Il n’est pas comédien, même s’il est drôle comme un singe. Il n’est pas imitateur, même s’il peut recréer n’importe quel son sur scène. Il n’est pas scripteur, même si ses bricolages sonores font souvent office de punch line. On jase humour et bruitage avec l’ineffable Alain Collin, concepteur sonore et bruiteur pour l’émission de radio humoristique À la semaine prochaine sur les ondes de ICI Radio-Canada.

Alain Collin, Concepteur sonore et bruiteur, 
À la semaine prochaine, 
ICI Radio-Canada Première

Alain, ce que je trouve particulièrement fascinant dans l’émission, c’est le rôle très présent qu’y joue le son. Tes bruitages ne viennent pas seulement habiller les sketchs, mais souvent, ils en font intrinsèquement partie. Juste d’entendre le « dring-dring » du bixi du maire Tremblay (1:15) ou le « couic couic » des roues du fauteuil roulant de Lise Thibault (3:48), on en sourit d’anticipation. De l’humour pavlovien ?

Alain : Oui, c’est vrai ! Lorsque l’on travaille un personnage, éventuellement une caractéristique va ressortir. Parfois, c’est une expression qui va coller, comme le « Hello you there » de Pauline Marois (4:34), parfois, c’est un effet sonore qui va rester. Comme le frottement de ballounes d’Anne-Marie Losique (33:27) — simulant des seins refaits qui se frottent — ou la calèche de Michaëlle Jean (29:24). Dans tous les cas, c’est toujours un travail d’équipe.

Et en ce sens, vous en avez toute une équipe !

Alain : Je comprends ! Michèle Deslauriers est tout simplement incroyable. Pierre Verville et Dominic Paquet le sont également ainsi que Nadine Turbide, les scripteurs : c’est malade le talent qu’il y a dans cette équipe-là ! En fait, tu sais, c’est comme une sauce : le timing, le texte, les caricatures, les comédiens, le rythme, la foule. Et que dire de Philippe Laguë ? Quel chef d’orchestre incroyable ! J’ai travaillé avec beaucoup de monde dans ma vie, mais lui, c’est un cas à part. Philippe, c’est un génie.

Alain Collin et Philippe Laguë

Concevoir des capsules studio dans la quiétude d’un studio dans la cave de Radio-Canada pour Macadam tribus, c’est une chose. Performer devant des spectateurs, ça doit être une autre paire de manches ?

Alain : Totalement ! Hey, les trois premières années, j’peux-tu te dire que c’était quelque chose ! Aujourd’hui, il y a encore passablement de bruitage, mais à l’époque, il y en avait tellement plus. C’était hallucinant ! Un défi à chaque semaine. La beauté de la radio, c’est que l’on peut traverser des frontières non permises en vidéo. Tu veux envoyer quelqu’un dans l’espace ? Je te fais ça en 20 minutes ! ;)

Ou donner des bines à distance !

Alain : Ah ah ah, ben oui ! Le maire Labeaume qui donne des bines à Philippe... au téléphone ! C’est tellement niaiseux, mais en radio, ça passe parfaitement.

Comment devient-on bruiteur en direct ?

Alain : Honnêtement, je n’en sais rien; c’est tellement unique ce que je fais. Moi, j’ai une formation musicale, je connais la radio, j’aime l’humour. Et surtout, je suis très habile de mes mains. Ayant dû composer avec l’absence de mon père très jeune, c’est moi qui devais tout réparer à la maison. Je suis donc ébéniste, plombier, électricien, mécanicien. J’adore bricoler mes patentes à son.

Tes bidules préférés ?

Alain : J’ai créé un pédalo (6:10) pour notre pastiche d’émission On prend tous un pédalo avec Jean Ai Mis Trop Michaud (RIRES) ! Je suis allé chez Home Depot acheter leur plus grosse cuve de plastique, j’ai monté un système de pédalier avec des tubes de PVC, une plaque de plastique transparent pour protéger les micros, deux chaises et des parasols pour les comédiens. Ceux-ci peuvent jouer leur sketch en pédalant à leur guise pendant que moi, je mets des sons de lacs et de petits oiseaux en arrière.


J’ai aussi patenté un système de captation avec un micro dans un condom afin de pouvoir enregistrer (et surtout comprendre) Mathieu-Bob Côté pendant qu’il parle dans l’eau. J’ai bricolé un mécanisme de roues à la Jules Vernes pour faire marcher les talons hauts d’Anne-Marie Losique.

J’ai même créé un tableau de bord d’auto avec tout plein de micros et de senseurs sans fil qui me permettent d’enregistrer par exemple Verville imitant un chanteur en le faisant sortir par la radio du 
Taxi-Messe dans laquelle Philippe et le pape François sont montés. Les clignotants, le lave-glace, tout fonctionne sur batterie !


Et (Claude) Rajotte qui nous parle d’un groupe qui joue du rasoir électrique (21:20). Pour finir leur interprétation du Barbier de Séville (évidemment !), j’ai mixé sur les notes de rasoir Pavarotti chantant une de ses célèbres notes finales. Grandiose ! Ça prend du temps à faire, mais que j’aime ça.

Donc, si des gens étaient à la recherche d’un bruiteur de ton genre, ils seraient mieux d’aller chez Home Depot, right ? Car si ça se pouvait, ils l’auraient (RIRES) !

Alain : Bonne chance ! (RIRES)

Épisode 1 : À la semaine prochaine !



Épisode 2 : Bricoleur de son