Crédit photo : Donald Robitaille

De son propre aveu, il est le plus cartésien des hommes. Toutefois, à l’aube de ses dix-huit années dans le joyeux monde de la pub, il revendique haut et fort un retour à la déraison publicitaire. Raisonnable entretien avec Hughes Chandonnet !

Hughes, sept ans après t’être lancé à ton propre compte avec Hubrid, tu décides de changer le nom de ton entreprise pour Déraison. Pour quelle raison ?

Hughes : Parce que je trouve qu’en 2017, la raison a la vie dure. Trump a transformé la diplomatie en ultimatums de 140 caractères. Pendant qu’on est tous d’accord qu’il y a un réchauffement climatique, on achète plus de VUS que de voitures. Et bientôt, il sera légal d’être gelé comme une balle. Pas facile de lancer un produit ou même d’encourager un comportement responsable à travers tout ce cirque ! La raison a définitivement besoin de renfort.

Es-tu en train de me dire que tu veux devenir plus raisonnable ?

Hughes : Haha, non ! J’ai moins de cheveux en effet, mais plus de perspective ! C’est la pub qui doit (re)devenir moins raisonnable. À l’ère des messages à 140 caractères, aux « pubs » AdWords à deux lignes de 35 caractères, les marques en prennent pour leur rhume. L’émotion a pris le bord; il est temps de la ramener dans le mix. Quand on y pense, ironiquement, l’émotion est le plus rationnel des arguments.

Pourquoi donc ?

Hughes : Le neuromarketing nous apprend que 80 % à 90 % des décisions d’achats sont attribuables à des déclencheurs émotifs. Ce qui veut dire que — plus que jamais — il faut faire appel à l’émotion avant de présenter l’argumentaire de vente. Très mauvaise analogie, mais en dating, ça te prend d’abord une bonne pickup line avant de présenter tes projets de famille ! (RIRES)

Le créatif Martin Beauvais disait à Marie-Claude Lortie de La Presse que « la séduction a laissé place à un autre art, infiniment plus technique et ma- thématique : celui des comprendre les données ». Cette perte de créativité — ou d’émotions — est-elle due selon toi aussi à l’avènement de la technologie ?

Hughes : La pub évolue par cycle. À chaque nouveauté, apparait un nouveau dogme publicitaire. Par exemple, il y a eu l’époque où les sites Web se devaient d’être aussi animés que La Ronde. Puis celle des médias sociaux où ta marque de jus d’orange devait te souhaiter une bonne journée chaque matin. On se laisse distraire par la technologie; pendant ce temps, on oublie la base de notre métier : avoir des idées.

Ou s’amuser à développer des petits projets amusants on the side. C’est important pour toi les #mardiDD, les Engagés, le Bureau de plogue ?

Hughes : Ce sont mes jouets ! Chaque année, j’aime développer un projet dans lequel je ne serai pas nécessairement impliqué longtemps. Mais qui me permet de développer une expertise dans une nouvelle sphère. Regarde #mardiDD (mardi développement durable). Ce projet tout simple a permis à plus de 750 entreprises de présenter leurs initiatives écoresponsables pendant 5 ans sur Twitter. Ces temps-ci, c’est Les dérangeants qui m’occupe, un podcast dédié à la promotion de l’entrepreneuriat.

A priori, t’investir dans ces activités peut sembler déraisonnable, mais c’est effectivement une belle façon de te faire connaitre. Beaucoup plus social-friendly comme bizdev que les gros lunchs bien arrosés ou les bouteilles de scotch.

Hughes : Je ne joue pas au golf, il fallait que je trouve autre chose ! (RIRES)

OK, redevenons raisonnables un moment. Un nouveau nom, c’est chouette, mais concrètement, qu’est-ce que ça va changer dans ton offre ?

Hughes : C’est surtout une mise à jour. Quand j’ai lancé Hubrid, j’offrais des services de rédaction dans les médias traditionnels et les médias interactifs. Point. Mais progressivement, j’ai été appelé à œuvrer en amont. À me mêler de positionnement, de stratégie. À travailler de plus en plus souvent avec des clients directs (même si je travaille encore avec des agences !). Déraison vient donc articuler une réflexion sur la communication plutôt qu’un simple bénéfice fonctionnel (ie. j’écris pour tel média).

Ton titre actuel est directeur de la création et de la stratégie sociale. Ça sera quoi quand tu deviendras déraisonnable ?

Hughes : Les titres, je m’en méfie toujours. Être vice-président de mon sous-sol, ça ne veut rien dire. Disons que je signe présentement stratégie+création, mais je pensais à Ami des marques !

Et tu changes de nom quand ?

Hughes : À la parution de cet article !

Dans quelques lignes, on verra donc l’émotion au premier plan dans tout ce qui sortira de
Déraison ?

Hughes : Y faut ! S’agit surtout de remettre de l’avant les 3 clés d’une bonne pub : simplicité, surprise, sourire.

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Cet article a été publié dans le Grenier magazine, volume 02, numéro 45.