La course aux Créa, Cassies, Strat et autres prix Numix (sans oublier les Greniers d’or !) voit chaque année ses lauréats accoucher d’un joli lot de fiers posts Instagram, de notifications Facebook et, surtout, de nouvelles entrées sur leur c.v. LinkedIn. Une bien jolie façon de célébrer le travail des artisans s’étant illustrés dans l’accomplissement de leurs fonctions – et qui auront par la suite tout le loisir de monétiser leurs honneurs auprès de clients ou d’employeurs potentiels. Mais qu’en est-il réellement de l’importance de remporter un prix dans le milieu des communications ? Les retombées sont-elles bien réelles ou fantasmées ? « On refuse rarement de recevoir une tape dans le dos, affirme Élyse Boulet, directrice générale chez Pigeon Brands. Une reconnaissance du travail est toujours la bienvenue. Mais de là à dire que ça change vraiment la donne pour une entreprise, il y a beaucoup de nuances à apporter. »

Élyse Boulet

Élyse Boulet

Stéphanie Kennan

Stéphanie Kennan

INVESTISSEMENT DE TEMPS

La question demeure : le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Les avis à ce sujet sont partagés. « Personnellement, je m’amuse à dire que chaque fois que j’ai remporté un prix, c’est parce qu’on m’avait persécutée pour que j’y participe !, rigole Stéphanie Kennan, présidente de Bang Marketing. Vous comprendrez que je fais partie de celles qui ne s’enthousiasment pas à l’idée de remporter des trophées. Ceux qui me connaissent le savent : ça ne correspond ni à mes valeurs personnelles, ni de mes valeurs entrepreneuriales. Et la raison est simple : pour être admissible, il faut d’abord s’inscrire, et une inscription prend généralement un temps fou à compléter. Les 40 heures que mon équipe et moi mettons pour remplir une candidature, ce sont des heures que je ne passe pas à travailler pour mes clients. »

ET LE CLIENT, LUI ?

Mais les clients n’apprécient-ils pas en contrepartie être desservis par une entreprise ostensiblement plébiscitée par l’industrie ? « M’est d’avis que ça peut effectivement être un bel incitatif, poursuit Élyse Boulet. Mais d’évaluer une entreprise à ses récompenses peut s’avérer pernicieux. La crédibilité d’un prix dépend de beaucoup de choses : quels étaient les critères d’évaluation du prix ? Qui siégeait sur le jury ? Qui sont les autres lauréats de ce prix ? Ces informations sont primordiales. Autrement, je me dis que la meilleure façon de juger une agence restera toujours d’évaluer la satisfaction de ses clients. Beaucoup de prix récompensent l’inventivité d’une campagne sans juger si elle a atteint les objectifs de la clientèle. Je connais des gens qui n’ont jamais rien gagné de leur vie, mais qui font du travail exemplaire. Il faut toujours retenir que certains prix récompensent l’inspiration d’une campagne et d’autres le bon travail d’une agence. »

PAS QUE LES PRIX

Son de cloche similaire chez Stéphanie Kennan : « Pour qu’un trophée vaille son pesant d’or, il faut que ce soit dans une optique marketing. Il faut que ça rejoigne ta clientèle. Mes clients à moi sont généralement propriétaires d’une moyenne entreprise : ils ne se laissent donc pas impressionner par les prix que j’ai pu ou non remporter. Ils veulent d’abord que mon travail leur rapporte des dividendes. Autrement, ils sont beaucoup plus sensibles au fait que je puisse signer des textes dans le journal Les Affaires. Ça les rejoint davantage. M’est d’avis que si le temps investi dans une participation n’est pas fait dans une optique de marketing bien ciblé pour ton agence, ça devient quelque peu narcissique, et je ne crois pas que ce soit optimal. »

ET L’EMPLOYÉ, LUI ?

Et lorsque vient le temps d’embaucher ? « À compétences et à qualités humaines égales (une situation théorique, on en convient !), il est possible que les récompenses viennent influencer mon choix, confie Élyse Boulet. Les prix sur un c.v. apportent ce vernis qui vient lustrer les autres accomplissements. Cela dit, il ne faut pas se laisser aveugler par cela non plus. Ce serait une erreur que de s’attendre d’un candidat auréolé de succès qu’il répète systématiquement ses exploits. » Vision différente chez Stéphanie Kennan : « La devise chez Bang Marketing, c’est 100% sans Diva. Disons que je vois d’un mauvais œil un candidat qui mise trop sur ses récompenses pour décrocher un poste. Pour moi, un prix, ça passe par un succès de groupe. Ce n’est jamais la responsabilité d’une seule personne. Même les récompenses individuelles, à mon avis, sont tributaires d’un bon travail d’équipe. Il ne faut jamais l’oublier. »

Grenier d'or

Crédit photo : Michel de Silva