La durabilité, c’est bien pour l’image. Personne n’est contre la vertu. Mais est-ce que ça vend ? Est-ce que ça rapporte ? Est-ce qu’on a vraiment les moyens ? Si vous avez déjà essayé de convaincre votre direction ou votre CA d’adopter des pratiques marketing plus responsables, vous avez probablement entendu ces questions.
Changer la question
Plutôt que de défendre la durabilité comme une option éthique ou morale, commencez par la positionner comme un levier stratégique. La question n’est plus : « Est-ce qu’on peut se permettre de faire du marketing durable ? », mais « Est-ce qu’on peut se permettre de ne pas le faire ? ».
Car le coût de l’inaction est de plus en plus tangible : perte de confiance des consommateurs, sanctions réglementaires, risque réputationnel, difficultés de recrutement, accès limité au financement, vulnérabilité face aux crises systémiques, etc. N’oubliez pas que, en tant que professionnel·les de la communication, vous êtes souvent les mieux placé·es pour faire le pont entre stratégie, marque et impact.
Parler le langage du CA
Un bon pitch, c’est un pitch adapté. Voici quelques angles efficaces pour convaincre une direction ou un conseil d’administration :
-
Risque réglementaire : la Loi C-59 au Canada, comme les obligations ESG dans plusieurs pays, exposent les entreprises à des poursuites en cas d’allégations trompeuses ou non vérifiées. Et n’oubliez pas que même si votre cas est défendu et que vous n’êtes pas coupable, votre risque réputationnel, lui, est engagé dès le début de la poursuite.
-
Avantage concurrentiel : les marques qui prennent position attirent mieux les jeunes talents, les consommatrices et consommateurs engagés, les partenaires stratégiques. La durabilité devient un critère de choix.
-
Rendement à long terme : plusieurs études démontrent que les entreprises responsables performent aussi, voire mieux, sur le plan financier. Une vaste étude menée par le groupe AFNOR en Europe auprès de plus de 400 entreprises a démontré que 38 % des entreprises ayant intégré la RSE dans leur organisation ont connu une augmentation de leur chiffre d’affaires !
-
Efficacité opérationnelle : réduire le gaspillage, mutualiser les campagnes, former les équipes aux pratiques sobres entraîne des gains de productivité et une meilleure résilience.
-
Demande citoyenne : les consommatrices et citoyens attendent des marques qu’elles prennent leurs responsabilités. Ça devient une question de réputation… et de pertinence.
Trois stratégies qui fonctionnent
-
Miser sur un projet pilote : inutile de tout transformer en un coup. Proposez un projet test : une campagne éco-conçue, un bilan carbone des opérations marketing, un audit des allégations environnementales. Démontrez que c’est faisable, mesurable, réplicable. Toujours plus facile de commencer par les « low hanging fruit » que par des gros projets !
-
Parler par les chiffres : utilisez des indicateurs concrets. Quel est le taux de satisfaction client sur les engagements sociétaux ? Combien coûte une mauvaise pub qui fait de l’écoblanchiment ? Quelle part de la clientèle choisit une marque pour ses valeurs ?
-
Mobiliser les alliés internes : RH, ESG, produit, finance : plusieurs services peuvent devenir des partenaires. Créez un comité transversal pour porter ensemble le changement. Montrer que le marketing durable est une vision partagée, pas une lubie isolée.
Cas d’école : des directions qui ont embarqué
En septembre 2023, le détaillant SAIL, la plus grande destination plein air au Québec, a lancé reSAIL, une plateforme de revente en ligne simple, sécuritaire et efficace qui offre une expérience fluide tant pour les vendeurs que pour les acheteurs. Suite au succès de ce nouveau modèle d’affaires, Isabelle Lemay, Présidente et cheffe de la direction de SAIL Plein Air inc., mentionnait dans un communiqué publié au printemps 2025, souhaiter également introduire un pilote reSAIL en magasin. Ainsi, l’initiative, d’abord uniquement en ligne, a non seulement conquis l’ensemble de l’organisation mais a surtout révolutionné le modèle d’affaires de l’entreprise en apportant ainsi une nouvelle dimension à l’expérience client.
Toujours dans le plein air mais à l’international, chez Salomon (France), la direction a pris les devants pour éco-concevoir des produits de trail et casques issus de l’économie circulaire. N’ayant pas trouvé de filière existante, l’entreprise a construit elle-même son circuit de collecte et de recyclage. Plus de 73 000 paires de chaussures ont été vendues depuis le lancement, avec une réduction de 45 % des émissions de CO2 sur une paire recyclée. La démarche implique l’ensemble des équipes et s’accompagne d’une communication transparente et sobre, appuyée par des formations spécifiques au greenwashing.
En conclusion
Faire du marketing durable, ce n’est pas militer. C’est anticiper, aligner et amplifier ce que les marques ont de meilleur. Les pros du marketing ne demandent pas la permission : ils·elles montrent la voie.
Sources :
- Afnor, La RSE : un chemin probant dans le temps (2019)
- CQDE, Consultation sur l’écoblanchiment (2024)
- Réussir avec un marketing responsable, Les bonnes pratiques (2024) : Salomon, Fiche bonne pratique - Produits de trail et casques recyclables (2024)