Dans cette série d’articles, les équipes de Crakmedia aborderont leur propre expérience avec les outils basés sur l’intelligence artificielle dont elles se servent quotidiennement. Ces outils permettent à l’entreprise de marketing de performance de Québec de s’adapter rapidement aux conditions changeantes de ce type de marketing hautement dynamique, nécessitant une capacité d’adaptation en temps quasi réel.
L’intelligence artificielle est définitivement le buzzword de l’année 2024 avec plusieurs lancements de nouveaux modèles par les grands joueurs de la techno. OpenAI lançait le 13 mai 2024 une nouvelle version de son populaire modèle, ChatGPT-4o ou ChatGPT-4 Omni, qui se veut un modèle polyvalent pouvant gérer autant le texte, l’audio et les images. Meta lançait également en juillet dernier la version multilingue de son modèle Llama 3.1, ajoutant le français, l’espagnol, le portugais, l’italien et le hindi aux langues qu’il est en mesure de comprendre nativement, en plus d’être le seul modèle libre du marché.
Ces grands modèles de langage sont bien connus du public et leur version gratuite est accessible depuis déjà un moment et, bien que impressionnantes, elles n’ont rien à voir avec la puissance des outils offerts en version payante. Notre spécialiste en communication François Tremblay s’entretient avec notre directeur à la création, David Hamel et notre designer, Shanelle Robillard, sur l’impact que les technologies de l’IA ont sur leur travail.
L’IA, un atout dans notre coffre à outils
FT: L’IA est omniprésente de nos jours et je me demande si c’est le cas également dans les départements de création visuelle comme celui de Crakmedia?
DH: On en utilise un paquet en fait! On utilise beaucoup de logiciels de génération d’image et de retouche automatique. Du côté de la génération vidéo, on n'est pas tout à fait rendu là tout simplement parce que ça consomme beaucoup de ressources et on ne peut pas faire rouler ça sur notre infrastructure informatique actuelle, mais ça s’en vient. Donc, on utilise beaucoup Firefly, l’IA générative intégrée à la suite Adobe, et qui nous sert day-to-day pour la retouche photo : étendre un background, modifier l’angle d’un bras, ajouter des accessoires vestimentaires…
SR: C’est vraiment pratique pour générer rapidement des objets spécifiques à ajouter dans une image quand on a une idée précise, mais qu’on ne trouve pas nécessairement d'images correspondant exactement à ce qu’on s’imagine. Mettons qu’on veut ajouter un chapeau sur la tête d’une personne, l’IA est en mesure de le générer et de l’intégrer sans même que ça paraisse qu’il n’était pas là.
DH: Ensuite dans la génération d’image, on s’appuie beaucoup sur Midjourney, un des programmes les plus puissants du genre quand tu veux un résultat vraiment léché et parfaitement intégré. On l’utilise pour créer des assets pour composer les images : des bouts de logos, des badges, des pastilles…bref pas mal tout sauf le texte parce que c’est pas encore au point.
On a également une instance de Stable Diffusion qui roule sur notre infrastructure interne et qui nous permet de créer du contenu en entraînant notre propre modèle sur notre banque de visuel dont nous sommes propriétaires. C’est aussi via Stable Diffusion qu’on pourra éventuellement créer du contenu vidéo pour nos campagnes publicitaires.
SR: Un autre logiciel IA qu’on utilise beaucoup c’est Remini AI, un rehausseur d’image. C’est assez fréquent que des clients nous fournissent des images de basse qualité et ne sont pas en mesure de reprendre les images ou de retrouver les originaux. L’IA est particulièrement utile dans ce cas parce que si on passe d’une image de 100 pixels par pouce à 300 pixels par pouce, on doit essentiellement inventer les deux tiers de l’image, car l’information n’existe pas. L’IA analyse l’image et déduit les pixels manquants selon le contexte, ce qui serait impossible à faire manuellement dans un temps raisonnable.
On utilise aussi l’IA pour facilement faire des retouches d’éclairage ou carrément ajouter des sources d’éclairage qui n’existent pas dans l’image originale. Ça nous permet d’adapter des photos existantes sans retourner en studio.
DH: On a également des outils comme Revoicer qui permet d’ajouter des voix off sur nos publicités vidéos. En marketing de performance, on doit souvent modifier des campagnes pour la veille ou créer plusieurs déclinaisons d’une même vidéo pour tester la réaction des consommateurs. Un outil comme Revoicer nous permet de modifier la voix et de nous adapter rapidement.
FT: Tu dis que la qualité est élevée, mais il me semble que l’IA donne des résultats souvent un peu moches ou peu réalistes. Est-ce que le résultat est différent avec les versions payantes?
SR: Oui, c’est le jour et la nuit. On est capable de produire des images photoréalistes avec les modèles payants, ça n’a rien à voir avec les premières versions. Et oui ça arrive qu’on doive générer des images au complet incluant des personnes et ça fonctionne très bien. On a pas toujours le temps de créer du contenu en studio et les résultats sont excellents avec l’IA…du moins avec les versions payantes!
L’IA d’Adobe, Firefly, est d’ailleurs rendue très puissante pour générer des images photoréalistes ou « compléter » des images quand on doit agrandir et qu’il manque des bouts du background. On est même capable de générer des visages réalistes et oui, des mains réalistes qui n’ont pas 8 doigts!
DH: Et les voix des outils de voice over sont vraiment bluffantes. Ce ne sont pas les voix robotiques qu’on avait. On peut leur donner une personnalité ou une émotion particulière. On a vraiment plus de paramètres et ça peut sonner très naturel.
FT: Sachant que vous avez accès à tous ces outils, comment leur utilisation influence votre processus créatif?
SR: Honnêtement, ça nous permet de sauver tellement de temps qu’on peut vraiment s’attaquer à de très gros projets dans une fraction du temps que ça nous prendrait si on créait tout traditionnellement. On n’a pas à s’imposer autant de limites par manque de temps ou de ressources. Avant, je pouvais passer des heures à photoshoper des images alors que là je peux demander à Firefly de faire des retouches et il les fait en deux secondes, c’est vraiment incroyable.
DH: On est capable de générer des storyboards et des preuves de concept rapidement ce qui nous permet d’orienter le travail immédiatement. On peut arriver très tôt dans le processus de création d’une campagne publicitaire avec des visuels qui permettent à tout le monde d’avoir une idée concrète de quoi elle va avoir l’air et préciser la vision très tôt dans un projet.
On est capable aussi de générer des images de référence pour après guider notre processus créatif et recréer ça en dessin, en photographie ou en vidéo.
SR: On en a déjà parlé, mais on est aussi capable dès le départ de décliner nos idées de visuels pour les campagnes en plusieurs versions en quelques minutes au lieu de quelques heures.
FT: Vous semblez tous les deux voir pas mal que des avantages à l’IA dans votre travail?
DH: Honnêtement, c’est que ça nous permet d’obtenir un produit au look très fini, poli, dans une fraction du temps que ça nous aurait pris traditionnellement. Le temps qu’on sauve est énorme. C’est par contre un peu un couteau à double tranchant parce que les gens s’attendent à ce que notre travail devienne instantané : on pousse ça à l’IA et, boum, on a un résultat. C’est pas exactement ça.
SR: On doit rédiger des prompts vraiment précis et savoir ce qu’on veut, comment on le veut parce que sinon on va obtenir vraiment n’importe quoi. On doit avoir un bon œil pour déceler les trucs qui ne fonctionnent pas dans les images générées pour pouvoir les corriger. Et encore une fois, le texte, l’IA ne le gère pas bien du tout donc on doit aussi l’intégrer nous-mêmes.
DH: Des fois on a des gens qui nous arrivent avec des visuels générés par IA en disant qu’ils ont fait ça en 5 minutes et que ça a donné un super bon résultat. Mais quand on s’y attarde avec un œil d’artiste, on s’aperçoit qu’il y a plein de problèmes et qu’on ne peut pas mettre ça en ligne, ça ne respecte pas nos normes de qualité.
SR: Ce que beaucoup de gens ne comprennent pas, c’est qu’on ne peut pas laisser aller l’IA et prendre tel quel ce qu’elle génère. On peut utiliser l’IA pour soutenir notre travail, mais elle ne fait pas tout et tu dois quand même faire un travail d’assurance qualité et d’ajustement. Ça paraît tout de suite quand quelqu’un fait juste se fier que le résultat est bon sans vérifier attentivement. Ça ne remplace pas ton jugement.
FT: Quelles sont les limites de l’IA, les choses pour lesquelles vous ne pouvez pas l’utiliser?
DH: Il n’y a pas grand-chose qu’il ne peut vraiment pas faire, mais encore une fois, le texte, ce n’est pas au point du tout.
SR: Mettons qu’on écrit un prompt super précis pour créer un logo qui inclut du texte, en général l’IA ne comprend pas vraiment ce qu’on lui demande. Le texte va être là, mais il va rarement être à l’endroit qu’on veut et ça va être du charabia. On doit toujours le retravailler pour intégrer le texte correctement.
DH: L’autre problème qu’on a c’est que l’IA va bien comprendre le concept qu’on veut, mais son premier jet va en général être beaucoup trop travaillé, trop de détails, trop d’éléments qui surchargent le design. Ça ne gère pas bien le minimalisme ou les concepts très abstraits qui sont souvent ce qu’on veut quand on veut générer des logos ou du matériel promotionnel. Supposons que tu veux créer un logo pour un superhéros-araignée (pour ne pas le nommer), l’IA va clairement te générer une grosse araignée avec du poil et trop d’yeux.
SR: Less is more, il a pas encore compris ça! Et l’IA ne remplace pas ton sens créatif ou ta vision: tu dois lui dire clairement ce que tu veux, tu dois comprendre ce que tu lui demandes et tu ne peux pas le laisser libre de créer. Il ne crée rien, il suit des instructions.
FT: Donc vous ne pensez pas que l’IA va finir par prendre le relais sur les artistes en chair et en os?
DH: Non, jamais complètement en tous cas. Il y a des choses pour lesquelles l’IA fait un bon travail de soutien et de facilitation…mais comme Shanelle vient de dire: il ne crée rien de lui-même. Il y a un gros travail d’imagination, de conception et de visualisation à faire avant de créer un prompt précis puis on doit analyser le résultat et demander des correctifs très précis.
C’est comme le travail que tu fais en ce moment : ChatGPT pourrait te remplacer et rédiger ton article à ta place…mais dans les faits, tu dois le surveiller et retravailler le résultat. Ça prend un être humain en arrière pour s’assurer que le produit est de qualité, parce que l’IA ne peut pas évaluer la qualité. Le travail de création reste un travail humain et l’IA permet simplement de réaliser notre vision plus vite.
SR: Je ne pense pas non plus que ça va nous remplacer, mais je pense que ça peut nous «abrutir» si on prend ces outils-là pour acquis et qu’on ne fait pas d'effort pour apprendre ou conserver nos compétences. Techniquement, avec le bon prompt, tu peux générer une toile en quelques secondes et faire passer ça pour une œuvre. Personnellement, je pense qu’on doit prendre l’IA comme un outil et non comme un remplaçant.
DH: Je ne pense pas que l’IA soit capable d’innover, d’inventer un nouveau style jamais vu. Il va être bon pour reproduire un style pour lequel on va l’avoir entraîné à partir de véritables créations, mais il ne produira rien de réellement nouveau.
FT: Est-ce que vous pensez que l’utilisation de l’IA devrait être mieux encadrée dans le domaine créatif?
DH: On va devoir développer des systèmes, et il y en a déjà, pour détecter l’usage abusif de l’intelligence artificielle. Par exemple, détecter quelqu’un qui vendrait de l’art IA en le faisant passer pour des créations originales, ça ne devrait pas être permis.
Il y a aussi tout ce qui a rapport avec le respect du droit d’auteur. Il n’y a pas encore eu de gros scandales, mais il y a déjà des artistes qui voient leur style copié par l’IA. Comme les modèles sont entraînés sur des données qui existent, c’est un peu inévitable que ce qui va être produit va ressembler beaucoup à des œuvres ou des styles existants.
Il va falloir mieux encadrer ce que les créateurs d’IA génératives peuvent utiliser pour entraîner leurs modèles et définir ce qui peut être protégé par le droit d’auteur et ce qui est librement utilisable.
FT: Pensez-vous qu’une œuvre entièrement créée par l’IA peut être considérée comme une œuvre originale?
SR: Pour moi, non, ce n’est pas une œuvre originale. C’est peut-être toi qui a pensé au concept et rédigé le prompt, mais ce n’est pas toi qui l’a réellement créé.
DH: Je dirais que ça dépend. À la limite, même nous en tant qu’artiste, on apprend le métier en se basant sur les connaissances et les styles d’autres personnes. On s’en inspire et parfois on imite. C’est un peu étrange de dire que c’est pas une création originale si c’est de l’IA, mais que c’en est une si c’est moi qui l’a créé de mes mains à 100 % alors que c’est essentiellement le même principe.
SR: En même temps, quand je crée quelque chose, c’est un don de moi, c’est un acte réfléchi, c’est des heures de ma vie que je mets dans une œuvre. Quelqu’un qui passe quelques minutes à créer une toile avec une IA, ça n'a pas la même valeur… personnellement, ça me rend même un peu indifférente. Si je vais voir l’exposition d’un artiste, je vais analyser ses œuvres, je vais me questionner sur l’intention, la signification. Une toile AI, ça n’a pas d’âme, ça ne soulève aucun questionnement. Pour moi, c’est ça qui manque pour que ce soit une œuvre originale.
FT: Est-ce que l’IA complique ou facilite la gestion du droit d’auteur selon vous?
DH: C’est un peu les deux. Ce que l’IA crée n’étant pas protégé par le droit d’auteur, on peut le réutiliser dans nos créations sans problème…à condition que les modèles soient bien entraînés sur des données libres de droits évidemment. D’un autre côté, c’est difficile de s’apercevoir si une image générée par l’IA pourrait enfreindre un droit d’auteur. D’où l’utilité d’avoir une instance de Stable Diffusion entraînée sur nos propres données pour générer du contenu à partir de visuels qui nous appartiennent à 100 %.
SR: C’est facile de générer du contenu qui enfreindrait les droits d’auteurs ou s’approprier l’image d’une personne. Il faut être prudent et s’assurer de ne pas créer du contenu protégé par inadvertance ou pire, de créer de la fausse représentation ou diffuser des fausses informations. C’est le genre de choses qui mettraient une entreprise de pub très profondément dans le trouble.
FT: Comment entrevoyez-vous l’évolution future de l’IA dans les domaines créatifs?
DH: C’est honnêtement dur à prévoir. Juste dans la dernière année, on est passé d’outils aux résultats souvent assez ordinaires à des images générées d’une qualité vraiment élevée, difficile à différencier du réel. J’ose à peine imaginer où on en sera dans quelques années.
SR: Différencier le vrai du faux va devenir de plus en plus difficile. Ça va prendre un œil très aiguisé pour déceler les détails minuscules qui nous font dire : «Ok, ça c’est de l’IA!». C’est difficile en fait de dire des trucs précis parce qu’en ce moment, les outils IA nous permettent déjà de pratiquement tout faire, alors à part dire qu’ils vont s’améliorer, je ne vois pas trop qu’est-ce qu’ils pourraient faire de plus.
DH: On est dans le début d’une révolution, et comme toute révolution, il y a de l’inconnu et des éléments qui font peur. On a peur que l’IA fasse disparaître des emplois, mais on a pensé la même chose avec l’arrivée de la radio, de la télé, d’internet, des ordinateurs…et la catastrophe annoncée n’est jamais arrivée.
SR: La chose que j’espère, c’est que les écoles vont continuer d’enseigner aux étudiants à faire les choses eux-mêmes et la création sans IA pour qu’ils continuent de développer ces compétences-là et ne se retrouvent pas complètement pris au dépourvu s’ils n’y ont pas accès. C’est un outil puissant, mais il ne réfléchit pas à ta place. Si tu n’apprends pas les principes de bases en arts, comment peux-tu juger objectivement le résultat d’une IA? Tu ne peux pas.
FT: Donc en conclusion, l’IA est un outil pour arriver à vos fins plus rapidement, mais ne remplacera jamais la créativité humaine?
DH: Exactement. L’IA nous permet de ne plus perdre notre temps sur des tâches qui prennent un temps fou, mais qui ont peu de valeur ajoutée. Personne ne va voir mon design et se dire: «As-tu vu la job de détourage là-dessus, c’est insane!» et pourtant c’est probablement ce qui va m’avoir pris le plus de temps. Personne ne va remarquer que j’ai mis 3 heures à trouver LA parfaite image générique pour un site web alors que maintenant je peux la générer en 30 secondes et me concentrer sur le design, l’expérience utilisateur, l’image de marque, etc., bref les aspects que nos annonceurs et leurs clients vont remarquer.
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