Alors qu’on se questionne encore sur la viabilité de la télévision, une nouvelle
« télé » progresse sous les radars. Ou plutôt de multiples télés : les chaines YouTube de vidéastes passionnés... et passionnants. On jase de marketing d’influence avec quelques youtubeurs québécois.

slingshot

Crédit photo : Donald Robitaille 

Pour écouter le podcast :
Pointe de conversation avec Éliane Duquet.
Pointe de conversation avec Fred Bastien.
Pointe de conversation avec Gabriell Madé. 

Groupe. Après s’être fait chauffer les oreilles pendant des années sur l’importance du contenu créé par les marques, l’industrie semble maintenant n’en avoir que pour les campagnes de marketing d’influence. Particulièrement avec vous, les youtubeurs. Pourquoi ?

Fred : Je fais ce que j’aime. D’autres ont décidé de me suivre dans ma folie. C’est ça mon brand. J’essaie de donner un retour sur l’investissement du temps des gens qui regardent mes capsules en leur livrant du contenu qui les intéresse. Cette relation est précieuse, parce que vraie.

Élie : Je suis d’accord avec Fred. Je crée du contenu qui m’intéresse, je parle de produits que j’apprécie. Je le faisais avant de travailler avec le Slingshot. Je le fais encore aujourd’hui. La différence, c’est que je gagne maintenant ma vie en faisant ce que j’aime.

C’est quoi le Slingshot ?

Gabrielle :  Nous sommes une agence de représentation de youtubeurs québécois. Cette année, nous célébrons notre troisième année. Nous représentons présentement une trentaine de créateurs de contenu.

D’où vous est venue l’idée de créer cette boite ?

Gabrielle : J’étais analyste au Fonds des médias du Canada. J’étais donc aux premières loges pour assister à la popularité croissance des youtubeurs. Or, contrairement à ce qui se passait dans le monde, ici il n’y avait personne qui s’occupait des créateurs. Quand Attraction Média m’a approché, j’ai sauté pieds joints dans l’aventure.

Qu’est-ce que ça apporte à un youtubeur, le Slingshot ?

Élie : Lorsque j’ai eu 5 000 abonnés, j’ai commencé à recevoir des offres de partenariat de plusieurs compagnies. Quand tu es seule, difficile de savoir combien ça vaut. Je ne savais même pas qu’on pouvait faire de l’argent avec ça ! (RIRES)

Gabrielle : Il faut comprendre qu’à la base, les youtubeurs sont seuls. Ils se sont créés eux-mêmes, ils ont appris sur le tas. Or, faire des capsules vidéo sur une base régulière, c’est très demandant. Entre 10-15 heures par vidéo, parfois 30 pour des projets plus complexes. Ils n’ont pas le temps d’ajouter à tout ça la paperasse et les négociations.

Fred : Ni le goût de... (RIRES)

eliane

Éliane Duquet, Youtubeuse

fred

Fred Bastien, Youtubeur

gabrielle

Gabrielle Madé, Directrice | Studio Le Slingshot

Comment avez-vous débuté vote carrière de youtubeurs ?

Élie : J’étudiais en droit, un domaine qui ne m’intéressait absolument pas.

Je trouvais que je manquais de hobbies. Comme je passais déjà beaucoup de temps à visionner les chaines de youtubeuses américaines, j’ai décidé de récupérer ce temps pour moi en produisant mes propres vidéos. Une fin de semaine, j’ai emprunté la caméra de mon père et j’ai commencé à filmer, toute seule dans ma chambre ! Je suis maintenant rendu à plus de 62  000 abonnés sur ma chaine.

Fred : Moi, je travaillais chez Musique Plus. Une journée, on m’a mis une caméra dans les mains et on m’a demandé de produire des reportages. J’ai appris sur le tas, à la dure. Mes patrons ne se gênaient pas pour me dire que mes clips ne valaient pas de la m... ! (RIRES) Éventuellement, j’ai lancé ma propre chaine sur YouTube. On en est maintenant à 36 000 fans.

Le fait de transiger avec des marques a-t-il changé votre façon de travailler ?

Élie et Fred, ensemble : Non !

OK, c’est clair, merci ;) (RIRES) Vous arrive-t-il d’appuyer des marques que vous n’aimez pas maintenant que vous êtes rémunérés ?

Élie : Jamais. Et c’était d’ailleurs une condition sine qua non lorsque j’ai signé avec Le Slingshot. J’exige que l’on m’envoie le produit en amont. Je l’essaie et si je ne l'aime pas, je refuse le contrat.

Fred : J’ai toujours cru au long terme plutôt que de ne penser qu’aux chiffres. Mon objectif est de faire quelque chose qui me ressemble. Ce qui m’allume, c’est de faire du contenu à la fois éducatif et ludique.

Ton clip sur le French Kiss est en effet très éducatif. Ma douce trouve que j’embrasse beaucoup mieux depuis que je l'ai visionné ! (RIRES)

Gabrielle : L’authenticité et la transparence sont cruciales dans notre domaine. Le Slingshot a d’ailleurs collaboré à l’élaboration des Lignes directrices sur la divulgation des Normes de la publicité canadienne. Tous nos créateurs sont tenus d’afficher clairement leurs associations commerciales lorsque c’est le cas.

Quelle est la différence entre travailler avec des créateurs de contenu et des réalisateurs, des comédiens ou des publicitaires ?

Gabrielle : Contrairement à des réalisateurs, ils n’attendent pas d’être sollicités pour un pitch. Contrairement à des comédiens, ils n’attendent pas d’être appelés en casting. Et contrairement à des publicitaires, ils parlent en leur propre nom. Contrat pas contrat, ils produisent.

Qui sont vos clients ?

Gabrielle : Ce sont principalement les annonceurs et les agences de relations publiques. Parfois, on voit aussi des agences de publicité se pointer le bout du nez, mais c’est plus rare. L’industrie est encore jeune. Chaque semaine, il y a au moins un annonceur qui nous contacte en nous avouant que c’est leur première campagne.

Après trois ans, trouvez-vous qu'ils comprennent mieux la game dans laquelle ils embarquent ?

Fred :  L’industrie a pris une certaine maturité. Il y a maintenant des jeunes dans les boites de marketing et de PR qui nous écoutent. Quand on est rendu à se faire approcher par une marque, c’est sûr qu’ils s’attendent à faire ce que l'on fait déjà puisque c’est la raison pour laquelle ils viennent vers nous.

La distance entre vous et votre chaine (votre brand) est d’un micromillimètre. Comment fait-on pour rester soi-même et ne pas devenir un vil « influenceur »

Fred  : Je hais ce terme.

Élie : L’influence, c’est la résultante, la conséquence. Moi, je crée du contenu qui m’intéresse. On se crée une véritable relation avec nos abonnés. C’est comme de l’amitié. Je ne trahirais pas ça pour tout l’or du monde.

Papa doit être content de s’être fait emprunter sa caméra finalement.

Élie : Oui, mes parents sont ben fiers ! Rare qu’il se passe plus de 24 heures après une mise en ligne pour qu’ils l’aient visionnée et qu'ils me textent ! (RIRES)