Les créateurs affectés par des critiques acerbes sur leur dernier spectacle ou album prolifèrent dans la sphère médiatique. Tout comme les chroniqueurs qui revendiquent leur intégrité en émettant un point de vue qui se veut éclairé. Débat stérile? Rivalité irréconciliable?

Le documentariste Marcel Jean avait tenté de mettre en image cette dichotomie dans son film État critique. Vingt ans plus tard, les médias ont évolué mais sans transformer du tout au tout le rôle du chroniqueur culturel.

Pour s’y retrouver dans cet univers bouillant où les susceptibilités (pas seulement du côté des artistes...) et la flagornerie envers les veudettes revendiquent une raison d’exister, Métier critique, de Catherine Voyer-Léger, fait oeuvre utile.

Pour certains artistes, les critiques représentent le mal absolu. Pour d’autres, ils sont un mal nécessaire. Un maillon de plus dans la chaîne de relations publiques pouvant mener un performeur à la reconnaissance. Faut bien remplir le dossier de presse!

L’essayiste profite de ce privilège de n’appartenir à aucun clan. Elle apprécie autant le critiquant que le critiqué.

D’emblée, elle énumère les principales accusations décochées aux chroniqueurs culturels. Elle en relève les impertinences devenues une forme de prêt-à-penser. Comme cette manie de confronter le critique à un libellé tel que «Si t’es si bon, fais-en donc un album!» «Montes-donc sur scène pour voir!».

Avec justesse, Catherine Voyer-Léger précise que les critiques culturels encaissent des accusations là où dont d’autres types de chroniqueurs se font la part belle. Elle précise: «On se demande d’ailleurs pourquoi cette image colle davantage aux journalistes culturels qu’aux chroniqueurs politiques (à qui on ne recommande pas, à tout bout de champ, d’arrêter de chialer et de se lancer en politique).»

Au contraire, le déferlement d’admirations suivant un passage de Chantale Hébert à Tout le monde en parle montre plutôt qu’il est de bon ton d’avaler toutes crues les analyses d’une «autorité» en politique. Les sophismes des chroniqueurs politiques mériteraient d’ailleurs un essai à eux seuls...

Sans s’acharner, elle n’épargne pas non plus les chroniqueurs et le contexte dans lequel ils évoluent. Ces mêmes chroniqueurs qui jettent une opinion sur une oeuvre qu’ils n’ont pas vraiment compris ou sur laquelle ils n’ont pas vraiment d’opinion. Si certains s’écoutent parler, d’autres se regardent écrire...

Métier critique se présente aussi comme une véritable leçon de journalisme en dénonçant les entrevues complaisantes et leurs questions formatées qui les accompagnent. Cette leçon servirait à rappeler aux commentateurs leurs rôles en tant qu’intervenants publics.

Après tout, selon la Musicographie des BB, c’est une mauvaise critique de Marie-Christine Blais qui serait à l’origine de la fin du trio…

Métier critique
Catherine Voyer-Léger
Éditions Septentrion

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Stéphane Plante cumule plus de 20 ans d’expérience en tant qu’animateur, comédien, improvisateur et rédacteur. Il se joint à l'équipe du Grenier aux nouvelles en tant chroniqueur pour décortiquer les bouquins consacrés au monde du travail et à la vie socioécocomique.