En février dernier, Google créait une commotion auprès de la junte publicitaire en incorporant à même son fureteur Chrome un ad-blocker. Pardon  ? Le plus grand vendeur de pub au monde qui bloque volontairement les pubs ? Page et Brin seraient-ils tombés sur la tête ?

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Depuis les débuts d’internet, les éditeurs de contenu rivalisent d’ingéniosité à créer de nouveaux formats publicitaires, tout aussi envahissants les uns que les autres. Résultat, ils se réveillent aujourd’hui avec un méchant mal de block !

Pop-up, preroll, catfish, rien de trop beau pour tester notre patience. Prenez les out-stream, — que j’appelle les vidéos-jambon ; vous savez, ces pubs qui viennent s’insérer impertinemment en plein milieu du court vidéo que l’on regarde ? Qui est le jambon dans tout ça ? La pub, l’annonceur, l’éditeur ? Pas du tout ! Le jambon, c’est vous et moi, pris en sandwich entre ces 2 346 pubs intrusives.

Quand le jambon dit non

La montée fulgurante des ad-blockers s’explique par l’exaspération du consommateur. Pages encombrées, diminution de la performance des appareils, utilisation forcée de la bande passante, mauvais reciblage (vous savez, cette robe laide que vous avez vu sur le site d’un manufacturier voilà trois semaines et qui vous suit partout depuis sur le ouèbe ?), la liste de frustrations est longue.

Et il ne faut pas pointer uniquement du doigt les éditeurs. Nous, les publicitaires et les annonceurs, sommes également responsables du piètre état des lieux. Une mauvaise connaissance des outils de programmatique, une planification défaillante et hop ! un autre ad-blocker de téléchargé.

Comme le précise Émilie Bertrand, analyste chez Glassroom : «  Le gestionnaire de campagne est responsable de la pertinence de ses campagnes. Par exemple, sur Facebook, je n’accepte jamais que mes pubs passent en jambon, comme tu dis ». (RIRES)

Émilie Bertrand

Émilie Bertrand, Analyste solutions de performance | Glassroom

En 2016, IAB estimait que 26 % des internautes avaient installé un ad-blocker sur leurs ordinateurs, 15 % sur leurs téléphones intelligents. Une perte de revenus estimée à 42 milliards de dollars. Imaginez le montant aujourd’hui alors que eMarketer évalue la proportion des ad-blockers à 30,1 %.

Et là où le mal de block risque de se transformer en une sérieuse migraine, c’est lorsque l’on regarde les chiffres du côté des millénaires. 44 % des hommes québécois francophones âgés de 18 à 24 ans utilisent un ad-blocker . Si les millénaires rejettent la pub d’emblée, ça va aller mal à la shop tantôt !

Avec 25 % des dépenses publicitaires mondiales qui vont vers Facebook et Google, pas étonnant que cette dernière se réveille. Avec comme solution, un ad-blocker !

Un ad-blocker contre les ad-blockers ?

Freiner la croissance d’utilisation des ad-blockers en offrant aux 60 % d’internautes qui utilisent Chrome un ad-blocker intégré à même leur fureteur préféré peut paraitre a priori fort contre-intuitif.

Sauf lorsque cet ad-blocker n’agit pas comme les autres. Car plutôt que de bloquer toutes les pubs, il ne bloque que celles ne répondant pas aux critères de la Coalition for Better Ads, une entité créée, entre autres, par Google (tiens donc...).

Donc si votre site génère des pop-up, vous êtes dans le trouble. Idem pour les vidéos audio qui démarrent automatiquement ou pour les préstitiels avec compte à rebours, ces pubs que l’on nous impose avant d'accéder au clip que l’on voulait visionner. « C’est d’ailleurs pourquoi Google a annoncé qu’il retirait les formats 30 secondes imposés  », ajoute Émilie.

Selon Google, les contrevenants aux nouveaux standards représenteraient seulement 1 % des 100  000 sites plus populaires en Amérique du Nord et en Europe. Et déjà 42 % de ceux-ci auraient déjà corrigé le tir afin de répondre aux critères de CBA.

Boulot accompli ?

«  L’arrivée de Google dans cette problématique est de bon augure. Cela permettra aux sites qui gèrent leur inventaire publicitaire de manière responsable de ne plus être pénalisés en même temps que les vilains, comme c’est le cas pour les autres ad-blockers , mentionne Émilie.  Là où ça m’inquiète un peu plus, c’est du côté du mobile. Particulièrement des publicités in-apps. Comme c’est encore un peu le far west de ce côté, ça risque d’augmenter l’utilisation d'ad-blockers sur mobile".

Et comme les plus grands utilisateurs d’apps sont encore une fois les millénaires, on leur apprend là aussi à détester la pub. Au point où ils commencent même à utiliser les ad-blockers pour contourner les sites payants. « C’est inquiétant, ça aussi. Deux millions de personnes qui utilisent des ad-blockers pour écouter de la musique sans pub sur Spotify, évitant ainsi le tarif mensuel de 10 $, on se rapproche de la piraterie  », constate Émilie Bertrand.

Visuel ou audio, un jambon demeurerait-il un jambon ?

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