quoi servent les normes ?

Les Normes de la publicité reçoivent autour de 1800 plaintes du public par année. De ce nombre, seulement une quarantaine de publicités sont retirées, la plupart du temps parce qu’elles vont à l’encontre de l’article 1 du Code canadien des normes de la publicité relatif à la véracité, la clarté et l’exactitude d’un message. Le mauvais goût compte aussi parmi les plaintes les plus répandues, mais il ne constitue pas une raison suffisante pour que les Normes de la publicité s’opposent à un message. Les publicités en lien avec les domaines de l’alcool, de l’alimentation, de la pharmaceutique, des cosmétiques et des publicités destinées aux enfants ailleurs au Canada (au Québec, elle est carrément interdite) doivent se soumettre au code de Santé Canada et du CRTC. L’organisme compte donc une équipe d’analystes dédiée à ce volet tandis qu’une autre équipe voie à ce que les publicités respectent le Code canadien des normes de la publicité auquel sont assujetties toutes les publicités. « Une publicité jugée acceptable en est une qui ne va pas à l’encontre des 14 articles, qui d’ailleurs exposent les mauvaises pratiques et non pas les bonnes pratiques. En fait, les 14 articles du Code ne dictent pas aux annonceurs quoi faire, mais bien quoi ne pas faire », explique Danielle Lefrançois. Le rôle de notre organisme n’est pas de sanctionner les annonceurs, mais de faire en sorte qu’une publicité trompeuse ou choquante soit retirée et de s’assurer de la véracité et de la conformité des messages », ajoute-t-elle. À cet effet, les campagnes diffusées par les groupes antiavortement dans l’ouest du Canada font actuellement l’objet de plusieurs plaintes et certaines allant à l’encontre du Code ont été retirées.   

Peut-on rire de tout avec tout le monde ?

Dans une vieille publicité d’un salon de coiffure, une femme amochée, mais joliment coiffée, reçoit un cadeau de son mari. En signature, on peut lire : « soyez belle en toute circonstance ». Sans surprise, après plusieurs plaintes, la publicité est retirée puisque n’étant pas un message sociétal, l’allusion à un drame pour vendre ou commercialiser un produit ou service est injustifiée. Loin de lui l’idée d’avoir voulu banaliser la violence conjugale ou s’en moquer, l’annonceur jure qu’il espérait la dénoncer. Selon sa perception, son message était donc acceptable. Selon celle de plusieurs autres, il manquait cruellement de tact. Et, c’est ici que ça se corse, puisque ce qui est choquant pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. Cela est vrai tant du côté du public que des créatifs. Or, un créatif et son équipe peuvent concevoir une publicité qu’ils jugent acceptable (ou hilarante !) qui, au bout du compte, sera mal reçue par le public. « Certains créatifs affirment qu’avoir des balises protège les consommateurs et crée un terrain égal pour tous les créatifs. Un annonceur ne peut pas se permettre de faire de la publicité trompeuse ou déplacée et quand ça se produit, c’est l’industrie de la publicité au complet qui en paie le prix », relate Madame Lefrançois. Pour en revenir au mauvais goût, il faut dire qu’il y a des gens qui ont un sens de l’humour très limité et bien qu’ils se sentent choqués par un message, s’il n’est pas dégradant ou immoral, il ne va pas nécessairement à l’encontre du Code. Parfois, il peut arriver que des plaintes soient particulièrement farfelues, ce qui pousse Madame Lefrançois à dire que certaines personnes cherchent des occasions pour s’indigner. Pour nuancer, elle ajoute que la recherche active de se sentir lésé est généralisée et n’est pas forcément propre au domaine de la publicité.

Qui sont les contrevenants ?

Bien que les Normes de la publicité ne sanctionnent pas les annonceurs fautifs, il est possible de consulter le rapport des plaintes sur le site internet par souci de transparence envers le public et les autres annonceurs. Ce dernier est divisé en deux catégories : annonceurs identifiés et annonceurs non identifiés. Avant qu’une décision soit rendue par l’organisme, l’annonceur visé peut de son propre gré retirer sa publicité et ainsi figurer dans la catégorie des annonceurs non identifiés. Après tout, s’indigner c’est légitime, mais se tromper aussi !

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