En 2017, Procter & Gamble a diminué de 200 millions ses dépenses en publicité numérique, affirmant que l’industrie devait, entre autres, être plus transparente et sécuritaire pour les marques. A priori, on aurait tendance à accueillir cette mesure avec pessimisme. Mais si c’était une bonne nouvelle ? Benoit Skinazi, cofondateur et vice-président ventes chez District M, aborde avec optimisme la décision du géant américain.  

Remise en question collective

C’est dans l’optique de dépenser plus intelligemment que Procter & Gamble a pris la décision de couper dans le budget annuel qu’elle injectait dans les médias numériques. Certes, la publicité numérique est efficace, mais quand on sait que la multinationale a réussi à élargir sa portée en réinvestissant ses économies dans des médias plus traditionnels, cela force non seulement l’industrie, mais aussi les annonceurs à remettre en question la qualité des achats médias et les résultats des stratégies déployées. « Bien sûr, quand un géant comme P&G prend une telle décision de diminuer ses budgets numériques, l’impact est grand et cela incite les différents acteurs de l’industrie à faire avancer les choses plus rapidement », affirme Monsieur Skinazi.

Au cours des sept dernières années, le domaine du marketing technologique est passé de 150 à plus de 5000 entreprises en Amérique du Nord. Or, une telle croissance impose au  secteur des médias numériques de procéder à des réalignements régulièrement et à mettre en place de nouvelles normes : « Un travail énorme est fait pour s’assurer d’instaurer des mesures visant à optimiser la qualité de la publicité numérique autant du côté des annonceurs que des éditeurs et elles sont généralement rapidement adoptées. Pensons, par exemple, aux outils développés par IAB comme l’extension ads.txt (Authorized Digital Sellers), aux normes mises en place par Coalition for Better Ads (betterads.org), etc., explique Monsieur Skinazi. Ces outils répondent à différents objectifs, comme l’éradication de la fraude, un meilleur respect de l’expérience utilisateur, plus de transparence. Il y a encore du chemin à parcourir mais l’écosystème évolue rapidement », ajoute-t-il.

Benoit Skinazi

Benoit Skinazi

Se poser les bonnes questions

P&G mentionne le manque de transparence comme la raison majeure l’ayant poussée à diminuer le budget alloué à la publicité numérique. Il existe deux notions de transparence :

Transparence de l’inventaire (« brand safety » et fraude) : pendant le défi viral de la capsule Tide, des publicités pour la marque se sont retrouvées sur des vidéos montrant des jeunes en train de croquer des capsules de lessive pour en faire sortir le liquide. Bien que YouTube soit une plateforme mondialement connue et fortement prisée des annonceurs, les marques courraient le risque de voir leur contenu publicitaire placé à côté de contenus non sécuritaires pour leur image. Procter & Gamble soulève donc des doutes en lien avec la notion de transparence par rapport à la qualité de l’inventaire pour la sécurité de la marque : où sont diffusées les campagnes ? Sont-elles en relation avec du contenu sécuritaire pour la marque ? La notion de fraude est aussi un gros problème pour les annonceurs : mes campagnes sont-elles livrées sur de vrais sites et sont-elles réellement vues par ma cible ?

Transparence des coûts médias :  Un large éventail d’acteurs différents interviennent dans la livraison d’une campagne publicitaire en programmatique : « De l’annonceur jusqu’à l’éditeur, il y a plusieurs intervenants. Donc, entre le montant investi en média par l’annonceur, et ce qui est réellement perçu par l’éditeur (le diffuseur), l’écart peut être grand. Mais le souci réside surtout dans le fait qu’il est complexe de savoir précisément qui prend quel pourcentage de commission, créant un manque de transparence qui commence à faire grincer des dents, à raison. L’avenir s’éclaircit cependant par rapport à la question du manque de transparence. On voit certaines solutions de mesure faire leur apparition, qui devraient permettre de réduire, voire d’éliminer toute forme d’opacité. C’est un des sujets qui, selon moi, sera ultra présent en 2018», explique Monsieur Skinazi.

Les répercussions sur le marché québécois

« Lorsqu’une multinationale comme P&G décide de réduire ses dépenses en médias numériques, pour les raisons évoquées, cela pousse les principaux acteurs de l’industrie à s’adapter rapidement et à faire progresser le secteur et les technologies en place. L’impact se fait donc ressentir au Québec comme ailleurs, car le marché peut bénéficier des effets positifs de ces avancées technologiques. », indique Monsieur Skinazi.

La stratégie de P&G a porté ses fruits et les raisons évoquées étaient très bonnes, mais considérant les normes qui commencent à apparaître - et plusieurs experts s’entendent pour dire que dans un avenir proche (2020), 100% de la publicité numérique sera probablement livrée en programmatique - on ne peut tourner le dos au numérique.

PG