L’industrie médiatique est à un carrefour. Les défis auxquels elle est confrontée sont nombreux, et les solutions ne sont pas simples. À titre de stratège numérique, j’aime souligner les opportunités pour les créateurs de contenu indépendant et l’importance pour les journalistes d’avoir une présence en ligne solide. Mais il est important d’aborder les problèmes fondamentaux de l’industrie elle-même, en particulier pour les petits et moyens médias.
La loi C-18, bien qu’elle soit présentée comme une solution, est incomplète et potentiellement dangereuse. Elle semble avoir été conçue pour les grandes entreprises médiatiques, négligeant les besoins spécifiques des médias plus petits. Ces derniers risquent d’être écrasés par les géants de l’industrie. Google et Facebook, avec leur comportement monopolistique, peuvent avoir une influence néfaste sur le paysage médiatique. Il est essentiel de limiter leur pouvoir, mais la loi C-18, dans sa forme actuelle, ne semble pas être la solution.
Les décisions prises aujourd’hui auront des conséquences durables. La loi C-18 est un cadre de négociation entre les médias et les plateformes numériques. Mais elle favorise les grandes entreprises, laissant les petites et moyennes entreprises en position de faiblesse. Le système médiatique est cassé bien au-delà des simples partages de liens. La façon dont la publicité est facturée est au cœur du problème. Les besoins des petits médias diffèrent de ceux des grandes entreprises, et une vision holistique de la solution sera nécessaire pour aborder cette complexité.
Il est facile de pointer du doigt Facebook pour les problèmes de l’industrie. Cependant, en 2022, Facebook a envoyé plus de 1,9 milliard de clics aux éditeurs de nouvelles canadiens. L’industrie doit se demander comment elle peut valoriser cet apport. Le modèle d’affaires publicitaire actuel, basé sur le coût par millier d’affichages, est obsolète. Il est crucial de repenser ce modèle pour un système plus équitable. Le coût par mille, désavantageant les petits marchés, ne devrait pas être le même partout. Chaque région et chaque média ont des besoins spécifiques, et une solution efficace doit en tenir compte.
La valeur du placement publicitaire doit être revue. Il est essentiel de démontrer que le placement publicitaire dans nos médias locaux fonctionne et donne des résultats concrets. La responsabilité de prouver cela incombe à l’industrie elle-même.
Au lieu de nous focaliser sur une lutte contre les géants du numérique, nous devons envisager une refonte complète du système. La réponse à la crise des médias doit être nuancée, reflétant la complexité de l’industrie. Il faut travailler avec toutes les parties prenantes et développer des solutions adaptées à tous les défis. Une régulation des géants de l’industrie, une réforme du modèle d’affaires publicitaire et une revalorisation des placements publicitaires locaux pourraient être la solution pour revitaliser nos médias.
Denis Martel, Stratège numérique / ©Gisto