Dans la foulée d’une série d’essais sur les besoins (intellectuels) du Québec, Marie-France Bazzo et ses acolytes ont porté, l’automne dernier, un regard curieux sur les communications de masse de notre société. Retour sur le selfie littéraire d’une alerte médiatique.

Alors que le profit des télés généralistes chute de façon constante, que le consommateur délaisse les médias traditionnels au profit des médias alternatifs et que la production de contenus est devenu l’apanage de tout un chacun, l’avenir de nos médias soulève de grandes questions. D’aucuns oseront même affirmer qu’il inquiète. C’est en grande partie le cas des quatorze acteurs et commentateurs de la scène médiatique interviewés par Marie-France Bazzo et Nathalie Collard (NDLR : les textes ont été rédigés par René-Daniel Dubois), pour l’ouvrage DE QUELS MÉDIAS LE QUÉBEC A-T-IL BESOIN ? Un livre truffé de questions simples auxquelles s’ajoutent des réponses parfois optimistes, souvent pessimistes, mais toujours d’actualité.

Thème universel, intemporel


Quelques mois après sa parution (octobre 2015), les questionnements émis par les intervenants reflètent encore bien la crise que traverse l’ensemble des médias en 2016 — et pas seulement ceux du Québec. Le message véhiculé par le florilège hétéroclite de personnalités interviewées (dont font partie les Nicolas Langelier, Richard Desjardins, Elizabeth Plank, Ricardo Larrivée et autres) s’inscrit d’ailleurs chaque jour un peu plus dans « l’air du temps », pour reprendre l’expression convenue. Bazzo l’annonce d’ailleurs d’entrée de jeu. « Le thème des médias s’imposait comme incontournable, écrit-elle. Les médias constituent une partie de qui nous sommes, de notre identité. Ils façonnent l’opinion, sculptent les contours de notre état d’esprit, nourrissent la conversation ambiante […] Il fallait en parler. »

Nathalie Collard, coéditrice de l’ouvrage « De quels médias le Québec a-t-il besoin? »

Citoyens critiques du monde de l’information


C’est d’ailleurs dans un paysage d’ultraconvergence, dans lequel une poignée de gros joueurs tels que Québécor, Gesca et Bell ont main mise sur la majorité des canaux médiatiques, que les intervenants du livre y critiquent vertement les grands décideurs en place. À preuve : si des thèmes au goût du jour tels que le financement, la convergence, le branding ainsi que celui des médias publics et sociaux sont mis de l’avant, les quelque deux cents pages de l’ouvrage ne manquent pas de reproches adressés aux médias, ce qui traduit une insatisfaction généralisée chez les artisans. Parmi les plus récurrents, notons ceux faisant état du manque de couverture internationale de nos canaux d’information, du manque de diversité, aussi, ainsi que de l’indécrottable question du manque de vision des têtes dirigeantes.

Quelques citations marquantes


Les entretiens menés par Marie-France Bazzo et Nathalie Collard comportent aussi leur lot d’idées susceptibles d’éveiller les réflexions. En voici quelques-unes :
« Le Québec manque d’audace en général, mais les médias encore plus. En 1967, on a confié les rênes à des jeunes qui ne savaient pas quoi faire, mais qui avaient du goût et qui avaient une espèce de vision. […] Il serait grand temps de le refaire. »
Philippe Lamarre, cofondateur d’Urbania

« Des entreprises qui, hier, ne faisaient aucune espèce de communication […] doivent aujourd’hui assumer une visibilité, parce que leurs clients, qui sont parfois extrêmement pointus sur un coin de la planète, s’attendent à avoir une conversation avec elles. Si elles n’assument pas la conversation, elles sont des mufles et vont se faire blaster sur un réseau social. Nous sommes donc tous forcés d’être plus ou moins médiatiques… »
Patrick Beauduin, ex-directeur général de la radio de Radio-Canada

« Quand la comète a frappé la péninsule du Yucatán, les dinosaures ont soudain trouvé que la température changeait passablement. C’est un peu ce qui arrive présentement aux médias québécois. Ils ne sont pas encore morts mais, vous savez, il y avait des gens qui faisaient le party, sur le Titanic, une heure avant qu’il coule. »
Claude Thibodeau, analyste et consultant en médias

Le mot de la fin revient à l’incontournable roi du FM…
« Dans un monde idéal, je vous dirais : ce qu’il faudrait, ce serait que les gens aient à la fois le choix de ce qu’ils font et les moyens de le faire — ce qui, malheureusement, n’est pas toujours le cas. Ce n’est pas d’un média en particulier que le Québec a besoin, mais d’un peu d’air, d’un peu de qualité, et d’un peu de liberté. »
Paul Arcand

De quels médias le Québec a-t-il besoin ?
Marie-France Bazzo, Nathalie Collard, René-Daniel Dubois
Avec la participation de Patrick Beauduin, Florian Sauvageau, Richard Desjardins, Gabriel Brassard-Lecours, Nicolas Langelier, Myriam Ségal, Claude Thibodeau, Philippe Lamarre, Pierre Trudel, Elizabeth Plank, Brigitte Coutu, Ricardo Larrivée et Paul Arcand.
LEMEAC
ISBN: 9782760912250


Article paru dans le Grenier magazine du 21 mars. Pour vous abonner, cliquez ici.