Dans le dernier mois, plus d’une quarantaine de procureurs généraux, de 36 États américains ont déposé des poursuites historiques contre Meta, la maison-mère de Facebook et Instagram.  

L’envergure de cette coalition de poursuites nous rappelle étrangement celle qui avait agi contre les producteurs de tabacs dans les années 90 et 2000. D’ailleurs, ce qui est reproché à Meta a été reproché à Imperial Tobacco jadis: «votre produit est addictif et il est mauvais pour la santé. Vous le saviez et vous n’avez rien fait pour corriger le tir».  

Origines des poursuites 
Vous vous souvenez du documentaire «The Social Dilemma» sur Netflix? Ironiquement, c’est la popularité de ce documentaire sur les médias sociaux qui a braqué les projecteurs et l’intérêt de certains procureurs généraux vers les pratiques commerciales de Meta, autrefois Facebook.  

Le premier à avoir ouvert officiellement une investigation plus poussée est l’Utah, cet état conservateur de l’Ouest. Cela a même mené à des règlementations assez strictes pour limiter l’accès à la plateforme pour des enfants de moins de 16 ans. Ces règles sont très difficiles à faire appliquer dans le monde réel, mais elles ont mis la table pour ce qui allait suivre. 

Voilà qu’à travers ces investigations, de nombreux sonneurs d’alerte ont quitté Meta avant plusieurs dizaines de milliers de documents internes entre les mains. Ce qui en ressort: les hauts dirigeants de Meta savaient que certaines fonctionnalités avaient des effets dévastateurs sur la santé psychologique chez les jeunes, surtout les adolescentes. Il est question d’anxiété, de dépression et d’augmentation du taux de suicide. Pourtant, Meta a continué à développer et raffiner ces fonctionnalités sans ajouter de paramètres de contrôle et de sécurité supplémentaires. 

Les poursuites s’appuient sur trois éléments clés: les fonctionnalités addictives, les allégations selon lesquelles Meta savait et la facilité l’accès aux produits par les jeunes. Ça vous rappelle quelque chose? 

De l’excès de nicotine à l’excès de dopamine 
Bon, est-ce que Meta et Imperial Tobacco ont réellement beaucoup de points en commun? C’est une preuve qui est loin d’être fait. Les procureurs généraux ont encore beaucoup de travail devant eux.  

Le procureur de l’état du Massachusetts est le premier à avoir rendu publics ses documents de cours la semaine dernière. Cela nous donne une meilleure idée de leurs argumentaires et stratégies. Voici les grandes lignes. 

  1. Meta a délibérément conceptualisé des fonctionnalités addictives pour les jeunes.  
    • Certains filtres beauté envoient le signal aux jeunes filles que leur corps est problématique. 
    • Le fil d’actualité n’a pas de fin, menant à de l’utilisation excessive. 
    • La gamification constante utilise à outrance les circuits de dopamine du cerveau. 
    • Les «likes» affectent l’estime de soi. 
    • La temporalité du contenu crée de l’anxiété (le fameux FOMO). 
    • Le manque de surveillance rend la plateforme propice au cyberharcèlement. 
  2. Meta savait qu’elle causait de la détresse psychologique 
    • Plusieurs études internes fournies par les sonneurs d’alerte démontrent que Meta avait entre les mains de nombreuses études sur le sujet.  
    • Le projet Daisy, qui devait retirer les «likes» d’Instragram a été abandonné, malgré les annonces, pour des raisons purement pécuniaires.  
  3. Meta n’a rien fait pour empêcher les jeunes sur ses plateformes 
    • Malgré l’abandon du projet Instagram for Kids il y a quelques années, Meta n’a rien fait pour empêcher les jeunes de moins de 13 ans d’accéder facilement à ses plateformes. 
    • Aucune validation d’identité ou de contrôle parental n’est demandée.  

Et pourquoi juste Meta? 
Une question très légitime que même Meta se pose: pourquoi juste nous? Alphabet, Microsoft, Snap, X (Twitter) ont tous des pratiques similaires. Même que certaines fonctionnalités ont été copiées sur ces plateformes. 

À cela, les procureurs répondent: chacun votre tour. D’autres plaintes seront déposées contre ces groupes dans le futur. 

Cette chronique est écrite par Arnaud Montpetit et publiée à l'origine sur LinkedIn.

meta