À l’ère du déferlement des mille et un trucs pour nous aider à dénicher un boulot, cet essai de Nicolas Latteur tombe pile. Ou pas. C’est selon votre perception. Et la sienne, telle que véhiculée dans Le travail, une question politique, mérite qu’on s’y attarde.

Le statut de salarié semble devenu précaire par définition. Avec le chômage récurrent, les récessions, les crises latentes, on répète que le travailleur doit se responsabiliser s’il veut demeurer sur le marché du travail. Ou y adhérer. Ainsi, les travailleurs développent une concurrence entre eux.

Et pourtant, on suggère au chercheur d’emploi, s’il veut rester compétitif sur le marché du travail, une kyrielle de recettes. Des tenus vestimentaires appropriés(agencez votre cravate avec vos yeux pour impressionner votre futur patron), des manières funky de rédiger sa lettre de recommandation ou autres trucs pour présenter un C.V. en PowerPoint avec des gifs animés.

Bref, on le culpabilise de ne pas se trouver de travail. Comme si les déménagements d’entreprises, les coupures à répétition dans de nombreux secteurs, les fermetures d’usine ne jouaient aucun rôle.

Comme si son statut d’employés ne demeurait qu’un choix personnel. Et non politique. Pourtant, l’auteur le précise: «L’enjeu du travail comme question politique et démocratique est la réappropriation par les classes populaires des questions essentielles qui règlent leurs conditions de vie.»

L’auteur décortique aussi, à s’en délecter, le charabia de la novlangue managériale et de la gouvernance. Tout comme il passe en revue les méthodes de gestion moderne prenant peu ou pas du tout en considération la santé des employés.

Des observateurs pourraient rétorquer à Latteur qu’il existe pourtant des secteurs où sévissent des pénuries de main-d’oeuvre. Toutefois, les rares secteurs touchés par le fléau relaie le discours des grandes entreprises. Ces dernières souhaitant justement attiré un plus grand bassin de travailleurs afin d’offrir des salaires moins élevés. Il faut savoir rester sceptique face au discours décriant la rareté de la main-d’oeuvre...

L’approche universitaire de l’essai - l’auteur se réfère régulièrement à des études savantes et cite abondamment des collègues - aura peut-être pour effet de rebuter certains lecteurs. Toutefois, bien des idées qui y sont défendues pourraient servir d’antidote aux théories économiques fumeuses des gérants d’estrades médiatiques. Comme redonner plus de place au travailleur dans l’organisation du travail. Un plus grand pouvoir décisionnel.

Pour Nicolas Latteur affirmer que notre rapport au travail, au salariat, est à repenser relève de l’euphémisme. Il n’envisage pas moins qu’une refonte complète des mentalités dans notre rapport entre employeurs et salariés.

_Le travail. Une question politique_
Nicolas Latteur
Éditions Aden

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Stéphane Plante cumule plus de 20 ans d’expérience en tant qu’animateur, comédien, improvisateur et rédacteur. Il joindre à l'équipe du Grenier aux nouvelles en tant chroniqueur pour décortiquer les bouquins consacrés au monde du travail et à la vie socioécocomique.