J’arrive d’Afrique. D’Égypte plus précisément. Pendant que plusieurs d’entre vous profitiez de la semaine de relâche scolaire pour vous éloigner de l’hiver québécois bien froid, pour ne pas dire glacial, j’en profitais pour retourner à l’Université Senghor, à Alexandrie, où je donne depuis 2005 le cours de Publicités sociétales et humanitaires, le même qu’au Certificat en publicité à l’Université de Montréal, mais en cinq jours consécutifs! À des Africains, provenant en majorité d’Afrique de l’Ouest, qui n’ont par ailleurs jamais fait de publicité. Tout un défi pour un fou de la pub… sociétale!
On avait réuni pour une première fois des étudiants de deux départements, Environnement et Administration, près de 60 participants. Je devais donc adapter ce cours à des intérêts différents. La matinée, j’expliquais comment on construit un plan marketing et en après-midi, en atelier, on appliquait ces acquis, en tenant compte des deux orientations professionnelles. Les campagnes proposées par les étudiants en environnement devaient viser à modifier des comportements pour améliorer la salubrité des milieux de vie, grâce notamment à un meilleur accès à l’eau, alors que les participants en administration devaient proposer des campagnes de levées de fonds, dans des pays où l’argent ne coule pas à flot. Pour m’assister, une jeune étudiante au bacc. en politique internationale à l’Université de Montréal, Émilie Pinard, que je remercie pour sa collaboration.
Cela fait près d’une vingtaine de fois que je donne cette formation à Alexandrie ou différents pays africains, du Bénin à la Tunisie, en passant par le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali. À chaque occasion, j’en reviens enrichi au contact de toutes ces cultures si différentes de la nôtre. Je propose un mode d’emploi, on me revient avec des solutions qui tiennent compte des réalités de ces pays : taux d’analphabétisme élevé, portée des médias de masse limités, accessibilité à l’Internet encore restreint, quoique beaucoup de jeunes Africains possèdent un téléphone intelligent, parfois même deux (c’est si peu coûteux par rapport à ici), et qu’ils «textent» allègrement tout en navigant sur Facebook.
Par exemple, quand j’ai demandé il y a quelques années, à Ouagadougou, de créer une campagne pour contrer les médicaments de la rue, on m’a proposé du marketing de rue! Sous le thème «Les médicaments de la rue, ça tue », l’équipe avait conçu cette mise en scène: un faux marchand avec ses faux produits périmés est installé au cœur d’un marché public; soudain, une femme pleurant et criant fait irruption en l’accusant publiquement d’avoir tué son enfant! Une fois l’heure, suivi d’un petit discours aux spectateurs surpris, jusqu’à ce que le bouche à oreille soit parvenu à tous les gens du quartier.
Cette fois, une équipe du département Environnement m’a surpris avec un concept tellement bien développé, même graphiquement (alors qu’il ne s’agit pas d’un cours de contenant, mais bien de contenu) que je me suis mis à le rechercher sur Google Images. Honte à moi! Ce groupe d’étudiants inexpérimentés a réussi à assimiler en quelques jours, comme bien d’autres équipes, les ingrédients nécessaires pour réaliser une campagne de communication simple et efficace, avec un slogan percutant: Wash Salala, Away Cholera (en anglais parce que le Liberia a été fondé en 1921 par une société américaine de colonisation pour y installer des esclaves noirs «libérés»). Tous les éléments d’une bonne campagne de communication s’y retrouvent, des objectifs de communication et marketing jusqu’à l’axe de communication, en passant par l’analyse de la situation et du public cible, le positionnement, le choix des médias et les concepts qui en découlent.
Encore une fois, je reviens de cette expérience convaincu, comme disait Confucius, que «Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson.»
_Causes? Toujours!_
Richard Leclerc, Publici-Terre