François Descarie, Substance stratégies

Une extension de ligne (habile traduction de "line extensions") se produit quand on utilise le nom ou l'image d'une marque existante pour l'apposer sur un nouveau produit. Quelle bonne idée direz-vous! Capitaliser sur la notoriété et les perceptions durement acquises au fil des années au lieu de repartir à zéro. Le léger détail, c'est qu'à long terme, vous confondez les consommateurs sur le sens profond de votre marque. Vous diluez l'image du produit initial; bref c'est un peu la version moderne de tuer la poule aux oeufs d'or.

Mais diantre, vous direz-vous, pourquoi les entreprises privilégient-elles cette approche?

Elles n'apprennent pas des erreurs des autres. Pour un succès en extension de ligne, on trouve neuf erreurs (ou pour être moins sévères, neuf errances). Ce n'est pas parce qu'on en retrouve plusieurs sur le marché qu'elles sont toutes rentables (pour un Diet Coke qui fonctionne, on compte beaucoup plus de Cherry Coke, de Coke Zéro, de Coke Classique, etc.).

Elles voient leur marque comme étant plus forte qu'elle ne l'est réellement et s'imaginent que les attributs associés à leur produit actuel s'exportent facilement ailleurs (que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de la catégorie initiale).

On privilégie les ventes à court terme au détriment des profits à long terme. Initialement, la curiosité des consommateurs fait en sorte que le taux d'essai de l'extension de marque est attrayant. Toutefois, dans une société de consommation où règne la spécialisation, le réachat et le succès à long terme n'appartiennent pas aux généralistes. Cela est aussi lié au mode de rémunération des gestionnaires qui doivent rapidement "faire bouger les choses".

On impute des frais fixes. En ajoutant des produits à l'arsenal, on s'imagine réduire la portion des frais fixes (usines, salaires des cadres, etc.) et améliorer le coût de revient moyen. C'est sans compter la banalisation moyenne des produits mais surtout de la marque-mère; celle qui crée justement de la valeur ou de la richesse. Vu autrement, l'extension de ligne, c'est un peu la victoire de la comptabilité face au marketing.

"Vu autrement, l'extension de ligne, c'est un peu la victoire de la comptabilité face au marketing."

Qui plus est, les nouveaux produits bénéficiant de la marque originale sont rarement des innovations (et souvent des copies de ce qui existe sur le marché). Je pourrais même argumenter qu'il s'agit souvent de gestes réactifs visant à notamment protéger l'espace-tablette.

Comprenons-nous bien. Je ne crois pas qu'une entreprise ne doive pas lancer de nouveaux produits (au contraire). Je crois plutôt que si le nouveau produit ne répond pas au même positionnement que la marque mère, alors l'entreprise ferait mieux de lancer une nouvelle marque (quitte à l'endosser initialement). Autrement dit, je préfère l'approche Procter & Gamble à celle de Virgin par exemple.

Plus une marque est pointue, plus elle a de chances d'être mémorisée par le consommateur. Implicitement, cela revient à dire qu'une marque à succès ne doit occuper qu'un seul endroit dans l'esprit des gens. Cet endroit peut être associé à un bénéfice, un attribut, une situation, peu importe, mais elle doit se spécialiser d'une façon ou d'une autre.