Un autre voyage s’achève. Je suis en attente à l’Aéroport international du Caire, avec le sentiment du devoir accompli. J’aime ces expériences de formation à l’étranger. J’ai l’impression, au contact de tous les gens de différentes cultures que je croise, que je reçois autant que je donne. Un véritable partage.

En 2012, prononçant une conférence devant les directeurs Christian Mésenge (Santé), Martin Yelkouni (Environnement) et Danièle Bordeleau (Gestion-Administration), de même que devant une soixantaine d'étudiants, le tout sous l'œil attentif de Léopold Sédar Senghor, celui que l'on voit dans le cadre accroché derrière moi.

C’était ma sixième formation au Département Santé de l’Université Senghor. Les participants sont des médecins, des sages femmes, des pharmaciens et des professionnels de la santé ou de la nutrition. Ce
« master » est donc offert à des adultes dont la moyenne d’âge oscille autour de 30 ans, ayant aussi une certaine expérience de travail. Voilà pourquoi j’affirme que j’apprends aussi. Cette fois, je réalisais un plan marketing sur l’importance de se faire soigner, dans des centres de santé (CDS) du village ou du quartier de différents pays d’Afrique de l’Ouest, plutôt que de faire appel à la médecine traditionnelle, laquelle est encore très populaire dans certaines régions. J’en connais ainsi davantage sur les us et coutumes de ces peuples séculaires. On y trouve, par exemple, encore beaucoup de femmes qui accouchent à la maison, sans se faire suivre par le personnel des centres de santé.


En compagnie du groupe de 54 étudiants du Département Santé de l’Université Senghor, à la fin des cinq jours de formation.

L’organisme Urgence Afrique récolte donc des fonds afin de réaliser des projets de CDS dans les villages. Ensuite, il faut convaincre la population locale de s’y rendre, pour s’y faire soigner, plutôt que se prodiguer soi-même des soins : en utilisant souvent des médicaments de la rue, sans prescription. Encore aujourd’hui, beaucoup de décès sont liés à ces pratiques. La morbidité infantile, et celle des mères qui donnent naissance à la maison, est aussi élevée. Dans certains cas, la femme doit même demander à son époux ou à sa belle-mère si elle peut aller au CDS pour consulter, soit pour elle ou pour son enfant. Dire que ça a déjà été comme ça chez nous... au siècle dernier. On parle d'une époque où ma grand-mère maternelle, mariée à un cultivateur, a eu 17 enfants à la maison, dont trois sont morts à la naissance. Ma mère et quatre de ses sœurs, faisant partie de la génération suivante, ont toutes accouché dans des hôpitaux, ayant entre 2 et 6 enfants, sans aucun décès.

Les étudiants ont donc été invités à réaliser un plan marketing pour l'un des six CDS soutenus financièrement par Urgence Afrique, en analysant les publics cibles primaires et secondaires, allant des femmes de 15-34 ans à leurs époux et aux belles-mères, en passant par les chefs du village ou par les chefs religieux. Comme la majorité d’entre elles sont analphabètes, ou encore que leur langue maternelle est autre que le français, il a fallu choisir des médias non traditionnels, comme des crieurs publics et du théâtre de rue – souvent joué sur la place du marché. Vous voyez donc ce que je veux dire, quand j’affirme que je reçois tout autant que je donne! Ce sens pratique, qu'on retrouve dans les communications locales de petits villages africains, m’interpelle et m’amène à songer à de nouveaux trucs qu'il serait intéressant d'intégrer à mon environnement immédiat. Quand on y pense, ces médias africains, misant sur la proximité, fonctionnent comme les réseaux sociaux ici : c’est du bouche à oreille. Sauf que, là-bas, ça ne se fait pas via des ordinateurs, des tablettes ou des téléphones, mais bien de personne à personne!

Message en langue Éwé, langue maternelle des gens d'Hanygba todji : Le dispensaire d'Hanygba todji - venez et revenez, encore et toujours. Slogan : La clef de votre bonne santé.

De très belles solutions ont été trouvées par ces professionnels de la santé, qui n’avaient pourtant jamais fait de marketing. Mais comme ils sont dans un contexte de formation, dans une université éloignée de leur pays d’origine, et qu’ils ne sont pas sollicités par autre chose que par les cours qu’ils suivront pendant deux ans, ils sont disponibles. De plus, ils connaissent très bien l’environnement au cœur du problème, puis ils apprennent en quelques jours qu’est-ce qu’un tableau Forces-Faiblesses-Opportunités-Menaces, pour ensuite arriver à déterminer des cibles, des objectifs de communication et de marketing, un positionnement, de même qu'un axe de communication. Tout ça, je le répète, en quelques jours! Comme des pros! Par la suite, ils sont en mesure de recommander des façons de faire, ils peuvent rédiger des textes ou des scénarios, ils arrivent à évaluer des coûts, pour finalement proposer un échéancier… si bien que la plupart de ces projets seront directement envoyés à Urgence Afrique! Ainsi, plusieurs de ces plans marketing seront sans doute utiles.

J’oubliais le plus important : tout cela se fait dans la joie. Travaux d’équipe, discussions constructives et présentations parfois très surprenantes – surtout quand on « joue » les scénarios proposés. Comme lorsque ces trois médecins, des pièces d’homme, nous ont interprété leur théâtre de rue, mettant en scène une jeune femme éplorée qui crie sa douleur dans un marché, en accusant la sorcière qui a tenté de l’accoucher à la maison, tandis que sa voisine est bien portante, avec son enfant qu’elle berce doucement. Un drame malheureusement trop fréquent… Toutefois, en classe, lors de nos pratiques douteuses, on a bien ri!

Pour en savoir plus sur les formations adaptées à vos problèmes, vous savez où me trouver... même quand je suis en Afrique!

Richard Leclerc
Concepteur-réalisateur
Causes? Toujours!
www.reseaupubliciterre.org