Depuis le 20 juin 2024, les marques canadiennes n’ont plus le droit d’inventer des vertus écologiques à leurs produits. Finie l’époque où un slogan vaguement vert ou une feuille sur un emballage suffisaient à séduire. Avec l’entrée en vigueur du projet de loi C-59, le Canada muscle enfin sa Loi sur la concurrence pour freiner l’écoblanchiment. Une avancée majeure… mais encore largement méconnue des professionnel·les du marketing.

Une loi qui change la donne
Le nouveau cadre impose que toute allégation environnementale soit justifiée par des preuves « suffisantes et appropriées ». Autrement dit, on ne peut plus proclamer qu’un produit est « écoresponsable » sans démontrer, chiffres et méthode à l’appui, qu’il l’est réellement sur l’ensemble de son cycle de vie. Exit les déclarations vagues, les comparaisons biaisées, les étiquettes pseudoécologiques, ou les promesses lointaines de carboneutralité sans plan sérieux.

Trois types d’écoblanchiment sont désormais sanctionnés : les fausses allégations, les déclarations trompeuses et les promesses spéculatives sans fondement. Le Bureau de la concurrence a même publié, en juillet 2024, un recueil des pratiques interdites, comme l’usage trompeur de labels, les images de nature sans lien réel ou la promotion d’avantages négligeables.

Le Canada dans un monde en mouvement
À l’échelle mondiale, la lutte contre l’écoblanchiment progresse… mais pas partout à la même vitesse. La Commission européenne, longtemps pionnière, vient de retirer officiellement sa proposition de Directive sur les allégations écologiques (Green Claims Directive). Prévue pour entrer en négociation en trilogue, la directive a été abandonnée en raison de critiques sur sa complexité, sa faisabilité et son impact potentiel sur les PME. Une reculade inattendue qui laisse un vide réglementaire en Europe.

Aux États-Unis, la tendance actuelle n’est pas non plus au resserrement. Dans un climat politique polarisé, les avancées environnementales sont freinées et les initiatives fédérales en matière de régulation verte peinent à émerger.

Mais ailleurs, la dynamique reste encourageante. L’Australie, le Royaume-Uni, la Corée du Sud et les Pays-Bas adoptent des lois de plus en plus strictes contre les allégations environnementales infondées. En France, l’usage du terme « neutre en carbone » est encadré depuis 2023. Ces initiatives envoient un signal clair : le greenwashing est devenu un sujet hautement politique. Mais une chose est sûre : les citoyens et les consommateurs, eux, demandent de plus en plus de clarté. C’est un choix de société qui s’impose, pour décider dans quel monde nous voulons vivre et quel impact nous voulons avoir sur la société.

Une opportunité pour les agences
Plutôt que d’y voir une menace, les agences et créatif·ves québécois·es gagneraient à considérer cette loi comme un catalyseur d’innovation. La fin du flou oblige à revoir les briefs, les claims, les visuels. Elle pousse à travailler en amont avec les clients pour comprendre, mesurer et raconter honnêtement en prenant en compte les impacts réels. C’est une invitation à faire du bon marketing, pas juste du bon storytelling.

Des agences comme Futerra à Londres ou Canidé au Québec misent déjà sur la transparence comme ressort créatif. En Europe, les institutions comme l’ADEME sont devenues des repères pour valider les bonnes pratiques. Le Canada emboîte le pas : les marques qui réussiront seront celles qui sauront conjuguer rigueur, véracité et inspiration.

Ce que les pros doivent faire maintenant

  • Se former : comprendre les exigences de la Loi C-59 et les lignes directrices du Bureau.
  • Revoir ses messages : identifier les claims à risque, les promesses floues, les visuels douteux.
  • Collaborer avec les clients : exiger les preuves, poser les bonnes questions, intégrer l’analyse de cycle de vie dans la stratégie.
  • Documenter et prévoir : garder des traces des démarches, prévoir des budgets pour valider les allégations.

Conclusion
La Loi C-59 marque un tournant. Et si la rigueur devenait le nouvel outil créatif des agences ? Pour celles et ceux qui osent faire mieux, cette loi pourrait bien marquer le début d’un nouveau cycle en marketing : plus vrai, plus utile, plus durable.

Sources :

  • Consultation publique sur l’écoblanchiment, CQDE, Masse Critique, Quebec Net Positif (septembre 2024)
  • Bureau de la concurrence du Canada, Recueil des pratiques commerciales trompeuses, vol. 7 (2024)
  • European Commission, Proposal for a Directive on Green Claims (2023)
  • ADEME, Guide anti-greenwashing (2022)