Faites le test autour de vous. Demandez «Ça va?» à un collègue ou un ami. Vous entendrez presque à tout coup: «je suis débordé...» Et quand vous lui rétorquez que c’est aussi votre cas, il objectera que vous n’êtes sûrement pas aussi débordé que lui… Même s’il ignore tout de votre emploi du temps! Il suffit de lui décrire nos occupations quotidiennes pour l’entendre surenchérir sur son propre malheur. S’ensuit alors une surenchère du surmenage. Profitez-en pour vous payer sa tête: prétendez avoir travaillé 173 heures la semaine dernière. Votre interlocuteur tressaillira en vous balançant en avoir travaillé le double.

«Être débordé, c’est une assurance contre le vide existentiel.» ironisait l’essayiste Tim Kreider.

Pourquoi en sommes-nous rendus là? «Nous avons peur du regard que les autres porteront sur nous si nous ne paraissons pas débordés», pense le psychologue Tony Crabbe, auteur de Plus jamais débordé! Reprenez votre travail et votre vie en main.

Et si ce surmenage n’était que le signe de notre mauvaise organisation devant l’ampleur des tâches à accomplir au bureau ou à la maison? Tony Crabbe n’en pense pas moins.

Si vous pensez que la technologie peut vous aider, détrompez-vous! Les multiples écrans omniprésents dans nos vies nous détournent de l’essentiel. Plus nous restons «connectés», plus les messages rentrent et plus nous répondons… L’auteur suggère de lâcher prise en s’accordant un moment loin des médias sociaux. Si l’exercice vous paraît trop draconien, allouez-vous une période précise pour répondre à vos courriels.

Même constat pour les innombrables réunions qui accaparent notre horaire la semaine durant. Souvent inefficaces car mal dirigées, elles font perdre un temps fou à des employés qui ne s’en trouvent que plus débordés. Même les entreprises y perdent au change. Comme le souligne l’auteur: «La multinationale 3M a estimé que l’inefficacité des réunions de ses cadres moyens lui coûtaient 79 millions de dollars par an.»

Quand le bouquin déborde du côté du management et la gestion de carrière, Crabbe fait des rapprochements risqués entre les individus et les marques. Les stratégies employées par les entreprises pour faire ressortir leur marque sur le marché pourraient ainsi vous servir pour vous «démarquer» au travail. Faudrait-il montrer à Crabbe le documentaire The Corporation pour lui exposer les risques de confondre les entités prétendument morales que sont les compagnies et les individus?

Avec les nombreuses études et recherches venant étayer la thèse de Crabbe, Plus jamais débordé! peut sembler un peu touffu. Mais il ne faut pas gâcher son plaisir en en boudant la lecture sous prétexte que ses 366 pages vous feront inévitablement perdre un temps précieux… Bien au contraire.

Plus jamais débordé! Reprenez votre travail et votre vie en main.

Tony Crabbe
Éditions Ixelles

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Stéphane Plante cumule plus de 20 ans d’expérience en tant qu’animateur, comédien, improvisateur et rédacteur. Il joindre à l'équipe du Grenier aux nouvelles en tant chroniqueur pour décortiquer les bouquins consacrés au monde du travail et à la vie socioécocomique.