Beaucoup de discussions sur la faillite et la prochaine disparition de la marque Sears. Comment se fait-il qu’une marque bien établie dans le pays qui a figuré dans les sondages de marques appréciées puisse mourir de sa belle mort ?

J’ai lu et entendu : « La marque n’a pas su s’adapter à la nouvelle clientèle » « Elle n’avait pas de positionnement clair » « Elle n’a pas innovée, comme elle l’a su le faire dans le temps avec son catalogue ».

C’est bien sûr toutes ces réponses, mais, à mon humble avis, c’est plus encore.

Je crois que Sears n’a pas su garder et gérer l’équilibre entre les 6 aspects qu’elle aurait dû maintenir afin de rencontrer et rejoindre les attentes et l’évolution des besoins et des motivations des consommateurs.

Elle n’a pas compris l’importance de garder le cap sur sa vision et de son « pourquoi et pour qui elle existe ». Ce n’est pas un, deux ou trois aspects qui vont faire mourir Sears, mais bien 6 facteurs qui font en sorte que la marque se retrouve aujourd’hui sur le peloton d’exécution.

1) Les produits et le service : En tant que bon détaillant, la marque doit offrir un bon produit qu’on ne retrouve pas ailleurs ; le tout accompagné d’un service unique et impeccable. Sears n’a pas su s’adapter en lançant des lignes de vêtements ou de produits qui répondent aux besoins des consommateurs d’aujourd’hui. Point Zéro ou Kenmore sont des marques figées dans le temps.

Au niveau service : Vous vous êtes promenés dernièrement dans les allées de Sears ? Les conseillers et conseillères en vente se font plutôt rares et on dirait qu’ils ou qu’elles préfèrent rester aux caisses pour gérer les files d’attente qui s’accumulent. J’ai acheté un matelas dernièrement (oui bon pourquoi là, je me le demande encore) et j’ai dû attendre un bon 15 minutes avec la caissière qui s’est battue avec sa grosse caisse qui ressemblait à un vieil ordinateur avec le système DOS des années 80. La pauvre a dû entrer la même information 4 fois dans son système tout simplement afin de prendre en note mon changement d’adresse qui avait déjà été donnée il y a 2 ans.

2) La performance : La marque doit s’assurer de rayonner et de performer constamment dans son milieu ; un détaillant comme Sears doit rendre des comptes à ses actionnaires et à ses clients. Quand une marque ne performe pas et qu’elle n’investit pas dans la recherche et le développement à un moment donné son retard finit par la rattraper. Les efforts à Toronto de Sears avec le lancement de la sous-marque #We’ve changed sont arrivés trop peu trop tard.

3) L’innovation et la créativité ; la marque doit s’assurer d’innover et faire preuve de créativité pour rejoindre de nouveaux publics. Malheureusement pour Sears, la marque a très peu innové dans les années 1990, 2000 et 2010. Il n’y a pas eu de virage et peu d’efforts soutenus sur l’innovation et la créativité durant ces années.

4) Sa réputation d’employeur et de bon citoyen corporatif. J’ai été me promener sur des sites comme Glassdoor et Indeed pour lire les commentaires des employés anciens et actuels sur la gestion des ressources humaines. Avec des notes qui varient entre 1 et 2,6 sur 5, la marque n’a pas pris soin de ses principaux ambassadeurs — les conditions de travail, le salaire et le manque de communication sont les principaux aspects que reprochent les employés à Sears.

Ahhh... et vous vous souvenez d’une cause que Sears a endossée et communiquée ? On a de la difficulté à percevoir Sears comme une marque engagée, empathique et tournée vers sa communauté.

5) Le leadership. Une marque doit être perçue comme un leader dans son domaine — ce qui n’a pas été le cas pour Sears qui s’est fait damer le pion par des détaillants comme Wal-Mart, Winners ou Marshall’s dans les dernières années.

Oui, la marque a récemment fait des efforts pour revoir son image avec un nouveau site transactionnel, un nouveau magasin « flagship » à Toronto et de nouvelles sous-marques pour attirer la clientèle plus jeune — mais il n’y a pas eu de parti pris clair sur LA clientèle à rejoindre pour redresser la situation.

Pour beaucoup de consommateurs, Sears c’est encore le magasin des têtes grises… pas celui des GenX et encore moins celui des plus jeunes. Pourquoi, croyez-vous que la « sous-marque de Sears » #We’ve changed a pris un soin précieux de cacher sa marque mère sur la façade de son magasin ? Finalement, Sears a très peu communiqué son opinion, son image et son « pourquoi j’existe » à l’externe. Vous vous rappelez d’une campagne publicitaire percutante de Sears qui a démontré un sens de l’engagement, ses valeurs et sa nouvelle saveur ? Sincèrement j’ai tenté de chercher, mais je n’ai pas trouvé.

Dommage pour Sears. Ce détaillant qui détient 95 magasins et emploie plus de 16 000 travailleurs, dont 3000 au Québec. Sears Canada a déclaré une perte nette de 144 M$ sur des revenus de 505,5 M$ (-15 %). L’entreprise dit être à la recherche de 175 M$ pour redresser la situation.

Est-ce qu’une solution 100 % en ligne pourrait être envisagée ? Peut-être. Dans tous les cas, un sérieux coup de barre autant à l’interne qu’à l’externe devrait être envisagé dans un plan orchestré. Le genre de défis stimulants pour tout « marketers » de ce monde, mais qui, selon moi, arrive trop tard. Le temps est un facteur qu’on oublie facilement dans ce genre d’équation et la marque a laissé filer le temps et aujourd’hui ce dernier est en train de le rattraper.