C'est un phénomène qui a toujours existé et qui n'est pas près de s'éteindre, un peu comme le jour de la marmotte, et qui semble s'accentuer davantage dans des cycles de 3-4 ans, au même rythme que les renouvellements de contrats entre client et agence.

Pourtant, ce n'est pas sans conséquences, et c'est un phénomène difficile à cerner et à adresser puisqu'il est cyclique et, somme toute, ça fait partie de la vie d'agence. J'ai pris le temps de parcourir les pages LinkedIn des principales agences montréalaises, et j'ai découvert une section qui se trouve tout en bas des pages de profil d'entreprises. Cette section en dit long avec peu de mots et de jolis graphiques.

Peu de gens y prêtent attention puisqu'elle n'est pas évidente à trouver au premier coup d'œil – il faut «scroller» – mais elle révèle beaucoup: les recrutements récents dans les postes de direction, le taux de croissance de l'effectif sur six mois, et l'ancienneté médiane des employés. En analysant ces données, on obtient un bel aperçu de la santé interne des agences, qui confirme ou infirme certaines perceptions et croyances. Pour moi, ces chiffres parlent plus que toutes les certifications de "Best Place to Work" mises ensemble.

linkedinSource: Information tirée du profil LinkedIn d'une agence. D'autres informations sont disponibles avec le profil Premium de LinkedIn.

Une agence discrète sur les réseaux sociaux affiche une croissance modeste de 2% de son effectif et une ancienneté médiane de 4,8 ans. Elle semble stable et sereine, et dans les faits, ça va très bien: obtention de nouveaux comptes et recrutement dans des postes-clés.

Une autre, qui annonce fièrement quatre recrutements au sein de la direction, affiche une croissance de 4% de son effectif total et une ancienneté médiane de 3,3 ans. Elle montre des signes d'expansion, mais aussi de rajeunissement de son équipe.

Et enfin, une agence qui se vante de ses excellentes conditions de travail, mais qui affiche une baisse de 15 % de son effectif en 6 mois et une ancienneté médiane de 2,3 ans… Là, il y a clairement matière à s'interroger.

Parmi tous les chiffres que j'ai observés, les indicateurs qui m'ont le plus impressionnée pour une agence montréalaise sont les suivants: une croissance de 15% en six mois de l'effectif total, aucun changement dans l'équipe de direction, et une ancienneté médiane de 5 ans pour l'ensemble des employés dans une agence comptant près de 40 personnes. En corrélant ces données avec la performance, on remarque que c'est l'une des agences les plus primées à Montréal dans son secteur.

Il y a plus de dix ans, une étude de l'American Association of Advertising Agencies révélait que le taux de roulement dans les agences américaines était de 30%. Les données récentes de l'American Association of Advertising Agencies (4A's) montrent que le taux de roulement dans les agences de publicité américaines reste un enjeu majeur en 2024. En effet, bien que les chiffres exacts varient selon les agences, le taux moyen de roulement dans l'industrie se maintient autour de 30% pour certaines agences aux États-Unis, un chiffre qui n'a pas beaucoup changé depuis la décennie précédente. Ce taux est particulièrement élevé dans les petites agences, où un roulement de 15% ou plus peut être particulièrement déstabilisant, affectant la continuité de la qualité des services. Selon l'A2C, du moins au moment où j'avais accès à ces chiffres, on observe des chiffres moindres au Québec, mais certains signes ne trompent pas.

Le taux de roulement est un indicateur crucial, surtout dans un domaine où la gestion de la relation client est essentielle. Il peut révéler l'état de santé d'une agence. Cet indicateur souligne l'importance de surveiller de près le roulement, car cela indique des problèmes internes qui ont un impact direct sur la performance externe de l'agence. En 2024, les agences doivent également faire face à des défis supplémentaires comme l'intégration de l'IA, la gestion de la conformité aux nouvelles législations sur la confidentialité des données, et encore une fois la gestion et l'investissement dans des canaux qui offrent un meilleur retour et une meilleure prévisibilité sur l'investissement. Comme me l'ont confié plusieurs directeurs marketing en début d'été, le roulement élevé dans les agences est un irritant majeur pour eux.

Le taux de roulement n'est pas seulement un indicateur vital pour les agences de communication, mais aussi pour d'autres secteurs de services comme les cabinets d'avocats, les cabinets comptables et les firmes d'architecture. Ces industries partagent des dynamiques similaires où la rétention des talents est cruciale pour maintenir la qualité des services offerts. Selon mes recherches, on parle de taux moindres dans ces secteurs, mais les chiffres soulignent l'importance pour toutes les entreprises de services de surveiller de près cet indicateur, car ils sont révélateurs et ils ont un impact direct sur la performance. En fin de compte, que ce soit dans la communication, le droit, la comptabilité ou l'architecture, la stabilité des talents reste un moteur de la réussite à long terme. Pour les talents en quête de stabilité et de développement ou pour les clients à la recherche d'un partenaire fiable, cet indicateur offre une vue précieuse: il peut faire une différence entre un partenariat durable et une aventure risquée.

sonyaConsultante, planification stratégique et chargée de cours, Université de Sherbrooke

Cette chronique provient d'une publication LinkedIn.