Depuis les années 80, des entreprises commerciales ont adopté de plus en plus de causes pour se différencier de leurs concurrents. Benetton l’a fait en contrant le racisme avec son slogan, qui est d'ailleurs devenu sa marque: United Colors of Benetton. Puis, dans les années 90, la compagnie a enchaîné avec la lutte au VIH, la protection de l’environnement, la défense des droits et, aujourd’hui encore, avec sa fondation UNHATE. Depuis, on a vu de nombreuses entreprises adopter des valeurs ou une cause sociale pour en faire la promotion, et pour en retirer des bénéfices. On constate même que certaines se substituent souvent aux gouvernements pour modifier des comportements, comme Dove avec sa campagne sur l’estime de soi.
J’ai été invité récemment à donner une formation sur le thème du Perfectionnement en commercialisation, auprès de membres de la Table régionale de l’économie sociale de Lanaudière. Pour ces organismes sans but lucratif, il est essentiel d’être « rentables », afin de mener à bien la mission qui les anime. On fait donc face, comme dans le marketing de la cause, où il faut justifier l’intrusion du commercial dans le sociétal, à des termes qui sont parfois mis en opposition, comme on peut le lire sur le site Web du Chantier de l’économie sociale, dans un article paru le 13 août 2015.
« Économie » renvoie à la production concrète de biens ou de services ayant l’entreprise comme forme d’organisation et contribuant à une augmentation nette de la richesse collective. « Sociale » réfère à la rentabilité sociale, et non purement économique, de ses activités. Cette rentabilité s’évalue donc par la contribution au développement démocratique, par le soutien d’une citoyenneté active, par la promotion de valeurs et d’initiatives de prise en charge individuelle et collective.
Le Québec compte environ 7 000 entreprises d’économie sociale, dont 3 300 coopératives et 3 700 OBNL ayant des activités marchandes. En 2002, le chiffre d’affaires annuel de ce type d’entreprises était de 17 milliards de dollars. Aujourd’hui, uniquement pour les entreprises constituées en coopérative ou en mutuelle, ce chiffre atteint 33,4 milliards de dollars!
Depuis que j’ai quitté le monde des agences de communication, il y a maintenant près de 20 ans, je consacre de plus en plus de temps à la pratique et à l’enseignement de la publicité sociétale, puis à la recherche de partenariats entre des entreprises commerciales et des OBNL qui ont une cause, mais aussi à cette nouvelle voie qu’est l’économie sociale. En effet, il faut faire développer à ces jeunes entreprises les mêmes principes qui ont servi à faire fructifier les entreprises commerciales: non pas la recherche de profits, mais la capacité à assurer sa survie. Comme l’explique Antoine Pillet dans son livre Le marketing social et solidaire:
Toute entreprise a besoin de se faire connaître et de gagner des clients pour survivre. S'il est donc légitime que même les entreprises sociales et solidaires adoptent une stratégie marketing (politique de positionnement de leurs produits sur un marché, actions commerciales pour se faire connaître, etc.), la stratégie qu'elles mettent en œuvre doit néanmoins tenir compte de leurs spécificités.
La politique marketing des entreprises capitalistes peut consister à pratiquer les plus bas prix (en réduisant les coûts et en incitant leurs travailleurs à être plus productifs) pour écraser la concurrence, de manière à accroître leurs parts de marché et leurs profits. Les entreprises sociales et solidaires, quant à elles, risqueraient de perdre leur âme et leurs valeurs à adopter des pratiques de ce genre.
Leur marketing doit donc reposer sur des arguments d'un autre genre : elles doivent plutôt jouer sur la qualité ou l'authenticité de leurs produits, mais aussi compter sur un réseau de consommateurs ou d'usagers qui adhèrent aux valeurs de solidarité qu'elles défendent et sont susceptibles de soutenir leurs activités et de les faire connaître.
L’avenir de milliers d’entreprises d’économie sociale, ici comme ailleurs, dépend donc d’un plan marketing qui leur permettra de soutenir leur mission, mais aussi de survivre et de créer des emplois de qualité, tout en améliorant les conditions de vie de plein de gens dans notre société. Si on peut soutenir Bombardier à coup (ou à coût) de milliards, on pourrait aussi penser à ces OBNL qui reçoivent de moins en moins de subventions, malgré leur apport extrêmement positif dans notre société.
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Causes? Toujours!
Richard Leclerc
Concepteur-réalisateur Publici-Terre