«KOI de 9 CHEZ LES JEUNES» - PAR VIRUS1334.COM

Blogue sur le marketing jeunesse

La cible des enfants de moins de 13 ans utilisant le web semble devenir prioritaire chez Disney. En effet, à la fin du mois dernier, le groupe a acquis le réseau social pour enfants Togetherville. Cette transaction fait suite à d’autres du même genre puisque Disney a acheté le Club Penguin (jeu de rôle en ligne) en 2007 et l’éditeur de jeux sociaux Playdom en 2010. Mais pourquoi donc Disney s’intéresse-t-il autant au web social destiné aux jeunes?

Togetherville : c’est quoi?
Lancé l’année dernière dans sa version béta, le site se présente comme un Facebook adapté aux plus jeunes des internautes (principalement les 6 à 13 ans). La plateforme est uniquement accessible en anglais pour le moment, mais il est fort possible que Disney investisse pour la décliner dans de nombreuses langues à l’avenir. Togetherville permet aux enfants «d'avoir leur propre communauté en ligne et de s'y connecter pour être en contact avec des amis de la vie réelle, comme leurs parents, d'avoir accès à des outils créatifs pour des activités multiples tels que des jeux ou des visionnages et tout cela dans un environnement sans publicités intempestives», informe le site sous sa section FAQ. De plus, le site est développé autour de trois domaines principaux, éducatifs et sensés être bénéfiques aux apprentissages des enfants: l'expression de soi (avec des jeux concernant l'art et la musique), le divertissement (via des clips et des petits jeux vidéos) et l'éducation (grâce à des activités telles que la lecture ou encore les mathématiques). Les enfants peuvent même s’initier à la gestion de l’argent (virtuellement), s’échanger des cadeaux ou des jeux. Mais qu’en est-il de la sécurité, particulièrement avec de si jeunes enfants?

Togetherville: c’est sécuritaire?
Du côté des concepteurs, on affirme que tout a été fait pour proposer un site sûr, comme le vante le slogan du site «The safe network for kids». Ainsi, ce sont les parents qui valident les «amis» de leurs enfants. Tout commence donc par une inscription parentale, via de leur propre compte Facebook. Seule la procédure d'enregistrement exige un compte Facebook, et il n'y a pas de lien entre les deux sociétés, précise le site. Les parents ont donc le contrôle total du compte de leurs enfants (via leur compte Facebook) et valident ou non les demandes d’amis de leurs jeunes. Autre élément de sécurité: l’anonymat est interdit sur Togetherville. Enfin, l’interface propose un environnement dénué de publicités.

Selon le site, «Dans Togetherville, les enfants de 6 à 10 ans ont leur communauté en ligne à eux et s'y connectent pour être en contact avec des amis de la vie réelle, jouer, regarder des vidéos et faire des créations dans un environnement sans publicité». Les enfants ne sont donc pas soumis à des sollicitations d’annonceurs, sont protégés par un contrôle parental très serré et se voient proposer du contenu cohérent avec leur âge et leur niveau de développement (notamment grâce au graphisme et à l’ergonomie). De leur côté, les parents, qui ouvrent le compte de leurs enfants et gèrent le réseau d'amis autorisés sur Togetherville, ont leur propre section sur le site pour communiquer avec leurs enfants et les amis de ceux-ci.

Togetherville: c’est bon pour les enfants?
De nombreux parents sont rassurés par les paramètres de sécurité entourant la plateforme Togetherville. Ils y voient surtout une façon intelligente, ludique et surtout sécurisée de faire expérimenter les réseaux sociaux aux plus jeunes. De cette manière, ils peuvent facilement offrir à leurs enfants un espace où ils peuvent échanger, se divertir, stimuler leur créativité. Certains vont même jusqu’à penser que ce type d’initiatives permettra de former de meilleurs citoyens numériques. En effet, encadrés dès le plus jeune âge, nos têtes blondes auront acquis des réflexes d’attention et de sécurité qu’ils reproduiront quand ils se retrouveront sur les réseaux sociaux des «grands». Pourtant, tout le monde n’est pas du même avis…

En effet, pour d’autres, une telle initiative n'est pas adaptée aux enfants de moins de 13 ans. Selon eux, la dépendance, l’interaction avec un monde virtuel ou la simple présence sur le net dès le plus jeune âge peuvent avoir des conséquences négatives pour l’enfant. Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, expert dans les relations que les individus établissent avec les images et nos rapports aux nouvelles technologies, ouvre le débat sur les relations entre internet et les enfants et pose la question des bienfaits et des limites du numérique. Il explique en outre qu'il convient de se référer, selon lui, à la règle des 3, 6, 9, 12 qui, bien évidemment, ne considère pas une initiative telle que Togetherville comme positive pour le développement des enfants :

Avant 3 ans = pas de télévision: «La Société américaine de pédiatrie dit 2, moi je dis carrément 3, car je pense qu’avant cet âge la télé empêche les enfants de jouer et l’enfant ne se développe qu’en jouant»;
Avant 6 ans = pas de console de jeux portable: «car entre 3 et 6 ans l’enfant a besoin de développer son habileté manuelle, donc c’est trop tôt pour l’abstraction de la console»;
A partir de 9 ans = navigation Internet accompagnée des parents «parce qu’à 8-9 ans, c’est le moment où l’enfant découvre Internet et où il faut l’accompagner de façon mesurée»;
A partir de 12 ans = navigation Internet seul mais avec un système de contrôle parental ou avec le professeur-documentaliste par exemple, «car c’est l’âge où on peut commencer à donner à l’enfant la possibilité d’aller sur Internet seul».

Togetherville: c’est bon pour Disney?
L’initiative part certainement d’un bon sentiment. Pourtant, comme le contenu est contrôlé et ne provient pas de membres de la communauté (les vidéos, les jeux et les activités sont initiés par le site), la plupart des applications tournent autour du monde de Disney. Ainsi, parmi les 8 applications proposées, on trouve des jeux, des vidéos de dessins animés, une application «Art» pour créer et imprimer des cartes (de vœux ou de Noël) ainsi qu’un espace où les jeunes membres de la communauté sont invités à répondre à des questionnaires du type:
«combien de temps lis-tu par jour?»;
«quelle est ta couleur préférée ?»;
ou encore, «quel est ton programme de Disney Channel préféré?».

On comprend bien ici que même si le site se vante d’être «un environnement sans publicités», le monde de Disney ainsi que tous les personnages qui y sont reliés sont omniprésents sur le réseau. On comprend aussi mieux l’intérêt de Disney à fidéliser les internautes dès le plus jeune âge et les sommes mises en jeu pour acquérir les différentes plateformes qui serviront à la diffusion du merveilleux monde de Mickey et de ses amis. La cible des moins de treize ans, semble donc réellement être (très) rentable pour Walt Disney.

Que se passera-t-il au Québec lorsqu’il y aura une version française? Il sera intéressant de voir la position que prendra l’Office de la protection du consommateur, responsable d’appliquer la réglementation sur la publicité aux enfants de moins de 13 ans.