Plusieurs me disent être incommodés par des symptômes de ce que je me permettrai d’appeler la phobie sociale 2.0. Comme le trouble anxieux dont le nom s’inspire, la phobie sociale 2.0 excède la timidité ou la réserve prudente. Elle occasionne à la personne qui en est atteinte une crainte, une appréhension, un inconfort émotionnel ou une inquiétude persistante. Là s’arrête la comparaison, fort heureusement: la phobie sociale 2.0 n’occasionne généralement pas de détresse importante à ceux qui en sont affligés et elle ne diminuera pas non plus leurs capacités, puisqu’il s’agit d’une condition dont les symptômes ne se manifestent qu’en présence du web 2.0 et ses diverses applications.

Qu’est-ce que j’entends donc par phobie sociale 2.0? En voici quelques symptômes:

• l’angoisse que ressentiront certains à la simple idée d’explorer du bout des doigts les possibilités que peuvent leur offrir les réseaux ou médias sociaux. Leur crainte sera souvent relative à la sécurité ou la confidentialité des données, mais parfois également liée à leur manque de confiance en leur capacité à intégrer les apprentissages techniques nécessaires. Dans un cas comme dans l’autre, la résultante est susceptible d’être la même : cette angoisse générera des comportements d’évitement plus ou moins complet;

• l’appréhension qui confinera plusieurs à un rôle d’observateur, s’abstenant de prendre part aux échanges sur les réseaux sociaux. Ils s’abonneront aux divers réseaux, mais leur préoccupation excessive relative à leur «identité et réputation numérique» fera en sorte que par crainte du jugement d’autrui, ils demeureront à l’écart de l’activité;

• l’inquiétude persistante vécue par un bon nombre d’internautes actifs quant aux applications à favoriser, à la pertinence ou la fréquence de leur contribution. Leur incertitude aura parfois pour conséquence qu’ils s’inscriront partout par peur de manquer une opportunité, puis constatant l’effort à consentir pour établir une présence constructive, ils abandonneront, après quelques soubresauts.

Si la phobie sociale 2.0 n’est pas en soi une condition invalidante, elle peut néanmoins s’avérer un obstacle entravant l’évolution professionnelle de plusieurs. Bien qu’il soit encore tout à fait possible de trouver un emploi sans participer à l’activité des médias sociaux, pour combien d’années une telle affirmation demeurera-t-elle juste? Le candidat qui choisit de rester à l’écart du web 2.0 doit non seulement considérer les opportunités immédiates qu’il pourrait manquer, mais aussi l’impact que de cette décision peut avoir sur la valeur de sa candidature à plus ou moins long terme.

Il n’est bien sûr pas nécessaire que chacun maîtrise l’ensemble des multiples applications, qu’il assure une présence continue ou développe une communauté sur les réseaux sociaux, mais dans une situation de recherche d’emploi, il est pertinent d’anticiper que des questions relatives à votre familiarité avec ces outils soient soulevées.

L’employeur souhaitera bien sûr mesurer les compétences techniques et fonctionnelles du candidat, selon les exigences de la fonction, mais le sujet sera aussi abordé dans le but d’évaluer plus généralement la capacité d’adaptation et l’intérêt que porte la personne à l’évolution des technologies. Il peut paraître simpliste et imprécis de mesurer l’évolution d’une personne à l’aune du progrès technologique, mais il est fort à parier que les personnes qui mesurent sans nuance la stabilité ou l’engagement d’une personne par la fréquence de ses changements d’emploi, auront aussi tendance à traiter ces questions de façon arbitraire.

Ce type d’interrogation sera d’ailleurs fréquemment soulevé en présence de candidats matures, qui les appréhenderont. S’ils n’ont pas réussi à surmonter leur phobie sociale 2.0 ou s’ils peinent à intégrer les connaissances techniques utiles, on les comprendra bien sûr de craindre ces questions.

Dans bien des cas, pourtant, le candidat possédera une maîtrise des outils tout à fait suffisante pour la fonction auquel il aspire. Certains combineront de solides connaissances à une quête continue de nouveaux apprentissages, démontrant ainsi leur capacité à évoluer, mais leur propension à se mesurer aux jeunes ou très jeunes «natifs du numérique», aura pour conséquence qu’ils minimiseront leurs compétences et connaissances, pourtant appropriées, parce qu’elles leur paraissent bien pâles, en comparaison.

Quelles solutions proposer à ceux qui vivent une anxiété relative à l’avènement des réseaux et autres médias sociaux? Je prendrai de nouveau la liberté d’établir un parallèle entre la phobie sociale 2.0 et la condition que le nom évoque, en osant suggérer de s’inspirer également de certaines des techniques utilisées pour la traiter: une combinaison «d’entraînement aux habiletés sociales» et «d’exposition graduée» me semblerait appropriée pour aider à surmonter la phobie sociale 2.0!

Par exemple, si vous êtes tapi derrière l’écran, craintif à l’idée de manifester votre présence sur les réseaux sociaux, vous pouvez choisir de vous exposer très graduellement, en limitant la portée de votre réseau à quelques proches, qui pourront vous servir de partenaires dans des jeux de rôles, pour vous permettre la pratique des habiletés à intégrer afin d’avoir des comportements sociaux efficaces.

Surtout, ne laissez pas vos inquiétudes relatives aux médias sociaux vous garder à l’écart de la conversation trop longtemps, du moins si vous prévoyez être sur le marché du travail pour encore plusieurs années. Si l’idée de vous lancer vous parait trop intimidante, recherchez néanmoins des contenus pour augmenter votre connaissance de ces outils. Une simple recherche avec le mot clé «formation», suivi du nom de l’application concernée, sur Google ou Youtube vous permettra de dénicher plusieurs didacticiels et présentations multimédias intéressantes qui soutiendront le développement de vos compétences, vous informeront à l’égard de la protection des renseignements et parviendront peut-être à vous rassurer quant à l’inévitable présence des réseaux sociaux dans votre vie professionnelle.