Je le connaissais de nom. Lié à Cossette et à Radio-Canada, surtout. Au profil LinkedIn impressionnant. À l’occasion du lancement de son premier livre, Le long parcours d’une grande gueule, Patrick Beauduin s’est entretenu avec Grenier aux nouvelles. Pas facile d’obtenir un petit moment pour discuter. Cinq heures de différence (la France n’a pas encore avancé l’heure), un message LinkedIn tombé dans le néant et puis, finalement, en contrevenant à ma règle « de-ne-pas-contacter-les-gens-sur-Facebook-car-ce-n’est-pas-professionnel », ça a porté fruit. On se fixe un rendez-vous téléphonique. Je l’appelle. Il est sur la route. Je l’imagine filer, bien peinard, sur un chemin champêtre. Il me dit qu’il en a encore pour une heure avant d’arriver à destination. Ça nous laisse donc le temps de parler.

Vous dites que vous avez été approché par Rémi Tremblay (La Maison des Leaders) ainsi que par son éditeur afin d’écrire votre premier livre. Quelles étaient les circonstances ?

Patrick Beauduin : Tout d’abord, il y a eu la naissance de La Maison des Leaders, il y a 11 ans. C’est un regroupement d’entrepreneurs, aux dimensions spirituelles, qui accompagnent les leaders à travers des ateliers. Ça m’a amené à totalement changer ma façon de diriger, surtout en fin de carrière chez Cossette, et Rémi a été témoin de ce changement. C’était donc tout naturel que je l’écrive.

En quoi est-ce que ce livre est un « coming out » de carrière de « boss » ?

P.B. : C’était un processus intime, très personnel. Je n’en ai jamais parlé à mon entourage ni aux gens avec qui je travaillais. Par contre, les gens qui me connaissaient ont vu cette évolution de près. Le livre révèle un peu tout ça; le pourquoi.

Quelles ont été vos inspirations pour rédiger ce premier bouquin ?

P.B. : Ma vie, quoi ! Je suis Belge d’origine et j’ai la citoyenneté canadienne. J’ai eu une éducation classique. Dans ce livre, j’explique que l’éducation fabrique un leader. En France et en Belgique, il y a cette notion où le chef a peu d’écoute et a une conscience très élevée de sa propre personne. C’est le patron typique à l’européenne, voire à l’ancienne. Ce livre raconte comment on construit un leader. C’est un travail qu’on fait sur soi-même.

Quels ont été les plus grands obstacles auxquels vous deviez vous heurter lors du processus d’écriture ?

P.B. : Aucun.

Aucun ?!

P.B. : Aucun. J’ai eu la chance d’avoir un éditeur qui m’a énormément aidé. Je lui avais envoyé mes 3 premiers chapitres, il les a lus en une fin de semaine. Il a plutôt aimé, et les 8 autres chapitres ont suivi dans la foulée !

Combien de temps avez-vous travaillé sur ce projet ?

P.B. : Ce livre, je le portais en moi depuis extrêmement longtemps. Je ne l’ai pas accouché, je l’ai expulsé ! Il ne faut pas oublier que j’étais concepteur-rédacteur à mes débuts, avant de devenir directeur de création. En étant DC, l’écriture était moins présente pour moi, car je dirigeais les équipes. 20 ans plus tard, même si écrire un livre est une expérience toute neuve pour moi, ç'a été le bonheur total. C’était presque jouissif !

Finalement, diriez-vous que Le long parcours d’une grande gueule est en quelque sorte votre rédemption ?

P.B. : Ce livre a été pour moi une mise à nu de mon évolution personnelle. L’expression « grande gueule » m’a été attribuée. Lorsque je suis arrivé ici, en 1994, les publicitaires avaient peur de moi. Ils étaient terrorisés, car ils avaient cette perception; cette réputation que j’avais de « grande gueule ». Et je l’ai été 13-14 dans mon comportement en général. Le titre, j’aurais pu l’écrire 2 ans avant d’écrire ce livre. D’ailleurs, le titre n’a pas bougé, ce qui est très rare en édition !

Lorsque je lui demande s’il a d’autres desseins en cours, le désormais auteur Patrick Beauduin me dit qu’il a le projet d’écrire deux autres livres. Celui qui enseigne l’histoire de la consommation et de la publicité au HEC Montréal compte bien écrire un livre sur ce cours, à la demande d’anciens étudiants. Le second sera quant à lui un opuscule qui se voudra une réflexion sur la publicité.

Antoine Bécotte, vice-président à la création chez Cossette, a bien voulu prendre quelques minutes de son temps pour m’appeler. On jase Patrick Beauduin. À l’époque, Antoine œuvrait chez Blitz, à Québec, alors que Patrick était DC chez Blitz, à Montréal, où ils travaillaient sur différents comptes.

Des bons mots pour son ancien patron et collègue ? « Patrick était un excellent mentor. Tant au niveau de la culture que de la pub. C’est un mathématicien de la communication. Ce fut un plaisir d’apprendre à ses côtés. »

A-t-il été témoin de son côté « plus tyrannique » d’autrefois ? « J’ai entendu des rumeurs que Patrick était très difficile à travailler avec, mais je n’ai jamais vécu cela. Il a une approche humaine et sensible. Pour être un bon leader, il faut être apte à gérer du capital humain. Et Patrick est très à l’écoute. Je sais qu’il faisait souvent des retraites avec Rémi Tremblay et d’autres chefs d’entreprises avec La Maison des Leaders et ça lui a été bénéfique. Je crois qu’il a appris que plus on faisait confiance au côté humain, plus c’est positif. »

Et, de son côté, comment Antoine gère-t-il ? « Je suis VP Création chez Cossette en partie grâce à Patrick. J’ai développé ma propre façon de gérer, mais il m’a légué le côté humain. »

Joint par téléphone sur l’heure du lunch, Jonathan Rouxel, associé, VP et directeur de création chez Bleublancrouge, a accepté avec plaisir de discuter de celui qu’il considère encore comme son mentor actuel.

Comment était-ce de travailler avec quelqu’un comme Patrick ? « Patrick est un directeur de création avec énormément de culture. Il possède une culture générale hallucinante. Sa façon de gérer est très proche des gens. Il a une volonté de mentorat qui dépasse les limites de son mandat. Il rentre dans la vie de quelqu’un pour l’aider en l’éduquant, tout en l’acceptant avec ses qualités et défauts : les aléas de l’humain. »

Quelles sont les caractéristiques qui font de lui un bon leader ? « Il est humain, a une intelligence sociale vive, il est curieux et est humble. À une époque où les directeurs de création étaient plus axés sur le produit, Patrick avait une méthode de gestion différente. Il avait toutes les qualités de mentor et accompagnait les talents. »

Quant à Jonathan, comment gère-t-il ses équipes ? « Le travail de DC est celui de toute une vie. Patrick m’a aidé à grandir et m’a pris sous son aile. Il m’avait nommé DC, alors que je n’avais que 26 ans. » Aujourd’hui dans la quarantaine, Jonathan le voit encore régulièrement. « Un DC qui connaît la nature de son métier pourrait bénéficier d’un mentor, ne serait-ce que pour avoir un confident et apprendre de la longue expérience de ce dernier. Un DC est un chef d’orchestre. Qui dit chef d’orchestre, dit gérer les équipes, mais aussi écouter, intéresser et, surtout, inspirer. »

Avec les propos de ses anciens collègues, on devine sans mal que Patrick Beauduin a été un chef d’orchestre hors pair!

Le livre (excellent, soit dit en passant) paraîtra aux éditions Guy Saint-Jean et sera disponible dans les librairies dès le 23 mars. La veille, un lancement privé aura lieu à la Société des arts technologiques. Privé, oui, mais avec pas moins de 200 personnes attendues, me lance Patrick Beauduin. Je le sens fébrile. Parions qu’amis, famille et anciens collègues (bref, tout le gratin de l'industrie!) seront tout aussi enjoués lors de son retour dans la province pour célébrer la renaissance d'un leader.