J’aime la radio. Elle est intime, plaisante et réconfortante. Je suis un amoureux du son depuis ma tendre enfance. À la maison, comme dans beaucoup de foyers à cette époque, au début des années 70, la radio joue souvent au salon, elle nous accompagne. C’est l’époque où certaines radios diffusent une identification sonore chantée. Oui oui! À chaque heure, et ça dure soixante grosses secondes (bonhomme surpris qui n’en revient pas mais qui trouve ça quand même cool, hashtag vintage). C’est une ritournelle pour identifier la station. À cette époque, il n’est pas rare d’entendre des chansons de six, sept, voire huit minutes. Le temps n’est pas un enjeu. Je me rappelle avoir entendu Un musicien parmi tant d’autres d’Harmonium à la radio.

Puis, au cours de mon adolescence dans les années 1980, les radio FM diffusent de plus en plus en stéréo, la cassette audio se répand, le géant Sony sort son fabuleux Sports walkman jaune et la voix culte de Casey Kasem annonce les American top 40. Bien présentes un peu partout, les radios se démocratisent et suivent les courants sociaux. Les technologies permettent même la diffusion de musique en direct d’une discothèque à l’antenne de certaines radios. À cette époque, pour qu’un reportage se retrouve à l’antenne, (celle de Radio-Canada par exemple), il doit rencontrer des exigences techniques élevées, c’est important. Et à la fin des années 80, le Compact Disc (CD) envahi les étagères chez nos disquaires. Enfin un support audio révolutionnaire, offrant une qualité sonore inégalée avec un taux d’échantillonnage de 44.1 khz pouvant contenir 74 minutes de belle musique ! (bonhomme sur le derrière la mâchoire ouverte les deux bras tombants de chaque côté…ébahi). Du jamais entendu !

Au cours des années 90, alors que le CD brille de tout son éclat, le format mp3 fait son apparition, et la plateforme Napster permet au monde entier de télécharger de la musique, attention bonhomme… gra-tui-te-ment! (Bonhomme hurlant OMG et qui jubile faisant une petite danse de joie). Je crois que c’est à partir de cet instant que notre quête de qualité sonore a amorcé un ralentissement. Les décennies 2000 et 2010 voient naitre le iPod, le iPhone, la clé USB… toutes des technologies aux capacités de stockage grandissantes offrant des millions de chansons accessibles en ligne en une fraction de seconde.

Pendant ce temps, tranquillement mais surement, les réseaux sociaux apparaissent et se démocratisent, offrant au bon peuple un porte-voix individuel. Et des porte-voix, il en existe de tous les modèles. Aujourd’hui, à l’antenne de la prestigieuse station télé de Radio-Canada, en plein téléjournal 18h, il n’est plus rare d’entendre des intervenants au son douteux. (Bonhomme surpris, un peu confus, qui retire ses oreillettes et ses lunettes rose, et qui cherche son émotion).

Sournoisement, en quelques années, notre société s’est conditionnée à tolérer du mauvais son, que dis-je…du son lamentable, un peu partout autour de nous : téléphone, Messenger, Teams et autres plateformes de conversation vidéo agrémentés de coupures de son momentanées avec une latence, du crépitement, coupure de signal, du son métallique, hachuré, désynchronisé, perte de certaines fréquences, artefacts numériques et grésillement. Et que dire du son des vidéos TikTok ou Instagram filmés dans mille conditions indésirables avec du matériel bon marché, qui se brise facilement. (Bonhomme triste, un peu honteux, qui regrette nos choix de société pour le bien-être de ses oreilles et qui espère des solutions de la part de l’auteur de ce texte).

Et si on exigeait la même qualité pour le son que pour l’image, comme on l’exige pour la 4K et la 8K, les plateformes n’auraient pas le choix de s’adapter. Plusieurs technologies sont déjà disponibles (Opus, FLAC en musique, ou « HD Voice »/ « VoLTE » en téléphonie). Ils transmettent beaucoup plus d’informations sonores sans demander une bande passante énorme. Il faudrait améliorer les infrastructures réseau, consommer du matériel de meilleure qualité, et surtout, casser la paresse culturelle et industrielle; on a normalisé le médiocre parce que ça fait la job. Ultimement, ça passe par un changement d’habitude collectif à l’échelle planétaire.

D’ici là, quand je veux payer la traite à mes oreilles, je fouille dans mon étagère à vinyles, je sors L’Heptade d’Harmonium et je l’écoute en entier sur une bonne vieille chaîne stéréo analogique. (Bonhomme pantois qui demande à Google ce qu’est une chaîne stéréo analogique).

Jean-François Roy, amoureux du son
Cactus production sonore