Il fut une époque, fort heureusement révolue, où la très grande majorité des homosexuels n’osaient pas s’afficher publiquement, par crainte du jugement d’autrui. En ces temps pas si lointains, les préjugés à leur endroit étaient largement partagés et souvent au sein même de leur famille, il était tabou de parler de leur orientation sexuelle. De nos jours, même si ce sujet demeure délicat dans certaines communautés, l’évolution de la société a amené une acceptation très large de ce fait. Afin que changent les mentalités, il aura fallu le courage de certains «pionniers», dont quelques personnalités publiques qui ont osé faire leur «coming out», sortir du placard où ils se cachaient, pour annoncer publiquement cette caractéristique personnelle.
Ainsi, aujourd’hui dans la société québécoise et canadienne, les gais et lesbiennes se sentent en général beaucoup plus à l’aise de reconnaître et admettre leur attirance et leur amour pour des personnes de même sexe.
Si les perceptions ont évolué à l’égard de l’homosexualité, en ce qui concerne d’autres aspects de la condition humaine, les changements me paraissent tarder à venir. Je pense plus particulièrement aux questions qui touchent la santé mentale et la détresse psychologique.
Mon rôle de consultante en réadaptation et transition professionnelle fait en sorte que je rencontre très régulièrement des gens qui ont vécu un épisode d’arrêt de travail en raison d’une maladie à caractère psychologique. Je ne cesse de m’étonner de constater qu’une très large part de ces individus, voire une majorité, se montreront très craintifs à l’idée de parler de leur vécu.
Ils me demanderont «ce que les employeurs pensent d’un candidat qui a déjà fait un burnout», ma réponse est invariablement «que les employeurs ne forment pas un groupe homogène partageant des valeurs universelles». Ils souhaiteront mes conseils à savoir comment expliquer «trou» dans leur cv… même quand il n’y a en fait pas lieu de laisser une période inexpliquée dans leur chronologie d’emploi, puisque leur arrêt de travail est survenu alors qu’ils avaient toujours un lien d’emploi.
Je comprends bien sûr qu’il est difficile de parler d’une expérience dont on ne se sent pas complètement rétabli. Je m’explique plus difficilement la réticence qu’auront les candidats à admettre une expérience qui se situe dans un passé plus lointain, d’autant que plusieurs estiment secrètement qu’en rétrospective cette expérience leur aura apporté des bénéfices, soit de connaître leurs limites et d’apprendre à les faire respecter d’autrui, ou de s’être finalement permis d’être fidèles à leurs valeurs et de poursuivre leurs véritables intérêts.
Si le courage de certains pionniers a permis à la société de s’ouvrir à la différence en ce qui concerne l’homosexualité, il sera sans doute nécessaire que davantage de voix s’élèvent pour parler ouvertement de l’épuisement professionnel, du burnout et de la dépression, pour que les préjugés s’écartent et que les mentalités changent.
C’est donc dans l’espoir de susciter des «coming out» que je rédige cette chronique. Comme il m’apparait toujours préférable de prêcher par l’exemple, je commencerai donc en sortant moi-même du placard!
De septembre 1997 à la mi-janvier 1998, j’ai dû cesser de travailler en raison d’un burnout. J’hésiterais personnellement à qualifier ma condition d’alors d’épuisement professionnel, puisque plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte pour me conduire à cet arrêt de travail. Je travaillais alors en recrutement et avais une charge de travail importante, mais ma vie personnelle comportait aussi son lot de défi, puisque mon mari d’alors était gravement malade, il est d’ailleurs décédé des suites de cette maladie en juillet 2002.
Même si elle fut en soit pénible, puisque j’étais alors envahie par un sentiment d’échec, cette période d’arrêt forcé m’a permis de me questionner sur mes valeurs, mes attentes de la vie et mes objectifs professionnels. À l’issue de mon congé, je suis retournée vers mon emploi en recrutement, mais j’avais déjà déterminé que je souhaitais mettre mes talents au service des personnes, plutôt que de répondre aux besoins des organisations. Au cours des mois qui ont suivis, j’ai élaboré mon projet d’affaires et c’est au bout d’une année, en février 1999 que j’ai quitté mon emploi pour offrir mes services en transition professionnelle.
Je crois sincèrement ce que cette expérience a fait de moi une meilleure consultante en réadaptation et transition professionnelle. J’ai même l’intime conviction qu’elle a fait de moi une meilleure personne.
Je me permets donc d’inviter les gens qui ont subi une invalidité à caractère psychologique à en parler également. Je crois que pour plusieurs qui souffrent actuellement il est rassurant d’entendre que d’autres sont passés par là et qu’ils ne s’en sortent pas plus mal, qu’ils considèrent même que cette expérience a eu certains impacts positifs sur leur vie.
Parlez-en à vos proches, informez en vos collègues, lorsque le contexte d’une discussion s’y prête. Si vous le voulez, écrivez-moi une note sur ma page Facebook pour en témoigner! Ensemble nous pouvons changer les perceptions et faire en sorte de diminuer un peu la souffrance de ceux que le travail et la vie ont épuisé.